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Evaluer « Plus de maitres que de classes » ? Oui, c’est possible !

Par Patrick Picard publié 04/05/2017 15:35, Dernière modification 22/09/2017 09:40
Une fois de plus, le politique mettra-t-il fin à une « innovation » avant même qu’on puisse comprendre ce qu’elle génère ? Si on en croit les bruits médiatiques, il est possible que « Plus de maitres que de classes » soit le réservoir de postes qui permettrait de réduire les effectifs des CP. Et pourtant, vous témoignez nombreux de ce que PDMQC transforme dans votre école, votre réseau, votre circonscription, en renforçant les dynamiques collectives centrées sur les apprentissages... Allez, soyons positifs, et imaginons qu'on va s'intéresser réellement à ce qui s'est passé depuis trois ans dans les écoles avant de le changer... Patrick Picard, centre Alain-Savary

NDLR : Le texte ci-dessous est le fruit du travail d’un groupe réuni par le Centre Alain-Savary, lui-même nourri par un croisement d’expérience et de formations de formateurs dans plus de trente départements ou académies du territoire national. Nous avons cherché à ce qu’il soit à la fois crédible et modeste, pragmatique et nourri par les savoirs de la recherche...  

L'objet de ce texte (rédigé avant les articles de presse sur l'avenir éventuel de PDMQC) n'est pas de se prononcer sur les avantages et les inconvénients de l’alternative ("PDMQC" versus le choix politique des effectifs réduits dans les classes). Mais à la lueur de l’expérience qui est la nôtre, formateurs, inspecteurs, chercheurs, nous proposons des pistes utiles (que nous espérons utilisables…) pour évaluer l’impact de « plus de maitres que de classes ».

 Trois dimensions qui se nourrissent, au service des progrès de l’élève.

Laissons de côté les légitimes discussions sur la possibilité d’évaluer, dans les progrès des élèves, ce qui relève des différentes composantes du « milieu ». Il est en effet difficile de savoir comment se conjuguent les pédagogies des enseignants, les effets-école, l’impact de l’accompagnement pédagogique, de la formation, de la refondation de l’école, de l’éducation prioritaire, des nouveaux rythmes ou des nouveaux programmes…

Mais essayons, pragmatiquement, de répondre à une question simple : « dans votre réseau, dans votre école, dans votre circonscription, qu’est-ce qui a changé avec PDMQC, du point de vue des apprentissages des élèves comme du travail des enseignants ? Ou pas… »            

Ce que nous avons observé, c’est que pour comprendre l’efficience (et les limites) du dispositif dans les apprentissages des élèves, il faut comprendre ce qui a été enseigné différemment, ou davantage, ou mieux, ou plus... Et pour comprendre ces évolutions dans les priorités de travail des enseignants, il faut aussi s’intéresser à la manière dont le dispositif a été accompagné et piloté (axes 1, 2 et 3 ci-dessous).

Evaluer PDMQC

1. Evaluer le travail et les progrès des élèves

Evaluer les résultats du travail des élèves à partir des attendus de fin de cycle, en prenant appui sur l’observation des productions/évaluations des élèves :

  • Ne pas dépenser trop d’énergie sur ce qu’on sait déjà, utiliser les évaluations existantes !
  • Identifier collectivement ce qu’on a enseigné et selon quelles proportions (langue orale et lexique, compréhension, production d’écrit, numération, résolution de problèmes…)
  • Se donner les moyens de mesurer le progrès (évaluations identiques réitérées)
  • Définir les étapes dans la réussite des tâches demandées pour construire des des échelons de maîtrise de compétences
  • Interroger les élèves sur leurs procédures suite à la réalisation de tâches
  • Organiser dans l'école / le réseau le rendu-compte de l’évaluation selon plusieurs pistes :

Ce que je regarde

des évaluations…

…peut me donner

des indications sur…

…afin de…

…ce qui permet de travailler

à plusieurs pour…

A. Les résultats individuels d’un élève, sa réussite globale, ses manques.… Les procédures d’un élève, la corrélation éventuelle entre ses difficultés, les obstacles qu’il rencontre Mettre en place une anticipation, une remédiation ou un module d'enseignement spécifique. Questionner la tâche, identifier l’obstacle rencontré par l’élève.
B. Les résultats d’une classe, sa moyenne, sa dispersion. Les écarts entre les élèves, la nécessité de mettre en place une différenciation plus ou moins ciblée sur certains élèves. Mettre en place des conditions d'enseignement qui permettent de ne pas faire l'impasse sur les élèves qui présentent des difficultés Concevoir des situations de découverte des notions à maîtriser. S’assurer de leur appropriation par tous les élèves en organisant plus systématiquement des temps de manipulation et d’utilisation des brouillons (apprendre à essayer pour s’essayer).
C. Les écarts entre les classes d'une même école, d'un même secteur, afin d'en déceler les points communs et les variances éventuelles. D'éventuels effet-maitre ou effet-école, une spécificité de la cohorte d'élèves ou de leur passé scolaire S'interroger sur ce qui est peut être fait spécifiquement dans une classe et qui n'est pas fait dans une autre Inciter aux échanges au sein de l’équipe de cycle, ou de l’équipe d’école en mettant en débat l’expérience du M+ qui co-enseigne avec différents MC.
D. Les items (ou groupes d'items) les plus échoués, les plus réussis. Les champs de compétences qui auraient besoin d'être re-travaillés dans la classe Mettre en place des programmations nécessaires, vérifier la conformité avec la prescription des programmes. Identifier les savoir-faire spécifiques que les élèves doivent automatiser. Concevoir les tâches. Organiser les entrainements en modulant les effectifs et en intensifiant moments de répétition (exemple des MACLES cf. Ouzoulias)

Cette ambition nous amène à proposer aux équipes, en formation, dans les espaces de concertation, des modalités plus précises pour s’intéresser au « réel » de l’activité de l’élève dans l'ordinaire de la classe, afin de construire progressivement des «observables partagés»  qui permettent de mieux identifier les « problèmes » d’apprentissage ou d’enseignement :

  • par une observation de productions d'élèves
  • par une observation de l'élève « en train de faire » (avec l'aide de M+) en centrant le regard sur ceux qui méritent une attention soutenue

Mieux identifier les problèmes d'apprentissage (ou d'enseignement) peut être réalisé selon les étapes suivantes :

  1. Décrire l’activité réelle de ces élèves  (ce que fait l’élève, ce qu’il met en œuvre pour répondre à la consigne)
  2. Comprendre ce que fait l’élève (pourquoi  l’élève fait ce qu’il fait, comment il investit ce qui a été enseigné) par des observations ou des entretiens
  3. Analyser le travail de l’élève (identifier ses réussites, ses difficultés grâce aux temps d’observation de la classe au travail permis par la présence du M+. Le différents champs de connaissances des différents professionnels, enseignants, maitre E, RASED, M+), permettent de mieux comprendre quelle(s) « question(s) vive(s) » se pose(nt) dans l'organisation de l'enseignement (ce qu’on aimerait faire et qui est difficile à faire quand on ne l'a jamais fait seul, et  que permet progressivement le M+) ;
  4. Construire une documentation (les savoirs professionnels à partager, issus des pratiques et de la recherche, notamment didactique) pour trouver des leviers d'action possibles
  5. Confirmer ses choix ou imaginer des alternatives dans les classes, dans l’école et avec le M+ (du point de vue des contenus didactiques et de l’organisation pédagogique)

Ce scénario est à adapter selon les contextes, les aides et l'accompagnement disponibles.

Cette mise en œuvre nécessite, dans un premier temps au moins, un accompagnement par l'équipe de circonscription ou des formateurs.          

2. Evaluer l’évolution du travail des enseignants et de l'accompagnement des enseignants

Il s'agit ici de centrer les observations sur les choix et la mise en oeuvre de modalités de travail, de collaboration, à plusieurs échelles (celle des équipes, mais aussi des réseaux et des circonscriptions)  :

  •  Observer les modalités de travail des enseignants de la dyade (co-enseignement, co-observation, co-intervention) et les configurations choisies en fonction des buts d’enseignement.
  • Observer les modalités de collaboration dans l'équipe entre M+ et enseignants  :
    • M+ « pollinisateur de pratiques » <=> M+ « caméléon » qui doit se fondre dans la pratique de chaque enseignant
    • M+ maitre « ordinaire » <=> M+ « personne-ressource » qui amène de nouveaux contenus ou formats pédagogiques 
  • Les questions suivantes permettent de consolider les observations :
    • Quels espaces de communication M+/MC sur ce qui se fait (contenus, outils, manières de faire) et ne se faisait pas avant ?
    • Quelles évolutions de préoccupations dans la dyade (notamment leur regard sur les activités des élèves, leurs difficultés et leur évolution) ?
    • Comment les questions passent de la dyade à l’école (ou pas) pour développer la culture professionnelle du groupe d’enseignants
    • Quels espaces collectifs d’échanges de pratiques entre M+ ?
  • Observer le partage du travail et des expériences entre les métiers (M+, maitres des classes, RASED, directeur, coordo, formateurs éducation prioritaire...) : quelle place pour les formateurs (CPC, formateurs éducation prioritaire, IEN...) dans cet accompagnement au changement, entre observation et formation ?

Cette dernière question nous amène aux questions de pilotage du dispositif.

3. Evaluer les changements dans les modalités de pilotage et de formation

  • Observer le partage du travail et des expériences entre les écoles, les circonscriptions, le département pour construire ensemble des stratégies d’accompagnement/formation.
  • Observer/questionner la relation entre les formations locales et le comité de pilotage départemental/académique (quand il existe), et la cohérence entre le pilotage Education Prioritaire et le pilotage PDMQC. (ces dimensions sont confirmées par la publication le 4 mai 2017 d'une importante circulaire sur le pilotage de l'Education Prioritaire)

Les points de vigilance liés à l'évaluation du dispositif "plus de maîtres que de classes", que nous venons de développer, interpellent plus largement les procédures d'évaluation. C'est l'objet de cette dernière partie. 

Mais au fait, l’évaluation ?

Travailler sur « l’évaluation » rend ainsi nécessaire de discerner les destinataires du travail d’évaluation. Cinq destinataires peuvent être possibles (plus ou moins enchâssés selon les situations). 

Le tableau ci dessous tente, pour chacun de ces cinq destinataires, de localiser leurs attentes et objectifs principaux :

evaluation

Pour qui ?Quoi ?
Pour l’institution
  • piloter le travail local (IEN), comprendre les effets-établissement ou effets-maîtres,
  • mesurer les acquis des élèves, les écarts-types, les dispersions, les évolutions, les effets d’une politique
  • évaluer les effets de l’enseignement
Pour les parents
  • savoir où en est son enfant, dans ses progrès et dans sa position dans le groupe-classe
  • pouvoir l’aider
Pour l’élève
  • savoir se situer
  • identifier ce qu’il sait, ce qui reste à apprendre ou à maitriser
Pour l’école, l’équipe enseignante, en intermétier
  • savoir ce qui a été fait avant, construire un regard croisé sur le degré de maitrise des compétences et les difficultés rencontrées par les élèves,
  • établir collectivement des priorités
Pour l’enseignant lui-même ou la dyade de co-enseignement
  • avoir un retour sur l’impact de son enseignement, prendre des indices
  • essayer de mieux comprendre la nature des obstacles aux apprentissages
  • réajuster, réguler, reprendre 
  • anticiper les apprentissages à conduire/construire, les remédiations

Pour plus de précisions on pourra se reporter à la conférence de Marc Bablet sur l'évaluation au service des apprentissages

Groupe de travail :

Bruno Bonhème, IEN Périgueux ; Anne Christyn de Ribaucourt, CPC Bayonne ; Marc Daguzon, MCF Clermont ; Nathalie Donot, CPC Rezé ; Jean-Michel Faivre, IEN Dole ; Remi Guyot, CPC Pierrefite ; Hossein Hiken, coordonnateur St Priest ; Olivier Lefebvre, CPC Montélimar ; Valérie Lussi, MER Genève ; Alain Müller, CE Genève ; Patrick Picard, centre Alain-Savary ; Eric Sonzogni, CPC Cluses ; Marie Toullec-Théry, MCF Nantes.