Une démarche pour résoudre des problèmes au cycle 2
Entretien avec Muriel, Nathalie, Roselyne et Cécile
Un livret qui propose une démarche complète pour enseigner la résolution de problèmes au cycle 2, d’où vous est venue cette idée ?
Roselyne : C'est lié à nos accompagnements en tant que formatrices RMC. Nos collègues enseignants avaient une demande, notamment en résolution de problèmes et sur la construction d'outils communs qu'on pourrait réutiliser d'année en année.
Nathalie : Les enseignants nous posaient beaucoup de questions : Quelle progression mettre en place dans une classe, au sein d'un cycle ou dans l'école ? Comment faire pour mettre en place un problème référent ? À quel moment ? Autant de questions qui revenaient régulièrement.
Muriel : Même quand les enseignants ont des corpus, on constate que beaucoup d'élèves qui travaillent avec des problèmes mais n'apprennent pas à résoudre des problèmes. Nous, on voulait que la résolution de problèmes soit un objet d'apprentissage.
Ce qu'on peut dire aussi, c'est qu'au début, chacune de nous, on a accompagné dans les classes avec les moyens du bord et finalement, chacune de notre côté, on a tâtonné et on a mis en place un début de séance un peu type. Et c'est ensuite que toutes les quatre, on a commencé à essayer de construire l'outil. C'est-à-dire qu'on n'a pas construit l'outil à partir de rien, on a d'abord exploré un peu ce qu'on pouvait faire en classe avec les enseignants qu'on accompagnait et ensuite on a décidé ensemble d'élaborer l'outil.
Cécile : Ça fait aussi partie de la mission d'essayer d'apporter des outils. On a senti un besoin et ça correspondait à ce qu'on avait envie de faire dans le cadre de nos missions.
À qui s’adresse cet outil ?
Ce travail collaboratif est né en 2019 des besoins d’accompagnement des équipes de cycle 2 en résolution de problèmes arithmétiques. Nous avons voulu répondre à la demande des enseignants qui souhaitaient mettre en place des situations de référence afin d’enrichir la mémoire de problèmes des élèves.
|
Muriel : Au départ, il est vraiment conçu pour les enseignants, pour qu'ils puissent s'appuyer sur quelque chose de « clef en main ». Pour permettre aux enseignants de se détacher de la conception et se consacrer aux gestes professionnels.
Cécile : C'est un choix de notre part de se dire que c'est à destination des enseignants. C'est d'ailleurs pour ça que notre introduction est relativement épurée. Bien sûr que les formateurs peuvent s'en emparer. Mais l'idée, c'était vraiment de proposer un outil à destination des enseignants et que nous formateurs, en parallèle, on les accompagne aussi en formation à l'utilisation de cet outil.
Vous-même comment vous vous en servez en formation ?
Muriel : C'est vrai que pour nous c'est un support de formation. Ça nous permet de mettre en scène, à travers la première séance surtout, des gestes d'enseignants qui parfois ne sont pas vraiment installés chez les collègues, surtout en résolution de problèmes. Notamment la mise en commun, tout le travail d'explicitation, etc.
Roselyne : Quand on arrivait en accompagnement, c'était une façon d'entrer dans les classes, de proposer des outils qui puissent être mis en œuvre. Et puis ça rassurait aussi les collègues. C'est important de les rassurer.
Cécile : Et puis, ça nous a rassurées nous aussi, on s'est senti plus fortes et plus légitimes.
Entre la première et la deuxième version du livret, vous faites le choix de rajouter une partie pour aider les enseignants à bien travailler avec leurs élèves en difficulté
Roselyne : Assez rapidement, les enseignants à qui j'ai montré le livret m'ont dit "oui, mais tu sais au cycle 2, c'est important pour les élèves non lecteurs de ne pas avoir que du texte". Donc il y a aussi des photos-problèmes. Et par rapport à l'allègement des tâches, je pense que c'est quelque chose où plus les enseignants vont maîtriser cette ressource, et plus ils vont pouvoir petit à petit s'approprier cette partie-là aussi. Enfin il me semble.
Nathalie : Cette idée nous est venue suite à un entretien qu'on a eu avec les conseillers pédagogiques départementaux. Ils ont réorienté la problématique de la résolution de problèmes par rapport à notre situation de référence, parce qu’elle était trop axée sur la compréhension.
Cécile : Lors de la première version, ajouter cette dimension de différenciation ça nous paraissait colossal. On avait déjà cette entrée par la situation de référence, c'est quelque chose de très nouveau pour les enseignants. Si on commençait tout de suite à ajouter "alors attention, il va aussi falloir différencier", on prenait le risque de faire peur. Et ce qui est positif, finalement, c'est que les enseignants eux-mêmes, à l'issue du questionnaire, nous ont dit "maintenant, on aimerait des outils pour différencier".
Muriel : Ce que je voudrais rajouter, c'est que c'est aussi une façon de montrer aux enseignants que la différenciation ça ne va pas être forcément de préparer 5 séances différentes, et de très nombreux supports différents. L'idée c'est que ça peut être très économique. Et pour moi c'est quelque chose de très important parce que souvent nos collègues ont l'impression qu'ils n'y arriveront jamais, que c'est trop de travail.
Cécile : Je rajouterais que c'est important d’accepter de se dire qu'en résolution de problème on a besoin de se rassurer, de se sécuriser, qu'on soit enseignant ou élève. Pour cela, on peut très bien décider de dire "En fait la réponse je vais te la donner". C'est un allègement de la tâche. Ça permet d'orienter le travail sur la question : "Maintenant, on va s’intéresser à comment résoudre ce problème, c'est la démarche qui nous intéresse ». Il y a une grande pression des enseignants à enseigner la résolution de problèmes. Donc être claire avec les attendus, c’est se mettre un peu moins de pression et donc in fine, un peu moins de pression sur l'élève.
Et du côté des élèves, vous avez pu observer des effets ?
Cécile : Ce qu'on peut remarquer chez les élèves ? Le sentiment que j'ai eu lors d'un accompagnement d'école, c'est que c'était assez grisant de voir la manière dont les élèves verbalisaient les choses.
Cécile : Par contre, du côté différenciation, ce qui met les enseignants en difficulté dans cette démarche c'est pour gérer les élèves très performants. Ils sont un peu bridés pendant la séance de référence. C'était le passage à risque quand on avait fait la fiche de préparation. Parce qu'il y a des élèves qui sont déjà résolveurs et qui n’ont qu'une envie, c'est de résoudre.
Roselyne : Mais ce qui est intéressant, justement, c'est de dire aussi à ces élèves "un jour, ça te servira aussi d'être capable d'expliciter tout ce que tu as dans ta tête et tout le processus, de réussir à mettre des mots". Moi, il me semble que même au cycle 2 il y a des élèves qui écrivent tout de suite la réponse. Alors qu’il me semble que c'est important qu'ils aient aussi cette compétence-là dans leur petite escarcelle.
Muriel : Ce que je voulais souligner aussi, c'est que j'ai constaté que les élèves étiquetés en difficulté, là, sont partie prenante de la séance et s'attellent à la tâche. Ils essaient de résoudre les problèmes, d'expliquer ce qu'ils ont compris. Et je pense qu'ils ont le sentiment, sans en faire une généralité, d'avoir contribué à la résolution, contrairement à certains temps collectifs.
Cécile : Mais tout ça, c'est quand même à tempérer dans le sens où autant pour les enseignants on a un retour de questionnaire, autant là c'est de l'intuitif, ce n'est pas vraiment quantifiable.
Le choix des schémas en barre, quelle est la plus-value ?
Cécile : Je vais déjà commencer par répondre à la question : pourquoi proposer un schéma ? Dans la première version on n’en proposait pas parce que c'est quelque chose qui faisait peur aux enseignants. Et finalement, ça a été une demande de leur part : "vous nous avez laissé le choix sur la schématisation, mais nous, on aimerait bien quelque chose de plus guidant". Les schémas de Vergnaud, cette proposition, elle existe déjà dans la ressource d'Argenteuil. Donc, du coup, ça ne sert à rien de faire un copier/coller de cette proposition qu’ils connaissent. C'est quelque chose qu'on a présenté en formation et ils y ont accès. Donc, l'idée, c'était d'essayer de trouver autre chose. Et puis, c'est vrai que la schématisation en barre nous a aussi été présentée en formation nationale.
Nathalie : Il me semble aussi que cette schématisation est plus concrète et permet une transition souple vers la modélisation algébrique qui sera vue au collège.
Muriel : Ce qu'on trouve intéressant dans cette schématisation c'est qu'elle est très simple à mettre en œuvre. Elle nous semble assez intuitive. On peut faire du lien entre la quantité et la longueur, grâce à cette schématisation. En termes d'outils, on peut faire très facilement des liens avec les réglettes Cuisenaire. Et ce qui nous semblait intéressant aussi c'est qu'au niveau apprentissage du schéma, il y a une technique de la schématisation qui est certes à apprendre, c'est-à-dire : « qu'est ce que je vais mettre dans ma boite ? comment je vais la construire ? ». Mais l'apprentissage nous semble moins coûteux que pour les schémas de Vergnaud utilisés à Argenteuil où chaque signe symbolise quelque chose de particulier : le rond symbolise ça, la flèche symbolise ça, le carré symbolise ça, etc. Et ce schéma en barre on peut l'utiliser pour quasiment tous les problèmes. C'est quelque chose qui est vraiment intéressant de pouvoir le transférer à tous les problèmes et de se construire une représentation du problème en même temps qu'on décortique notre énoncé. On l'a fait ensemble pour certains problèmes, parce qu'on avait besoin de temps nous aussi pour apprendre. Alors on a construit tous les schémas. On s'est vraiment rendu compte qu'en décortiquant l'énoncé, petit à petit on construisait le schéma et le fait de construire le schéma en barre nous aide à mieux nous représenter le problème.
En quoi cet outil se différencie d’un autre fichier sur la résolution de problème ?
Nathalie : On est des personnes de terrain et ça c'est important. Nous pouvons tester la ressource de notre côté, en tant qu'enseignantes et aussi en tant que formatrices.
Muriel : Et puis l'idée que ce n'est pas juste un fichier comme tant d'autres, parce que même si, certes, il y a des banques de problèmes à résoudre, l'idée c'est d'outiller les enseignants sur comment mener une séance pour que les élèves appréhendent, et conservent en mémoire des problèmes de référence. C'est pour ça qu'on a mis dès le début les éléments de notre démarche. Pour nous c'était vraiment le cœur de la ressource et c'est aussi pour ça que le corpus de problèmes vient à la suite et non pas dans un document à part. Parce qu’on veut vraiment que les enseignants prennent connaissance des séances dont on parle et de l'introduction. Donc pour nous l'idée première, c'est comment je m'y prends quand je veux que les élèves mémorisent des problèmes référence, qu'ils sachent décoder un problème, et qu'ils puissent vraiment l'analyser. C'est vraiment ça notre objectif.
Cécile : Pour répondre à ta question, c'est un outil qu'on a voulu faire clé en main. Et on pense qu'il est assez compréhensible et les retours qu'on a eu d'ailleurs vont dans ce sens. Après la première version, on a envoyé aux collègues un questionnaire assez épuré qui nous a permis de rajouter des outils de différenciation, d’expliciter encore plus la démarche des problèmes de référence. On a rajouté aussi des photos-problèmes, en s'inspirant de maths-en-vie, et les schémas en barre.
Quelles sont vos pratiques en matière de formation et d’auto-formation ?
Muriel : En ce qui me concerne j'ai besoin d'avoir une grosse base. En résolution de problèmes, il y a les travaux de Houdement sur les problèmes de référence, et puis le travail de Jean Julo sur la représentation des problèmes, le travail de Sander, etc. Après, moi, personnellement quand j'essaie de me former, j'ai besoin d'engranger des connaissances. J'ai besoin de lire beaucoup, même si je suis loin de tout retenir mais ça m'aide à mieux comprendre. Et puis après, j'ai aussi besoin de chercher beaucoup sur internet. Je cherche des choses que font les enseignants, et ce que des collègues formateurs proposent en animations pédagogiques. Ça m’aide à mettre en ordre tout ce que j'ai lu.
Nathalie : Oui moi je fonctionne un petit peu comme toi. Il y a les éléments théoriques, et puis les éléments pratiques, mais aussi les échanges qu'on peut avoir entre nous aussi.
Cécile : On ne s'est pas non plus qu’auto-formées. En tant que RMC on a eu des formations, notamment au niveau académique, et au niveau national. Et justement, à la suite de ces formations, ça nous a permis d'aller creuser et d'aller chercher vraiment ce qu'on devait lire pour aller plus loin. Et puis il y a aussi les outils que l'IFÉ nous a montrés : l'étoile ou même les focales de Roland Goigoux. Ça nous a vraiment guidées dans la conception de notre outil. Et aussi le fait de nous dire : est-ce que notre ressource elle est utile ? Comment elle va être utilisable ? Est-ce que c'est adapté ? On se dit, quand on regarde les focales de Goigoux, que ce qu'on a fait pour les enseignants, c'est leur enlever la tâche planification et essayer d'alléger la tâche de différenciation. Et nous, derrière, ce qu'on propose aux enseignants c’est de se consacrer à l'explicitation et aux autres gestes professionnels. Le but qu'on a poursuivi depuis le début c'est ça, c'est : "intéressez-vous aux gestes professionnels. Le reste, très humblement, on a essayé de vous l'enlever."
Si vous deviez expliquer cette ressource à un collègue enseignant que diriez-vous ?
Roselyne : Je dirais que c'est un outil qui permet d'être guidé au niveau de la structure mathématique du problème. Pour moi, c'est quand même vraiment le cœur. On a pensé à un élève qui n'aurait pas travaillé sur cette progression au CP, pour que ce ne soit pas un problème pour lui. C'est d’ailleurs pour ça qu'on propose la schématisation en barre, parce qu'on s'est dit que ce serait plus simple à enseigner pour les enseignants et plus simple à s'approprier pour les élèves.
Muriel : Je dirais que l'objectif de cette ressource c'est d'outiller les enseignants dans l'installation d'un problème de référence avec une fiche de préparation. Et ensuite on a travaillé sur des progressions et des corpus de problèmes.
Nathalie : J'ajouterais le côté prise en main rapide... et puis bien mettre en avant cette idée de progression, justement au sein d'un cycle.
Qu’est-ce qui vous rend le plus fières ?
Cécile : Moi, je dirais que ce dont je suis le plus fière, c'est d'avoir eu les retours d'enseignants qui avaient le sentiment d'avoir quelque chose qui permettait de baliser leur enseignement. Et on est fières aussi d'avoir pu mutualiser nos expériences toutes les quatre et d'avoir réussi à construire un outil. C'est important de le dire parce qu’on est toutes les quatre d'horizons différents, de cycles différents, de terrains différents, donc réussir à trouver un compromis avec toutes ces expériences-là.
Muriel : C'est vrai que ça aussi c'est un objet de fierté : d'avoir réussi à terminer ce travail, et à ce que la finalisation nous convienne. Pour moi c'est un beau travail en équipe.
Le livret "Une démarche pour résoudre des problèmes arithmétiques au cycle 2"
Version corrigée au 05-12-2022 |
|
Lien vers le livret au format (version corrigée 05-12-2022) .pdf 103 pages et 3,5 Mo |
Pour contacter Muriel, Nathalie, Roselyne et Cécile à propos du contenu du livret, des accompagnements que vous envisagez de faire ou pour leur faire des retours concernant vos expériences de travail en classe ou en formation, vous pouvez utiliser l'adresse suivante : resolution4rmc@gmail.com |