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Centre Alain Savary
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Ce qu'en disent les enseignants

Par Catherine Hurtig-Delattre publié 13/10/2023 09:40, Dernière modification 13/10/2023 09:36
Après la séance d'APC, les deux enseignants ont réécouté l'enregistrement et ont accepté de se prêter à l'exercice de "l'auto-confrontation". Au cours d'un temps dialogué avec les formateurs, ils ont réagi aux extraits enregistrés et fait part de leurs réactions, interprétations, préoccupations professionnelles. Un extrait de ce dialogue est présenté ici, suivi de deux témoignages d'enseignants au sujet de cette expérience.

analyse par les enseignants

 

Dans un premier temps, Stéphane et Vanessa ont fait part de leurs impressions générales :

  • sur l'atmosphère de confiance qui a régné  pendant cet échange, alors qu'il existait des appréhensions de part et d'autre. En effet Vanessa en tant qu'enseignante peu expérimentée était inquiète de cet entretien sans support (voir son témoignage ci-dessous). Stéphane en tant que directeur et coordonnateur du travail avec l'ifé n'était pas très sûr de lui quant à l'intérêt de l'enregistrement et du travail d'analyse proposé. Les mères d 'élèves, quant à elles, ont pu confier qu'elles avaient été étonnées de cette invitation (le dispositif était nouveau dans l'école) et qu'elles craignaient de s'y rendre .
  • sur la portée forte de la proposition de photolangage en ouverture de séance. En effet, les enseignants ont été marqués par les images choisies. Du coté des élèves, ils ont noté des images qui reflétaient la relation au travail scolaire dans cette fratrie, les espoirs de Thaïs (l'escargot au pied d'un grand escalier)  et le poids de la responsabilité pour Kaïna (la poule-policier avec ses poussins) . Et du côté des mères, un choix d'images reflétant le paradoxe des devoirs à la maison  : porteurs d'idéal d'émancipation (la montgolfière) et de fortes contraintes temporelles (le sablier).


Par la suite, ils ont écouté les extraits de l'enregistrement de la séance et ont partagé leurs analyses précises avec les chargés d'études de l'IFE. Des extraits de ces échanges donnent accès à leurs intentions avant la séance, et aux réflexions que cet entretien a suscité  autour de la question des devoirs et de l'aide aux élèves en difficulté scolaire. 

 

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Le temps 00:00:00
Copier 30 fois 00:00:53
Mounir, ça va pas 00:02:30
C'est dur d'entendre ça  00:04:02
Reconnaître les difficultés 00:05:53
L'évaluation au Maroc, c'est pas pareil 00:08:06
Interactions entre elles 00:10:32
Des petites pistes 00:11:31
Présenter l'ENT 00:12:44
Les représentations des parents 00:15:06
Que des bons souvenirs ! 00:17:29

Le temps

"On doit parler de la question du temps passé aux devoirs"
Stéphane commente le choix de la photo du sablier par une des mères d'élèves, questionne le temps passé et sa prise de conscience de  l'organisation de la semaine par ces mères, autour des devoirs.

Copier 30 fois

 

"Copier 20,30 fois".. ça touche notre manière de présenter les devoirs"
Les deux enseignants prennent la mesure des différences culturelles dans la manière d'aborder l'apprentissage scolaire et de la difficulté pour ces mères de comprendre leurs intentions pédagogiques et de s'approprier les outils proposés ("recette pour l'aide aux devoirs)

Mounir, ça va pas

 "dictée, ça va", tu en penses quoi? -ben non, ça ne va pas !"
L'enseignante prend ici conscience du malentendu lié à la perception des progrès de l'enfant par la mère, qui n'a pas conscience du décalage avec la norme scolaire attendue. Comment parler en vérité sans dévaloriser l'enfant-élève, et dans quel espace-temps le faire  ? 

C'est dur d'entendre ça !

"Je peux pas l'aider, je comprends pas" : c'est dur d'entendre ça !"
Les deux enseignants sont eux-mêmes en souffrance quand ils entendent à quel point les mères d'élèves sont démunies face à l'aide au travail demandé. Ils évoquent aussi les points d'appui proposés par l'école (ENT, aide en classe) et par les partenaires (dispositif CLAS, aide aux devoirs périscolaire)

Reconnaître les difficultés 

"Je voulais quand même qu'elle reconnaisse les difficultés"
Vanessa est désemparée de comprendre que la mère se leurre sur le réel niveau scolaire de son fils. Elle souhaiterait que la mère fasse la part du comportement positif et des résultats scolaires qui ne correspondent pas aux attentes.

L'évaluation au Maroc, c'est pas pareil

 

" Chaque semaine une évaluation, c'est dur !"
Les enseignants  réagissent à cette expression forte de la mère. Vanessa prend la mesure de sa difficulté devant la fréquence des situations évaluatives, pourtant pensées pour aider les élèves. Stéphane s'appuie sur sa propre expérience d'enseignant au Maroc pour mesurer la différence entre les deux systèmes scolaires.

Interactions entre elles

"L'objectif, c'est aussi que les mères soient en interactions "
Les enseignants sont satisfaits de constater que les deux mères échangent leurs expériences, ce qui était souhaité dans ce dispositif et qui n'est pas facile à mettre en oeuvre.

Des petites pistes

"On essaie de lancer de petites pistes, des méthodes"
Les enseignants se sont décentrés de leur premier objectif d'outillage méthodologique des parents, qui n'était pas adapté. Néanmoins, ils expliquent qu'ils glissent des conseils au fil de l'entretien. Ils évoquent également l'importance de la présence des enfants, qui bénéficient aussi de ces conseils. 

Présenter l'ENT

"L'Espace Numérique de Travail peut servir de support"
Ces enseignants ont placé un fort enjeu sur la mise en place de l'ENT. Ils expliquent ici leurs espoirs que cet outil soit un véritable levier pour l'implication des familles, et insistent sur l'importance de rassurer les parents.

Les représentations des parents

"Les parents mettent la pression à leurs enfants"
Les enseignants prennent conscience d'un paradoxe. Ils souhaitent que les parents accordent de l'importance aux devoirs à la maison, mais cet investissement peut  prendre une place démesurée à leurs yeux, avec des sanctions mises en place par les parents qui ne correspondant pas aux principes éducatifs des enseignants.

Que des bons souvenirs

"Si les parents se sentent écoutés, l'objectif est atteint"
Cette séance a mis à jour des difficultés, des décalages, des malentendus. Malgré cela, l'expression de la satisfaction des mères est rassurante pour les enseignants qui mesurent le besoin d'écoute et la force du dialogue proposé.
Les enseignants ajoutent que cette séance leur a beaucoup apporté, et leur bilan positif de ce qui s'est produit, grâce selon eux  à leur  choix d'une situation ouverte.
En fin d'entretien, Vanessa énonce son appréhension devant cette situation à risque, qu'elle avait d'abord pensé comme un temps de présentation directive. (voir son témoignage ci-dessous)

 

TEMOIGNAGE de vanessa 

Vanessa, enseignante débutante, a témoigné devant ses pairs des appréhensions qui ont été les siennes avant cette séance d'APC avec des mères d'élèves. Elle explique son besoin de prévoir du contenu à exposer aux parents à l'aide d'un support projeté. Lorsque Stéphane, son collègue plus expérimenté, lui demande de renoncer à cette présentation et de se positionner en écoute et en dialogue, elle reconnaît sa déstabilisation. Et c'est pourtant bien cette modification qui a permis d'instaurer un dialogue, identifié en formation comme  "à parité d'estime" avec ces mères d'élèves. Vanessa explique finalement tout ce que cet entretien lui a apporté, d'un double point de vue humain et professionnel, et les enseignements qu'elle en a tiré.
Extrait du verbatim enregistré lors de la séance de bilan partagé en intermétiers.

 Vanessa


Préparation de la  séance :
Je me suis portée volontaire
pour mener les entretiens en APC avec les parents. Il m'avait semblé que c'était un angle intéressant, ces entretiens individuels avec les mamans. Mais j’étais un peu inquiète, alors j'ai passé mon week-end à préparer ce que j'allais dire ! La question, c'était les devoirs à la maison et j'avais plein de choses à dire sur ce qu'il fallait faire et ce qu'il ne fallait surtout pas faire. Par exemple : trente minutes par jour de devoirs, et surtout pas d'écran. Voilà, c'était un peu donneur de leçon.. J’ai repris la façon dont on nous présentait les choses à l'université, avec des diaporamas. Vers 18 h, j'ai écrit à ce sujet au directeur en lui disant : voilà mon powerpoint, il est prêt. Et là il me dit "Non, non, non, n'apporte rien ! Tu verras, ça se fera naturellement." Et je me souviens, j'ai rien dormi, je me disais "Mais qu'est-ce que je vais donc dire à ces parents? Ils vont m’expliquer leurs difficultés pour faire faire les devoirs et je n'aurai pas de support pour leur répondre. »

Ressenti pendant la séance :
Et finalement, heureusement que je n'ai pas présenté ce plan
. En fait, j'avais face à moi deux mamans qui faisaient de leur mieux, mais qui n'avaient pas forcément le temps de faire les devoirs avec leurs enfants, qui n'avaient pas cette culture scolaire ou alors qui avaient des difficultés, la barrière de la langue etc Donc j'ai juste écouté leurs difficultés, puis on a essayé de faire au mieux. Elles avaient beaucoup de choses à dire, j'ai essayé de placer des petites choses de ce que j'avais préparé, et c'était suffisant. Il fallait d’abord que je me mette un peu à leur place et que je réalise que cette maman qui ne maitrise pas la langue française, elle ne pourra pas aider son enfant à faire les devoirs. Ou cette autre maman qui arrive chez elle à 19 h 30, elle ne peut pas faire ses trente minutes avec les enfants. Donc j'ai essayé de guider, mais le point le plus important c'est d'écouter plutôt que de vouloir donner des leçons. Dans ma classe, ce temps d’échange a renforcé le partenariat avec les parents. Il y a un point important : pendant l'entretien, une de ces mamans a pointé le fait que son fils disait souvent qu'il n'avait pas de devoirs. Moi je pensais qu'en CE2, je n'avais plus à vérifier les devoirs écrits dans l'agenda, je leur faisais confiance. Et cette maman m'a dit : " Mais pas du tout. Il n'écrit pas les devoirs !"

Actions et réflexions après la séance :
Dès le jour même, à 13 h 30, j'ai mis en place un nouveau "métier" dans la classe. J'ai responsabilisé un élève de CM1 pour vérifier que les devoirs étaient bien écrits par tous les élèves. Ces mamans m'ont donc apporté énormément de choses. Elles ont pointé ce qui n'allait pas et j'ai essayé d'y remédier assez rapidement, en organisant cette nouvelle responsabilité. 
Il y a aussi la question de cette maman qui ne se rendait pas compte des difficultés de son fils. Elle avait l'impression que ça allait plutôt bien, et moi c'était tout l'inverse : je voyais que ça n'allait pas. Du coup, je me suis dit : il va falloir que je la rencontre assez rapidement, lors d'un autre entretien, pas dans ce contexte là, pour expliciter vraiment ce qui ne va pas. Et là, cette maman s'est rendu compte des difficultés de son fils. On a alors cherché ensemble ce qu’on pouvait à mettre en place, à l’école avec la psychologue scolaire et en dehors avec quelqu'un pour aider son fils à faire les devoirs. J’ai pu rencontrer cette personne, on l'a conviée à l'école. Il a entendu nos conseils pour aider au mieux l’enfant, pour l'apprentissage des mots de dictée par exemple. Donc tout ça a bien renforcé ce partenariat entre l'équipe éducative et les parents.
Et depuis, il y a aussi l'utilisation de l'ENT, pour cette maman qui avait ces difficultés vis-à-vis du français et de la culture scolaire, c'est très utile. Ma collègue crée des cahiers multimédias avec des vidéos sur les différentes notions. Pour les parents, c'est beaucoup plus simple, ça apporte à la maison ce qu'on fait à l'école, et c'est plus simple pour aborder les devoirs et aussi pour vérifier ce qu'il y a à faire.


témoignage d'un enseignant de l'école

Après l'écoute et l'analyse de l'enregistrement, un enseignant explique à son tour son évolution vis-à-vis des parents d'élèves et de leur rôle dans l'aide aux devoirs. 


J'ai pris conscience du décalage entre l'attente qu'on a en tant qu'enseignant et ce que peuvent donner les parents. On peut vite avoir ce discours "ils ne font pas faire les devoirs aux gamins, les cahiers ne sont jamais signés etc". En fait, on doit aussi prendre en compte que les parents ne sont pas désinvestis de la scolarité, mais que parfois ils ne sont pas là, ou ils n'ont pas le temps, ou même s'ils ont envie que ça se passe bien, ils n'ont pas forcément les moyens. C’est ce qu’on a compris dans l’enregistrement. Du coup, cette prise en compte est vraiment importante, elle permet d'avoir une réflexion sur ce qu'on demande aux parents, ce qu'on attend d'eux . Effectivement, je donne des devoirs comme beaucoup d'enseignants, mais je suis en train de me poser la question : est-ce que vraiment ce travail-là a sa place dans la famille ? Ou est-ce que l'aide aux devoirs doit être faite à l'école ? La mairie a mis en place des études d’aide aux devoirs depuis cette année et c'est efficace pour les élèves de ma classe qui en profitent. Alors il reste des questions : est ce qu'une heure et demie par semaine, c'est suffisant ? Est-ce qu'il ne faudrait pas une demi-heure tous les jours ?

 

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