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Comprendre l'enseignement - apprentissage de la langue en milieu scolaire

Par Rachel Jay-Manson publié 10/05/2022 09:15, Dernière modification 26/09/2023 10:54
Une conférence de Patrice Gourdet, chercheur en sciences du langage à l'université de Cergy-Pontoise, qui articule une explicitation du cadre d' enseignement de l'étude de la langue et les apports de la recherche en didactique du français. Le chercheur déplie tout d'abord le contenu des programmes en étude de la langue puis partage des réflexions didactiques issues de la recherche Réalang, permettant de mieux comprendre les pratiques ordinaires et leurs effets sur les apprentissages des élèves. (IFÉ, juin 2021)

PARTIE 1: Que dit le prESCRIt ?

partie1

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Enseigner la langue: quelles finalités? 00:00
Le cadre d'enseignement / les programmes pour enseigner la langue 03:03
Quelles sont les entrées pour enseigner le français? 05:10
Quels sont les attendus de fin de cycle 3 ? 07:13
Quels principes pour l'étude de la langue? 09:46

Une hiérarchie du cadre d'enseignement

11:52

 

enseigner la langue: quelles finalités?

La recherche en didactique du français et les programmes convergent sur les finalités de l'enseignement de l'étude de la langue. Il existe donc une cohérence entre ce que la recherche détermine comme attendus de l'enseignement de la langue en milieu scolaire et les attendus des programmes.

L'étude de la langue a pour finalités :

  • l'acquisition d'une compétence à l'écrit ;
  1. d'être un objet d'étude à part entière afin d'en comprendre le fonctionnement ;
  • de permettre l'accès aux langues secondes.

Selon Bronckart (2016), la grammaire à l'école "vise à décrire et conceptualiser les règles effectives d'organisation d'une langue et la finalité de cet enseignement serait l'élaboration de notions, de règles explicites pour aboutir à une conception des apprenants claire pour mieux lire et écrire".

Cette démarche réflexive se retrouve dans les programmes (BO n°31 du 30 juillet 2020, p.18). Cette démarche préconisée se retrouve dans plusieurs objectifs, tels que :

  1. Décrire la langue, l'observer, raisonner 
  2. Construire des règles de fonctionnement 
  3. Expliciter ces règles et les utiliser pour lire-écrire

 

LE CADRE Institutionnel D' eNSEIGNEMENT

 De quel cadre institutionnel parle-t-on ?

 

Patrice Gourdet clarifie le cadre institutionnel et relève deux éléments qui peuvent générer de la confusion sur les contenus d'enseignement en vigueur :

  • Il existe une pluralité des textes produits par l'institution (décrets, notes de service, attendus, guides). Parmi ces textes, certains relèvent des programmes et sont non négociables (blocs législatifs et règlementaires), d'autres sont des ressources proposées aux professionnels.
  • La contraction de la durée d'application des programmes contribue également à cette confusion.

P. Gourdet 2021 slide 4

 

Actuellement, les textes institutionnels pour l'enseignement de l'étude de la langue relèvent des décrets d'application et des arrêtés parus au BO du 30 juillet 2020. Ils explicitent les attendus et les principes généraux de cet enseignement.

Quelles sont les entrées pour enseigner le français ?

La majorité du temps d'enseignement doit être consacrée aux productions langagières déclinées autour de trois entrées : le langage oral, la lecture et la compréhension de l'écrit, l'écriture. Dans ce cadre générale, l'étude de la langue est enseignée en contexte et  mais également de manière décrochée dans un volume horaire déterminé (3 heures hebdomadaires selon une note de service d'avril 2018).

P. Gourdet 2021 slide 5

 

 Quels sont les attendus de fin de cycle 3 ?

  • "Maitriser les accords dans le groupe nominal, entre le verbe et son sujet ainsi que l'accord de l'attribut du sujet (..)
  • Raisonner pour analyser le sens des mots en contexte et en prenant appui sur la morphologie (..)
  • Repérer les principaux constituants d'une phrase simple et complexe." (BO n°31 du 30 juillet 2020)

L'acquisition de ces attendus, en fin de 6e, renvoie à trois dimensions à travailler avec les élèves :

  • la maitrise des relations entre l'oral et l'écrit : les élèves doivent être conscients qu'il y a toute une partie de l'écrit qu'il faut transcrire car on ne l'entend pas ;
  • le mot par l'enrichissement du lexique et l'acquisition de l'orthographe lexicale ;
  • les groupes de mots / la phrase par l'acquisition de l'orthographe grammaticale, l'identification des constituants d'une phrase simple et le repérage dans la phrase complexe.  

Quels principes pour l'étude de la langue ?

Les élèves apprennent conjointement à :

  • mémoriser des faits de langue, des marques verbales régulières, des marques de nombre... ;
  • raisonner pour gérer des variations (importance de l'analogie) ;
  • utiliser des outils de références (répertoires construits en classe, des outils usuels, des mémos de conjugaison...).

Une hiérarchie du cadre d'enseignement

Les programmes indiquent que l'enseignement de la langue comprend deux aspects :

  • le niveau langagier, le langage étant la capacité qui permet de communiquer, d'interagir avec les autres ;
  • le niveau de la langue, la langue étant l'outil permettant de communiquer.

Cet enseignement est ancré dans l'étude de la phrase. Au niveau langagier, les apprentissages se situent autour de deux éléments sémantiques essentiels : de quoi, de qui parle-t-on? Et ce qu'on en dit. Au niveau de la langue, il est nécessaire de s'intéresser aux fonctions syntaxiques de cette phrase à "deux pattes". Le premier élément est le sujet de la phrase avec le nom comme noyau, et le second est le verbe conjugué. Ce verbe conjugué peut être seul, accompagné d'un ou plusieurs compléments essentiels ou avec un attribut du sujet.

Une fois ces deux niveaux compris par les élèves, peuvent être abordées les conséquences morphologiques liées aux éléments de la phrase comme les accords au sein du groupe nominal, les accords entre le verbe conjugué et son sujet, les accords des attributs. Par ailleurs, il est nécessaire que les élèves comprennent que certains éléments donnent des ordres à d'autres éléments dans la phrase. Dans la langue française, le donneur d'ordre universel est le nom.

 

PARTIE 2 : s'intéresser à la réalité de l'enseignement/apprentissage de la langue en milieu scolaire

partie2

partie2
La démarche du projet RÉAlang 00:00
La question de l'adjectif : des savoirs à enseigner... 02:12
....aux savoirs enseignés... 03:39
... puis aux savoirs appris : un vaste malentendu 09:42
Le déterminant 11:35
Quelques éléments de réflexion 17:00

 

La démarche du projet RÉAlang

La recherche RÉAlang, coordonnée par Patrice Gourdet, Morgane Beaumanoir-Secq et Jean-Pierre Sautot, " se donne comme objectif de comprendre les pratiques effectives d’enseignement de la langue française à l’école. Il s’agit d’analyser ces pratiques ordinaires afin de mettre en lumière leurs effets sur l’acquisition par les élèves non seulement des notions, mais aussi des compétences, des procédures à mettre en œuvre lors d’activités métalinguistiques."

Le corpus de recherche est constitué de données recueillies à deux moments différents durant l'année scolaire auprès d'environ 1600 élèves du CE2 au CM2. Les premières analyses permettent de mieux comprendre la nature des connaissances des élèves en étude de la langue et interrogent ainsi les savoirs à enseigner. Deux exemples précis sont développés ci-dessous, celui de l'adjectif et du déterminant.

la question de l'adjectif

Les données de la recherche tendent à montrer que les élèves identifient l'adjectif comme un groupe de mots et qu'ils justifient leur choix par une entrée sémantique, c'est-à-dire qu'ils mettent en avant la fonction de qualification, de précision du nom.

Des savoirs à enseigner...

À la fin du cycle 2, les élèves doivent savoir identifier l'adjectif et l'accorder au sein du groupe nominal (déterminant-nom-adjectif).

À la fin du cycle 3, la notion d'attribut émerge et il s'agit d'accorder au sein du groupe nominal ainsi que l'attribut avec son sujet.

Dans les programmes, l'intégration de l'adjectif dans le groupe nominal prévaut, et la priorité est donnée à sa dimension morphologique.

terminologie grammaticale

 

La terminologie grammaticale (2020), qui a pour vocation de "donner aux enseignants les moyens de s'approprier un savoir grammatical solide, fondé sur les connaissances actuellement disponibles en linguistique française" (p.3), met également en avant la dimension sémantique de l'adjectif.

 

 

... aux savoirs enseignés...

L'observation de l'institutionnalisation des règles de grammaire au sein des classes montre que l'adjectif est intégré, avant tout, au groupe nominal dans un lien sémantique fort avec le nom tout au long de la scolarité.

Par ailleurs, lorsqu'on demande aux élèves une explicitation métalinguistique de ce qu'est l'adjectif, ils mobilisent quatre entrées:

explicitation adjectif

  • l'entrée sémantique, la plus représentée, présente l'adjectif comme l'apport d'une information pour le nom ;
  • l'entrée syntaxique précise le lien avec le nom (le recours à une forme attributive est souvent convoqué) ;
  • l'entrée morphologique, qui est une conséquence du lien syntaxique, explique la variation en genre et en nombre ;
  • le recours à un exemple.

Les entretiens menés lors de cette recherche permettent de comprendre les entrées privilégiées par les élèves pour expliquer les propriétés de l'adjectif et leur évolution au cours du cycle 3. Chacune d'entre elles est de plus en plus convoquée au fil de la scolarité.

L'entrée sémantique est d'abord centrée sur le mot référent dans la phrase-exemple puis s'en détache pour  faire référence au nom en tant que concept grammatical.

L'entrée syntaxique est convoquée sous différents aspects. Les élèves ont de moins en moins recours à la position topologique de l'adjectif mais font de plus en plus référence à l'accord. Par contre, un opérateur non présent dans les programmes est souvent énoncé : le caractère supprimable de l'adjectif. Il semble que les enseignants utilisent cet élément pour faciliter la reconnaissance de l'adjectif dans la phrase par les élèves. Or, la forme attribut de l'adjectif ne répond pas à cette propriété.

... puis aux savoirs appris : un vaste malentendu

Une disjonction au sein des savoirs appris par les élèves apparait. Les élèves conceptualisent de manière assez floue l'adjectif qui est perçu comme une fonction et non comme une classe grammaticale. Les élèves qui valorisent le lien sémantique avec le nom font, par contre, très peu référence au lien morphosyntaxique avec ce même nom ce qui a pour conséquence une gestion problématique de la chaine d'accords dans le GN.

Par ailleurs, la suppression possible de l'adjectif dans la phrase, mise en avant dans les classes pose problème. Elle est peu efficace pour l'identification car elle est trop inclusive. Certes, elle est plébiscitée par les élèves mais elle est contre-productive par rapport aux enjeux discursifs. Il serait plus intéressant d'ajouter, de manipuler de lister des adjectifs pour le conceptualiser.

 

Le déterminant

Le déterminant doit-il être approché par sa variabilité ou par l'invariabilité? Traditionnellement, le déterminant est abordé comme une classe variable et cela semble plus simple. Mais il existe quelques obstacles:

  • les mots nombres sont invariables ;
  • certains homophones sont compliqués (leur-leurs) ;
  • certains déterminants ne varient pas ;
  • faire le lien avec "le" - "la" et "les" n'est pas simple.

Lors des tests effectués dans la recherche, les élèves avaient à écrire sous la dictée "quatre gamins". Les résultats montrent que les élèves écrivent massivement quatre sans "s", cependant on peut remarquer que la proportion de "s" final augmente au fil de la scolarité. L'hypothèse est que l'entrée par la variabilité des déterminants amène les élèves à accorder le déterminant "quatre" alors même que celui-ci est invariable.

Selon le groupe RÉAlang, il serait plus intéressant d'aborder la classe des déterminants par l'invariabilité selon une logique basée sur la mémorisation d'une classe finie. Avec les élèves, un travail de substitution avec "un" - "une"- "des" permettrait de repérer aisément les déterminants dans la phrase. S'en suivrait, au fil de la scolarité, la constitution d'un corpus étayé des déterminants qui ferait l'objet d'un tri progressif afin d'entrer peu à peu dans la variabilité et permettrait de répondre à des préoccupations orthographiques.

P. Gourdet 2021 tableau slide 21

On peut remarquer que les déterminants qui peuvent poser problème sont peu nombreux. 

La terminologie grammaticale (2020), préconise un travail sur les déterminants à partir d'une entrée sémantique par les propriétés "défini" - "indéfini" - "possessif" - "démonstratif". Cependant, la préoccupation de morphologie gagne à être abordée en situation d'écriture et de lecture afin de donner du sens à cette terminologie.

 

 

Quelques éléments de réflexion COMPLÉMENTAIRES

Quelques éléments issus de la conférence de consensus du CNESCO de 2018 restent d'actualité :

  • La grammaire, au sens étude de la langue, favorise la réflexion des élèves sur la phrase et sur le texte, en contexte d'écriture mais aussi pour réfléchir sur. Mais cela ne fonctionne que si on s'appuie sur des descriptions qui ont du sens, régulières et qui répondent aux préoccupations des élèves.
  • Il est nécessaire d'articuler une pratique raisonnée de la langue en contexte d'écriture et des activités hors contexte pour étudier la langue en tant que système.
  • Besoin d'un consensus sur des notions-noyaux efficientes pour écrire, d'une stabilisation des savoirs, de la terminologie et d'une progression.
  • En classe, il est intéressant d'instaurer une relation dynamique entre connaissances linguistiques et savoir-faire langagier. C'est-à-dire rebondir en permanence sur des liens entre la langue et le langage. Afin d'initier ce mouvement, la formation initiale et continue a un rôle majeur.

 

Bibliographie

Carnet de recherche RÉAlang