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Analyser l'activité d'un professionnel

Par Henrique Vilasboas publié 02/02/2024 09:55, Dernière modification 09/03/2024 07:15
L’analyse de l’activité est une démarche issue de l'ergonomie de tradition française, utilisée pour comprendre l’activité réelle des professionnelles et/ou la transformer. Elle s’appuie sur des concepts et des outils qui peuvent être mobilisés en formation.

Former avec une approche activité

François Hubault, ergonome de langue française, postule que tout professionnel qui travaille est en tension entre deux logiquesCentre Alain Savary (2017). Livret concevoir des formations. L'approche par le travail réel. P.12. http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/documents/publications/concevoir-des-formations :

  • la logique du prescripteur : « ce qu’on me demande de faire »
  • la logique de l’opérateur : « ce que ça me demande pour le faire », « ce que je pense utile de faire », « mes valeurs », « mes conceptions du travail bien fait »

L’activité d'une personne au travail est, au-delà de son action visible, l'ensemble de son expérience non visible mais explicitable a posteriori : ce à quoi elle est attentive, ce qui la préoccupe, ce qu'elle aimerait faire, mais n'arrive pas à faire, les raisonnements et les prises de décision qui s'opèrent pendant l'action, etc.. 

Travailler, c’est donc, à chaque instant, faire des compromis provisoires entre ces deux logiques, pour pouvoir continuer à agir, mais aussi tenter de faire ce que le métier ne parvient pas encore à faire.

L’efficacité au travail peut donc se regarder de deux points de vue : 

  • celui de l’efficacité objective : la conformité à la prescription (« Est-ce ce que j’ai fait ce qu’on me demande ? »)
  • celui de l’efficacité subjective : le sentiment d’avoir fait du « bon boulot » tout en me préservant sur la durée.

Selon cette approche, pour aider les personnes à « apprendre de leur métier », il est nécessaire, en formation, de confronter ces « critères de qualité au travail » pour mieux identifier « les problèmes de travail » et imaginer collectivement des solutions à expérimenter.

Dans cette perspective, former c'est favoriser l'expression des compromis de l'activité au travail, pour mieux la comprendre et potentiellement accompagner sa transformation.

Hubault-Clot

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Accéder à l'activité

Choisir des traces

Accéder à la part invisible de l'activité, c’est confronter l'enseignant à des traces de son activité, pour accéder au réel de son activitélCentre Alain Savary (2017). Livret concevoir des formations. L'approche par le travail réel. P.9. http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/documents/publications/concevoir-des-formations que l’on peut utiliser en formation. Ces traces sont issues des classes d'enseignants volontaires. On peut citer :

  • des documents du professeur (fiche d'exercice, manuel, préparation,...)
  • des travaux d’élèves
  • des photographies de situations de classe
  • des corpus audio
  • des éléments issus de co-observations
  • des vidéos d’une séance d’un pair
  • des vidéos génériques (banque de données BSD de CANOPÉ ou Néopass@ction)
  • un questionnaire en ligne
  • un entretien d’auto-confrontation

À quelles conditions ?

Le choix de ces traces peut-être discuté en fonction du coût pour le formateur et pour les enseignants :

  • éthique, poser une caméra dans la classe ? Faire parler à partir d'une photographie ? Exposer un professionnel à sa propre activité ? 
  • contextuel, trop éloigné du contexte des enseignants ? Modification du milieu d'apprentissage ? Entretiens en amont ou pendant la formation ?
  • conceptuel, maîtrise des concepts sous-jacents aux types d'entretiens ? Mener les échanges avec les formés à partir de traces ?
  • technique, choix de l'extrait vidéo ? montage audio ? transcription de verbatims ?

Pour en faire quoi en formation ?

Le choix des traces peut-être aussi discuté au regard de l'utilité en formation  :

  • Est-ce que cela permettra d'accéder au travail réel ?
  • De faire émerger un problème de métier ?
  • De documenter les difficultés rencontrées par les élèves ?
  • De documenter la nature des connaissances en jeu ?

Recueil de traces-activité

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Zoom sur L'entretien d'auto-confrontation

Les arrière-plans théoriques

L'entretien d'auto-confrontation trouve sa source dans les travaux de M. Von Cranach, psychiatre dans les années 80. Ces entretiens ont été développés par J. TheureauTheureau J. (2010).  Les entretiens d'autoconfrontation et de remise en situation par les traces matérielles et le programme de recherche « cours d'action. Revue d'anthropologie des connaissances, 2010/2 (Vol 4, n° 2), p. 287-322. DOI : 10.3917/rac.010.0287. URL : https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2010-2-page-287.htm, et Y. Clot. 

" L'entretien d'auto-confrontation consiste à confronter un professionnel à son activité en l’incitant à la décrire et à la commenter. L’activité peut être présentée sous forme d’enregistrement vidéo, photo, audio ou encore sous forme de traces écrites (agenda, portfolio...). L’ autoconfrontation permet au professionnel d’expliciter son expérience, notamment ses émotions, ses préoccupations, ses intentions, ses dilemmes mais aussi les savoirs pratiques qu’il mobilise dans l’action. Confronté aux traces de son activité, l’acteur revit en quelque sorte ce qu’il a vécu initialement et explicite à un tiers ce qu’il a fait, ce qu’il n’a pas réussi à faire, etc. L’entretien se déroule en général de manière individuelle avec l’aide d’un chercheur/formateur. " (Ria, 2019) Ria, L. (2019). Former les enseignants.Pour un développement professionnel fondé, sur les pratiques de clase.ESF.

Conduire un entretien d'auto-confrontation : de la théorie à la pratique

Principes et mise en oeuvre d'entretiens d'auto-confrontation

RIA-MOUSSAY-EACLes chercheur.e.s Sylvie Moussay et Luc Ria explicitent la conduite d’EAC lors du colloque de la Chaire Unesco "former les enseignants au XXIè siècle »Pour aller plus loin sur les variations de l'usage de l'entretien d'auto-confrontation selon les cadres théoriques : Jacq, C., Gaudin, C., Moussay, S. & Ria. L. (2022). Entretien d'auto-confrontation et analyse de l'activité : influence des cadres théoriques sur les méthodes. In B. Albero & J. Thievenaz (Eds.), Enquêter dans les métiers de l'humain. Traité de méthodologie de la recherche en sciences de l'éducation et de la formation. Éditions Raison et Passions, pp.127-146, Tome 2.

CHAPITRE 5, Outil 1 : conduire des entretiens (autoconfrontation simple ou croisée) pour analyser le travail enseignant à partir de traces de leurs activités (vidéo, photos)

 

 

Un outil de formateur pour mener un entretien d'auto-confrontation 

Cet outilCentre Alain Savary (2017). Livret concevoir des formations. L'approche par le travail réel. P.43. http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/documents/publications/concevoir-des-formations a été conçu par Mickaël Hassanbay et Vincent Vauloup, deux formateurs de l'académie de la Réunion, dans le cadre d’un Groupe de Réflexion et de Formation en EPS en 2014. Ce guide a été construit à partir de plusieurs paradigmes théoriques issus de différents courants de l'analyse du travail, le cours d’action de J. Theureau, la clinique de l’activité de Y. Clot et l’anthropologie culturaliste de S. Chaliès et S. Bertone.

Des formateurs ont mené des entretiens d'auto-confrontation avec une enseignante. Ils identifient plusieurs passages à risque.

Du côté du formateur :

  • une focalisation sur ce qui fait signe pour le confronteur et des questions trop précises qui ne font pas forcément signe pour le confronté.
  • un multi-adressage lors de l’entretien, à l’enseignant confronté, au confronteur lui-même, au collectif de formateurs, aux pilotes de la formation.
  • une interférence avec l’expérience d’autres entretiens de paradigme différent (par exemple des entretiens avec des stagiaires sous forme de conseils pédagogiques ou d'évaluation)
  • une perte de vue du but de l’entretien, celle d’accéder à la part invisible de l’activité et de donner le primat à la parole du professionnel.
  • une alternance de questions fermées et de réponses binaires "oui/non"
  • de faire mettre des mots sur des réactions non-verbales (qui pourrait prendre la forme  "tu souris, tu es étonné par ce que tu vois ?" ou "tu fronces les sourcils, qu'est-ce qui te préoccupe à ce moment précis ?")
  • de nombreuses questions qui portent sur des éléments hors-situation, par exemple des éléments de contexte ou alors ce qui a été fait après la séance.
  • des questions qui induisent des réponses génériques sans pouvoir retourner dans la situation (qui pourrait prendre la forme “tu dis que… et là dans ce que tu fais à cet instant c’est ça que tu te dis ?”)

Du côté de l'enseignant :

  • avoir le sentiment parfois d’être jugé
  • essayer de comprendre ce que voudrait le confronteur
  • ne pas savoir quoi dire

Grille-part-invisible-Hassanbay-Vauloup

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Entretien mené à partir de cet outil

Pour réaliser l’entretien d'auto-confrontation avec Alexandra, enseignante dont l’activité est analysée dans la ressource, nous nous sommes appuyés sur cet outil. L’extrait sélectionné (2 min 30) donne à voir les questions ou relances du formateur ainsi que les réactions de l’enseignante. 

 

 

 

player1

 

Extrait-EAC-Alexandra-Henrique

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En bleu les questions/relances du confronteur et en vert les réactions/préoccupations de l'enseignante. Sur cet extrait le confronteur a mobilisé plutôt des questions sur les significations, les attentes et les perceptions pour l'enseignante (à partir de ce corpus proposition d'une analyse de la situation)

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