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S’intéresser aux préoccupations typiques des formateurs… pour les aider à continuer à construire leur métier

Par Patrick Picard publié 30/11/2013 18:00, Dernière modification 13/12/2021 15:07
ou Comment concevoir et mettre en œuvre une formation de formateurs en tenant compte des dilemmes de métier et des nouvelles prescriptions ? - Récit d’expérience

par Nathalie Burget, conseillère pédagogique à Colmar

 

MARS.

De la confluence de la recherche, de nouvelles réalités, de nouvelles prescriptions, de nouvelles modalités de formation pour l’enseignant débutant et d’un stage Neopass@ction à l’IFE naît en mars 2013 à Colmar (68), la nécessité autant que le souhait d’une formation de formateurs.
Car les questions fusent, multiples :
Comment, en tant que formateur, s’inscrire dans les nouvelles modalités de formation hybride ?
Comment s’approprier les nouveaux outils de formation, tels Neopass@ction ?
Comment tenir compte des résultats de la recherche ?
Comment rendre cohérent le parcours de formation de l’enseignant débutant, de l’ESPE jusqu’après la certification ?
Comment réenvisager le métier de formateur à l’aune des nouvelles prescriptions ?
Comment créer une synergie entre formateurs de statut différent ?

AVRIL.

L’initiative prend alors forme et se donne pour objectif, dans une perspective d'articulation recherche/action, de s'interroger sur les spécificités du travail débutant et sur les transformations du métier de formateur, afin de co-construire de nouveaux scénarios destinés à former et à accompagner les enseignants débutants.

Le projet est ambitieux et, pour garantir sa cohérence, il s’ouvrira à l’ensemble des formateurs (ESPE, PEMF, CP et IEN). L’équipe d’inspection pilote du dossier est engagée dans le projet, soucieuse de renforcer l’espace de formation de formateurs. Trois journées sont posées au sein du plan départemental de formation, alternant entre apports issus de la recherche, familiarisation avec la vidéoformation et ateliers de travail sur des problématiques différentes.

Le centre Alain Savary est sollicité, ainsi qu’Eric Sonzogni, conseiller pédagogique en Haute-Savoie, rencontré lors d’une session de formation à l’IFE, qui a engagé un travail proche dans son département.

Dans le même temps, un collectif de formateurs ayant pour mission de réfléchir sur les nouvelles modalités de formation des enseignants  débutants est créé dans le département.

JUIN.

Le projet, validé dans le 68, prend une dimension académique grâce à la collaboration des pilotes. La première date pour un temps de formation de deux journées, est fixée au mois d’octobre 2013. L’accent sera mis sur une réflexion concernant le métier de formateur et ses transformations. Une sensibilisation à l’outil Néopass@ction est également programmée, avec des apports en référence à la philosophie de l’outil.
La troisième journée, placée au début de 3e trimestre, sera davantage dévolue à l’élaboration de nouveaux scénarios de formation hybride.
Le collectif de formateurs, qui se réunit pour la seconde fois, commence à se familiariser à une nouvelle manière d’envisager la formation des enseignants débutants et à réfléchir à de nouvelles modalités de formation en relation avec les recherches en didactique professionnelle et en clinique de l’activité, et est partagé entre adhésion et résistances, entre gains et pertes…

D'abord, construire une ingenierie qui donne à voir les problèmes de métier des formateurs

SEPTEMBRE.

Il faut trouver un lieu pour la formation. A ce stade, le nombre d’inscrits est d’une trentaine au total, avec une discontinuité alarmante sur les 2 journées, due pour les CP (conseillers pédagogiques) à des priorités de circonscription et pour les PEMF au manque de moyens de remplacements.
Nous n’avons pas d’idée sur le nombre d’inscrits définitif, qui peut varier entre une trentaine et une soixantaine de personnes, il nous faut composer avec cela.
L’ESPE de Colmar, qui vient d’ouvrir ses portes sous son nouvel acronyme, convient idéalement. Elle nous met à disposition un amphithéâtre et trois salles de travail annexes.
L’idée d’émailler le déroulement de récits d’expérience est retenue mais se doit d’être préparée.
Les collègues pressentis sont contactés et les objectifs annoncés : un récit à trois voix est prévu entre un PEMF, un formateur ESPE et un CP généraliste, sur la question de l’accompagnement-conseil : « entre typicités, similitudes et possibles rencontres entre formateurs de statut différent ». Un membre du collectif  de formateurs des PES du 68 s’exprimera également sur sa vision du métier, en tension avec les nouvelles modalités de formation. Enfin, la dimension émotionnelle dans la vidéoformation sera évoquée par les témoignages d’un CP généraliste, d’un CP EPS et d’une enseignante débutante.

Un long travail de préparation démarre, ponctué d’interrogations récurrentes de la part des interviewés : comment parler de son métier ? Qu’ai-je à dire ? Quel intérêt pour les autres ?... On s’invite à la prudence tout en cherchant la mise en confiance, car les hésitations et les rétractations existent. En parallèle, un questionnaire anonyme préalable est envoyé aux futurs stagiaires afin de préciser à la fois leurs attentes et leurs opinions sur les problèmes professionnels qui seront traités lors de la formation. Eric Sonzogni s’adapte à la commande pour parler de son expérience dans l’académie de Grenoble : « Comment créer une synergie pour mieux collaborer entre formateurs ? ». Des va-et-vient réguliers entre les différents intervenants et les organisateurs permettent d’affiner au fur et à mesure les contenus. Mais on n’est toujours pas certain que l’alchimie fonctionne…

1-15 OCTOBRE.

La formation approche… Derniers réglages : il faut désormais fixer les contenus, les communiquer aux stagiaires, prévoir la logistique, penser la convivialité des pauses, organiser la venue des intervenants. Les stagiaires seront trente le premier jour, quarante neuf le second. Si l’effectif et sa représentation pluricatégorielle nous satisfont, nous continuons de nous interroger sur la meilleure manière d’articuler les différents temps afin que les stagiaires qui rejoindront la formation la seconde journée ne soient pas trop frustrés.
Patrick Picard, responsable du Centre Alain Savary, récolte au fil des jours les questionnaires qui arrivent timidement,  et commence le dépouillement qu’il exploitera au début de la formation.
Les récits d’expérience ne sont pas encore prêts. Il faut guider sans imposer son point de vue, faire émerger l’authenticité, rassurer sur l’intérêt que revêtent ces restitutions, veiller à ce qu’elles respectent le temps imparti… Les doutes croissent à mesure que se réduit l’intervalle jusqu’à l’échéance : les stagiaires seront-ils intéressés ? Quelle sera leur posture ? Comment accueilleront-ils le travail sur Neopass@ction ? Les plages prévues pour les échanges n’empiéteront-elles pas sur les contenus ? Les ateliers seront-ils pertinents ? Les intervenants sauront-ils communiquer leurs expériences ? L’un d’entre eux, qui semble particulièrement déstabilisé par l’exercice, saura-t-il dépasser ses appréhensions ? Les apports théoriques parviendront-t-il à outiller les questionnements ? Les responsables de la formation parviendront-ils à coordonner les interventions, à rebondir sur des mots, des idées, les interrogations ?… Sans compter les questions concernant la taille des thermos de café, la disponibilité d’une salle pour se restaurer et la qualité de l’accueil envisagé, qui viennent régulièrement se superposer aux incertitudes qui précèdent…

Une délicate mayonnaise à faire prendre

16 OCTOBRE.

La formation. Enfin.
Les intervenants semblent prêts, les stagiaires sont ponctuels (on est en Alsace…) et toutes les conditions matérielles sont réunies pour démarrer sous les meilleurs auspices.
Le discours institutionnel qui ouvre le stage donne d’emblée le ton : une formation de formateurs résolument orientée vers un espace d’échange à construire, dans le cadre d’une impulsion mise en perspective à la fois avec le bilan des différents dispositifs de formation déjà expérimentés, et la politique éducative liée à la refondation de l’école. Mieux articuler formation initiale et formation continue, recherche et formation, conduire au développement d’équipes de formations plurielles constituent les enjeux du projet.
C’est à Patrick Picard de construire une problématisation à partir des préoccupations partagées, spécifiques ou secondaires des stagiaires, en prenant appui sur le dépouillement de leurs réponses au questionnaire. Il pose une question forte : comment articuler les différents temps de la formation du futur enseignant des écoles, l’un sous la responsabilité de l’université, l’autre sous la responsabilité de l’employeur ?

Après la pause, trois récits d’expérience illustrent le propos, et emplissent l’espace de leur authenticité, transmettant des réalités partagées, arrachant quelques sourires complices à l’auditoire et convoquant ça et là l’émotionnel des participants. Chacun sait que les témoins n’ont pas joué la facilité, en osant dire ce qu’ils n’arrivent pas toujours à faire.
Le maître du temps est parfait de discrétion et d’efficacité, et la pause méridienne, placée sous le signe de la convivialité et du partage des paniers apportés, fournit déjà quelques indices sur la satisfaction des stagiaires. 
L’après-midi, c’est autour de vidéos de classe que se poursuit la réflexion, en groupes pluricatégoriels. Prétexte judicieux pour commencer à décrypter l’activité « ordinaire » du formateur, notamment lorsqu’il cherche à connecter sa propre activité à celle du débutant. Entre consensus et controverses, on discute fougueusement sur les situations d’enseignement, ce qu’on en comprend, ce qu’on en déduit, ce qui pourrait relever du contexte, du problème de débutant… ou du métier d’enseignant. Eric Sonzogni intervient sur les typologies d’entretien qu’il a pu identifier dans son travail de master de formateur, à Clermont-Ferrand pour alimenter le débat : selon que le formateur est plus ou moins spécialiste du domaine observé, son type de conseil varie considérablement, tantôt davantage centré sur la didactique, tantôt sur la « pédagogie générale »…
La mobilisation est totale, les échanges nourris, la réflexion est en marche et les stagiaires qui ne pourront rejoindre la formation le lendemain expriment leur désappointement. Un rapide débriefing entre organisateurs tente de faire le point, et permet d’envisager au mieux la continuité du stage dans le but d’accueillir au mieux ceux qui n’ont pas pu assister à cette première journée.

17 OCTOBRE : jour 2

Le groupe s’est étoffé, la gestion de l’équilibre pour satisfaire stagiaires d’hier et d’aujourd’hui est devenue notre principale préoccupation.
Après l’évocation, par Patrick Picard, des éléments saillants de la veille, se joue à la manière de l’instruction au sosie, un récit d’expérience d’un membre du collectif  de formateurs. La forme, apparemment très spontanée, permet à l’interviewée d’exprimer librement ses idées et ses préoccupations, suscitant à nouveau une vive attention de la part de l’auditoire.
C’est au tour d’Eric Sonzogni, en s’appuyant sur son vécu, d’expliquer comment son département crée progressivement une synergie pour mieux collaborer entre formateurs, d’abord en cherchant à répondre aux nouvelles prescriptions, notamment avec la demande ministérielle de création de parcours « hybride ». Dépasser l’inquiétude légitime, trouver des ressources dans le groupe pour agir sans forcément tout attendre du niveau supérieur, ses propos rencontrent l’attention, pour tous ceux qui, ici comme là-bas, sont confrontés aux mêmes questions sans pour autant leur donner la même réponse. Mais son témoignage ouvre des perspectives insoupçonnées…
On suit le fil en insistant sur la dimension émotionnelle en vidéoformation, au travers d’un apport théorique et de la restitution de deux expériences, l’une d’une PES, l’autre d’un ex-candidat à l’admission au CAFIPEMF. Tous deux ont été confrontés à un entretien d’autoconfrontation et s’expriment sur leurs ressentis.
La matinée se clot avec une nouvelle synthèse qui tente de raccrocher les expériences, par nature singulières, avec le travail mené par le Centre Alain-Savary sur la question des formations hybrides : et si « l’hybridation » n’était pas qu’affaire d’artefacts technologiques, mais aussi le moyen de remodeler les ingénieries de formation en articulant différents temps, en faisant davantage le lien entre la « formation » et la « vraie vie » ?

Et concrètement, on fait comment ?...

L’après-midi a été conçue comme une proposition de se mettre très concrètement au travail, à partir de ces trois demi-journées d’apports, en proposant de se relever les manches dans quatre ateliers pluricatégoriels qui ont pour mission de faire des propositions concrètes sur des objets qui préoccupent les formateurs :

- «  Vers l’élaboration d’un scenario de formation hybride à l’aide d’outils numériques »,

- « Mutualisation de pratiques et d’outils CP/PEMF/formateurs ESPE pour une perspective d’harmonisation »,

- « Approche pour des contenus de formation basés sur l’analyse de l’activité »

- « Réflexion autour des dilemmes de formateurs »

Toutes les propositions sont investies avec beaucoup d’engagement et la restitution ouvre à des champs de possibles qu’il reste désormais à explorer, mais la session arrive à son terme avec une question présente dans tous les esprits : passé le moment suspendu de la formation, les groupes vont-ils poursuivre leurs « belles intentions » et rapporter lors de la prochaine session de nouveaux développements de leurs métiers, de nouvelles expériences réussies ?

Au lendemain de la formation, les échos témoignent déjà de l’impact de la réflexion dans les équipes de circonscription, et le premier bilan permet de laisser augurer aux organisateurs de riches perspectives, mais renvoie également à la responsabilité d’avoir rendu nécessaire une dynamique intermétiers qui, pour s’intensifier, se devra d’être entretenue…

Rendez-vous au printemps 2014 !