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A quoi tu le vois ? Un regard sur deux jours de formation des coordonnateurs REP

Par skus — publié 09/06/2016 18:20, Dernière modification 09/06/2016 21:32
En attendant la publication du compte-rendu de la formation, voici le bilan de Guillaume Serres, universitaire au laboratoire ACTE de l’université de Clermont-ESPE, invité à donner son « point de vue » sur le travail engagé. Il tente de dégager les « conditions de la réussite » qui permettent de se dire qu’un temps de formation est « utile » à ceux qui le vivent, ce qui peut les amener à dire que « c’était bien »…
  • Parce que ça a été une véritable réunion d’acteurs, un temps de travail qui permet de mettre les choses à plat, de se dire ce qu’on n’arrive pas encore à faire, de se demander si on a le droit de le faire, de regarder de près les détails de ce qu’on fait.
  • Parce qu’on a fait « un pas de plus », qu’on a mis des mots sur des choses qu’on savait « un peu », mais sans savoir si « ON » le partageait. Tout ce qui permet de passer de « je sais que… » à « on sait que… ».
  • Parce qu’on a créé des repères pour le collectif, des savoirs partagés parce qu’on a nourri un engagement particulier dans le travail, qui a permis de dépasser la déploration, parce que « la meilleure défense c’est l’attaque »…
  • Parce qu’on a compris que « si les gens font ce qu’ils font, c’est qu’ils ont de bonnes raisons de le faire », et que c’est à cette condition qu’on peut travailler à plusieurs.
  • Parce que la question de l’intermétier était présente et utile. Parce qu’il faut prendre garde au risque de l’entre-soi : dès qu’on crée une mission spécifique, on pourrait laisser croire que c’est sur elle qu’on va pouvoir se décharger d’un certain nombre de tâches, que le coordonnateur va faire « à notre place ». Or, cette « division du travail » ne permet pas de régler les questions. Plutôt que penser « rôle du coordonnateur », ne faut-il pas penser « place du coordonnateur dans un collectif » ?
  • Parce qu’on a fait le va-et-vient entre le prescrit et le réel, que ceux qui disent ce qu’il y a à faire se sont intéressés de près à ce que font réellement les gens de ce qu’on leur demande de faire.
  • Parce qu’on s’est questionné sur ce qu’est la formation : un espace partagé qui se nourrit de l’activité ordinaire de ceux qui travaillent.
  • Parce qu’on a essayé de « garder trace » de ce qu’on vient de faire, de capitaliser le fruit du travail in-vivo, en constituant des outils qui aident à réussir, qui traduisent les savoirs de la recherche pour en faire quelque chose d’utilisable pour l’action.
  • Parce qu’on sait maintenant qu’on n’est pas seul, parce que le travail collectif va nous aider à faire ensuite, seul, ce qu’on a à faire, en se réassurant.

Guillaume Serre fait ressortir deux idées-force, pour pouvoir concrétement agir en réseau :

  • Collectivement, traduire le prescrit, pour savoir quoi en faire, cela passe par des gestes précis, qu’on fait parfois sans même s’en apercevoir :
    • Cibler l’origine des problèmes, mais aussi comprendre quelle en est la nature exacte. Distinguer ces deux étapes peut paraître un détail, mais c’est la source du vrai travail, celui qui ne se voit pas.
    • Hiérarchiser les questions, faire collectivement des choix, tracer des « petites routes » dans des « grands réseaux », travailler sur des « petits objets » pour avoir prise sur le réel, les « bons carrefours » qui sont à l’interface des préoccupations des différents acteurs du travail.
  • Pour ce qui est de la spécificité du travail du coordonnateur, entrer dans les détails du travail, de ce qu’il y a à faire, c’est toujours difficile. Le coordonnateur est :
    • un travailleur « discret » en quête de reconnaissance, qui fait des choses qui ne se voient pas, qui travaille dans de multiples situations informelles, dans la salle des profs, dans les couloirs, en travaillant à un endroit pour viser des effets sur les autres, comme un travail de fourmi avec des jeux de rebonds. Il faut « être professeur » sans être seulement professeur. Il faut mobiliser ceux qui ne pourraient ne pas venir pas à la réunion, anticiper le risque de leur absence, faire ce qu’il faut pour que tout le monde soit autour de la table ;
    • une personne qui a les missions d’un cadre sans l’être, à qui on demande des choses sans forcément lui donner la place pour le faire ;
    • quelqu’un qui doit faire des compromis sans faire des compromissions, donner à penser sans vouloir formater, gérer ses propres conflits de loyauté sans renoncer à ses valeurs…

Wetin You Go Do ?Il conclut par une métaphore qui pourrait paraître exotique : « Ne rien faire, mais que rien ne soit pas fait » disent les penseurs chinois que reprend le Traité de l’efficacité de François Jullien. Pour bouger des blocs immobiles, on peut tirer à l’artillerie lourde au risque de tout abimer, ou au contraire avoir l’intelligence d’aller chercher une petite corde qu’on va placer entre les blocs, de façon très discrète, et attendre que les blocs se mettent à bouger et suivent le mouvement rendu possible par la corde. Mais ça veut dire apprendre la patience, ne pas vouloir aller trop vite…

« La reconnaissance de votre travail ? Allez la chercher surtout dans votre propre collectif, et dans le regard de ceux avec qui vous travaillez. Vous serez sans doute plus content d’aller chaque matin au travail pour faire ce que vous avez à faire… »