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Yves Reuter : le vécu disciplinaire des élèves pour comprendre le décrochage scolaire

Par sdametto — publié 04/01/2017 10:40, Dernière modification 17/06/2018 14:21
Yves REUTER est didacticien du français et avec une équipe du laboratoire Théodile de l'Université de Lille, qu'il a fondé et qu'il a dirigé pendant de nombreuses années. Il vient de livrer les conclusions d'une recherche menée sur le vécu disciplinaire des élèves comme élément de compréhension du décrochage scolaire.
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Didactique des disciplines et pédagogie 0:00
Quels enseignements de votre recherche précédente à Mons ? 2:33
Conscience disciplinaire, vécu disciplinaire 5:06
Seize dimensions du vécu disciplinaire 10:21
Une rupture entre école et collège ? 13:51

Le cycle 3, nouvelle étape de l'entrée dans les disciplines ?

16:40
Six spécificités de la recherche sur  vécu disciplinaire et décrochage scolaire 19:05

didactiques des disciplines et pédagogie

En tant que didacticien du français, Yves Reuter ne s'intéresse pas seulement aux systèmes didactiques, aux relations entre contenu, élève et enseignant, mais aussi aux conditions de la mise en place du système didactique et à ses effets. La recherche empirique menée pendant cinq ans à Mons-en-Baroeul sur la pédagogie Freinet a montré la possible ouverture de la didactique vers la pédagogie, mettant en évidence des conceptions différentes des disciplines, des manières différentes de les faire fonctionner et des rapports aux disciplines différents, avec comme conséquence un moindre décrochage.

Quels EnseignementS de la recherche précédente a l'école Freinet de Mons-en-Baroeul ?

La recherche permet de réfléchir à différentes dimensions du travail des enseignants comme :

  • le travail d’équipe et sa cohérence autour de principes
  • l’articulation du scolaire avec l’extra-scolaire
  • la place de la parole de l’élève dans les disciplines  et à l'extérieur
  • l’existence de pédagogies alternatives qui semblent donner des résultats intéressants dans la mesure où les élèves se trouvent bien, travaillent, progressent et développent de l'autonomie.

Deux concepts pour interroger les disciplines scolaires : la conscience disciplinaire et le vécu disciplinaire

Les entretiens avec les élèves montrent que la notion de « discipline » n’est pas claire notamment au primaire. La conscience disciplinaire permet de décrire la manière dont les élèves (ou les maîtres) reconstruisent les disciplines, cela de manière pertinente ou non, parfois jusqu’à faire obstacle aux apprentissages. Cette première étape a mené au concept de vécu disciplinaire qui permet de prendre en compte les sentiments ou les émotions que les élèves associent aux disciplines (dégoût, stress…). Ce concept permet d’observer les facteurs d’attrait et de rejet internes aux disciplines et à leurs configurations, rejet qui peut aller jusqu’au décrochage. A l’inverse, cela permet d’observer les formes de certaines disciplines qui permettent l’accrochage. Le décrochage est donc le produit d’une histoire qui se différencie selon les disciplines.

 Les seize dimensions du vécu disciplinaire

  • Le choix ou l’imposition ;
  • Le domaine du monde auquel renvoie la matière, indépendamment de sa mise en œuvre scolaire ;
  • La matière en tant qu’entité globale ;
  • Les fonctionnements scolaires de la matière ;
  • la spécificité dans le système disciplinaire par rapport aux autres ;
  • Le fonctionnement de l’enseignant ;
  • L’exposition « publique »
  • La corporalité ;
  • La compréhension ;
  • L’évaluation ;
  • L’identité ;
  • L’extraordinaire disciplinaire (qui renvoie à ce que qui sort du fonctionnement « ordinaire » de la discipline) ;
  • Les relations aux questions que se posent les élèves ;
  • les apprentissages réalisés/réalisables ;
  • Les découvertes effectuées ;
  • L’utilité.

Les seize dimensions du vécu disciplinaire constituent une typologisation issue de l’analyse de près de deux mille questionnaires et deux-cents entretiens d’élèves.
Le poids de ces dimensions varie selon les disciplines. D’un point de vue général, le vécu des élèves sur l’ensemble des disciplines est plutôt négatif et nombre d’entre eux ne comprennent pas le sens des activités qu’ils sont amenés à effectuer dans les différentes disciplines. La typologie proposée ici peut permettre aux enseignants de mieux comprendre un certain nombre de blocages et, le cas échéant, leur permettre de modifier les configurations disciplinaires qui pourraient être en cause. Par exemple, lorsque les élèves parlent des mathématiques, ils évoquent la vitesse des enseignants ou le stress lié à la compréhension, ces éléments peuvent être travaillés en formation.

Une rupture entre école et collège ?

Yves Reuter observe les transitions entre école et collège avec prudence. Le vécu disciplinaire des élèves est contrasté entre le premier degré et le second degré. Il fait part de résultats qui interrogent, comme par exemple le fait que les mathématiques sont une discipline peu appréciée dans le secondaire, alors que c’est la discipline préférée dans le primaire. La situation est inverse pour l’histoire-géographie. Est-ce lié à la formation des maîtres, à la pédagogie, à un changement de structure disciplinaire ? Les résultats invitent à y réfléchir.

Le cycle 3 : l'entrée dans les disciplines ?

Pour Yves Reuter, les disciplines commencent dès la maternelle. Cela se voit dans les situations mises en place par les professeurs. Néanmoins les disciplines changent de formes, de configurations : "Les maths, ce n’est pas la même chose au CM2 qu’en terminale S. On peut s’interroger sur le moment où une discipline, comme la lecture par exemple, commence et finit". D'autre part, il met en garde sur une confusion entre disciplines scientifiques et disciplines scolaires qui sont deux constructions différentes.

Six spécificités de la recherche sur vécu disciplinaire et décrochage scolaire

  • Entrée par les apprentissages disciplinaires
  • Travail sur les processus internes à l'école
  • Empan très large de la maternelle au post-bac
  • Articulation des différentes définitions et différentes formes du décrochage
  • Situation de la lutte contre le décrochage au sein de la classe
  • Place des enseignants au cœur de la lutte contre le décrochage

Outre l’entrée par les disciplines, la recherche sur le vécu scolaire a la particularité de s’intéresser aux processus internes à l’école (et non pas à une population à risques -l’avant- ou aux décrocheurs – l’après). L’empan des questionnaires est par ailleurs très important puisque qu’il va du primaire au post-bac par les filières générales mais comprend aussi des SEGPA, des GRETA, des LP… Cette recherche permet d’articuler les différentes définitions du décrochage (décrochage cognitif, absentéisme, sortie sans qualification...). Elle replace le décrochage au sein de la classe et redonne donc toute leur place aux enseignants.