Aller au contenu. | Aller à la navigation

Centre Alain Savary
Navigation
Vous êtes ici : Accueil / Métiers / Pilotes / Enquête sur le pilotage des réseaux d'Éducation Prioritaire / Piloter un Réseau d’Éducation Prioritaire au service de la réussite de tous les élèves ? Pas si simple…

Piloter un Réseau d’Éducation Prioritaire au service de la réussite de tous les élèves ? Pas si simple…

Par skus — publié 16/01/2018 16:55, Dernière modification 05/06/2018 17:01
3 ans après la refondation de l'Éducation prioritaire, où en est le pilotage des réseaux ? Le centre Alain-Savary a mené l'enquête pour analyser le travail réel des pilotes et leur proposer des ressources et des outils.

La refondation de l’Éducation prioritaire de 2014 a défini trois axes systémiques qui doivent s’articuler en vue d’atteindre « l'objectif clair et mesurable de lutter contre les inégalités scolaires liées aux origines sociales pour la réussite scolaire de tous. »MEN, Refondation de l'éducation prioritaire, circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014 :

                • Mettre les apprentissages des élèves au cœur de l'éducation prioritaire ;
                • Accompagner, reconnaître et former les personnels ;
                • Piloter l'éducation prioritaire.

Lors de notre enquête en 2015 auprès des coordonnateurs de réseau, il apparaissait que la question du pilotage des réseaux, au service d’une réflexion collective sur les difficultés ordinaires d’enseignement et d’apprentissage restait quelque chose de compliqué à mettre en œuvre. Le centre Alain-Savary a essayé de poursuivre l’enquête pour comprendre le travail des pilotes et proposer des pistes et des outils au service du co-pilotage des réseaux.

N.B. : Une circulaire parue au BO n°18 du 4 mai 2017 complète et précise ce qui est attendu de tous les niveaux en terme de pilotage de la politique d'Éducation prioritaire : Pilotage de l'éducation prioritaire, circulaire n° 2017-090 du 3-5-2017, MENESR - DGESCO B3-2

Diapo-Piloter

Une enquête dans trois académies

Cette enquête a été conduite conjointement par le centre Alain-Savary dans les académies de Lyon et de Clermont-Ferrand et par Christine Félix, enseignante-chercheuse en science de l'éducation à Aix-Marseille Université (équipe ERGAPE), dans l’Académie de Marseille. Dans un premier temps, nous avons filmé des réunions de pilotage de REP et de REP+. Puis nous avons conduit des entretiens d’autoconfrontationTechnique d’entretien favorisant l’accès au vécu et à la compréhension de l’activité professionnelle. Dans une perspective compréhensive et non évaluative, technique d’entretien consistant à faire verbaliser le professionnel sur la base du visionnement d’enregistrements audio-visuels de son activité en situation de travail pour qu’il puisse exprimer son vécu professionnel (composantes de son activité).Pour aller plus loin : Félix, C et Saujat, F. (2015). L’intervention-recherche en milieu de travail enseignant comme moyen de formation. In M. Durand, V. Lussi Borer & F. Yvon (Eds.) Analyse du travail et formation dans les métiers de l’éducation. Raisons éducatives, Volume 19, 201-218. des participants. A partir de ces matériaux, nous avons proposé aux acteurs, réunis en séminaire, des schémas de la géographie de leur réseau, des modélisations de leur manière de s’organiser pour piloter leur réseau, une « boussole » de leurs actions de pilotage et des objets sur lesquels ils travaillent, construite à partir du recueil des préoccupations saillantes des différents métiers impliqués. Le résultat de ce travail a été présenté lors de deux journées de formation à l’IFé en juin 2017. Nous espérons qu'il constituera une ressource utile pour la formation des cadres, des pilotes et des métiers intermédiaires.

ac-lyonac-clermontac-aix-marseille

Des difficultés récurrentes et des compromis pour agir malgré tout…

La géographie du territoire

carto-réseauxLes réseaux d’éducation prioritaire s’inscrivent dans un territoire qui a ses caractéristiques, son histoire, ses habitants, ses structures, ses acteurs professionnels, ses ressources, ses difficultés, ses délimitations administratives plus ou moins enchevêtrées, ses dispositifs, ses instances partenariales. Prendre la mesure de cette complexité pour agir de manière cohérente constitue un véritable travail pour les pilotes.

Faire vivre le réseau...

Sur le territoire de chaque réseau, sont implantés les différentes structures de l'Éducation nationale qui relèvent de l'Éducation prioritaire : écoles maternelles, écoles élémentaires, circonscription du 1er degré, collège(s). Le réseau d'éducation prioritaire, lui, n’a pas d’existence en soi : pour la plupart des personnels – y compris les pilotes -, le réseau n'est pas la préoccupation première. Les enseignants pensent d'abord à leur classe, les directeurs à leur école, l'inspecteur et les conseillers pédagogiques à toutes les écoles de la circonscription (qui ne sont pas forcément toutes en Éducation prioritaire), le principal a son collège à gérer, l’IA-IPR a ses missions académiques et le travail autour de sa discipline... Le coordonnateur est souvent le seul pour qui le réseau est le cœur de son travail. Mais il ne peut le faire exister à lui seul. C’est donc la collaboration plus ou moins facile, plus ou moins organisée, plus ou moins instituée des personnes qui va faire que le réseau prend un sens. Cela ne va pas de soi, et notamment pour les pilotes.

... au service de la réduction des inégalités de réussite scolaire

REP+Marseille

La refondation de l'éducation prioritaire est au service de l'égalité réelle d'accès aux apprentissages et à la réussite scolaire. L'éducation prioritaire ne constitue pas un système éducatif à part. Elle permet que le système éducatif soit le même pour tous dans des contextes sociaux différenciés avec la même hauteur d'exigence.

Circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014 "refondation de l'Éducation prioritaire"

Dans l’histoire des réseaux d’Éducation prioritaire, on a souvent passé du temps à construire des « dispositifs », des « actions », sans toujours prendre le temps d’observer la nature des difficultés des élèves et des enseignants.

Le pilotage du réseau est donc d'autant plus compliqué qu'il doit faire exister le réseau dans le but précis que lui assigne la refondation : assurer "l'égalité réelle d'accès aux apprentissages et à la réussite scolaire", c'est-à-dire précisément ce que notre institution scolaire a tant de mal à faire... Faire en sorte que les personnels se connaissent, collaborent, au sein d'un réseau en interdegré, ce n'est déjà pas simple, mais qu'ils le fassent au service de cette priorité-là, ce n'est jamais gagné d'avance... Cela suppose que, petit à petit, les pilotes ne pensent plus le travail du réseau comme du travail en plus – pour eux comme pour les enseignants - , mais comme le moyen de soutenir le travail et la réflexion collective des enseignants sur les difficultés ordinaires d’apprentissage des élèves en classe. 

Qui pilote ?

qui pilote ?

Si les pilotes du réseau sont clairement identifiés dans le prescrit, nous avons pu constater que la place respective de chaque pilote (notamment des IA-IPR) n’est pas toujours claire, pour eux-même, comme pour les autres. S’il est déjà difficile de savoir ce qu’on met derrière le mot « pilotage », la définition d’un co-pilotage l’est encore plus.

Dans les réseaux enquêtés, la question se pose aussi de savoir avec qui on pilote. Au delà de la longue liste des personnes mentionnés dans les textes comme membres du comité de pilotage Le comité de pilotage « est composé des pilotes du réseau (principal, IEN, IA-IPR référent) assistés du coordonnateur, des directeurs d'école, du conseiller principal d'éducation et d'enseignants. Les partenaires du réseau y participent : commune, conseil général, délégué du préfet le cas échéant, coordonnateur du programme de réussite éducative (PRE) le cas échéant et d'autres partenaires en fonction des situations locales. Il peut s'associer selon les besoins des enseignants porteurs de projets particuliers. Ce comité de pilotage valide le projet de réseau préalablement élaboré en appui sur le conseil école-collège. C'est aussi le comité de pilotage qui élaborera et suivra un tableau de bord local de la mise en œuvre des actions du projet de réseau. » Refondation de l'éducation prioritaire, circulaire n° 2014-077 du 4-6-2014  ,lesquelles participent-elles réellement à la réflexion et à l’élaboration des décisions ? Nous avons observé une grande variabilité sur ce point.

Piloter, une histoire d’outils, de temps et de lieux

instances pilotage

Le pilotage a besoin d’un certain nombre d’outils (référentiel de l’éducation prioritaire, lettres de missions, plan de formation, tableau de bord, etc.) , qui doivent être maniables pour les pilotes, mais également pour les enseignants. Le projet de réseau, notamment, s’il peut s’appuyer sur un référentiel de l’Éducation prioritaire, n’a pas toujours été construit en lien avec les équipes et, au-delà des priorités retenues, devrait pouvoir se décliner en actions qui se jouent au cœur de l’ordinaire de la classe et de la vie des établissements. Au delà des indicateurs, comment les pilotes peuvent-ils se doter de manières de construire des observables partagées sur ce qui se passe réellement dans les classes pour orienter le travail dans le réseau ?

Une question est également présente dans tous les réseaux enquêtés, c’est la question des instances et de leur articulation, notamment le comité de pilotage et le conseil école-collège. Cela conduit chaque réseau à faire des arbitrages très différents les uns des autres.

Mais, si les textes prescrivent de mettre en place des instances, le travail ne trouve son efficacité que par une multitude de collaborations plus informelles qui se construisent et évoluent dans le temps : les acteurs organisent petit à petit des espaces de travail leur permettant de dépasser peu à peu le stade de la réunion formelle, pour faire en sorte de discuter de ce que le prescrit leur demande faire, de s’autoriser à parler des difficultés réelles des élèves mais aussi des enseignants, de débattre de ce qui va faire la qualité du travail du réseau, pour que le collectif devienne peu à peu une ressource pour le travail de chacun.

boussole pilotage