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La taille des classes : un levier permettant d’améliorer les résultats des élèves.

Par Florent Lathuilière publié 20/03/2018 16:05, Dernière modification 27/03/2018 13:32
Lors d'une formation sur le lire-écrire destinée à des formateurs et des cadres de l'Education Nationale, à l'Institut Français d'Education le 14 novembre 2017, Olivier Monso, de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'Education Nationale, présente les résultats de sa synthèse sur l’effet de la réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France.

Bandeau O.Monso

A partir d'une évaluation que la DEPP a produite en 2014, Olivier Monso revient d'abord sur le bilan alarmant de l'état des inégalités scolaires en France, en confrontant les résultats des pourcentages d’élèves qui maîtrisent ces compétences et l’origine sociale des parents : dans le groupe des 20% des élèves des milieux les plus défavorisés, 69% en 2015 avaient acquis la compétence maîtrise du français en début de 6 ème, contre 94% pour les élèves des milieux les plus favorisés. Ce constat touche toutes les disciplines évaluées. Diminuer le nombre d'élèves par classe permettrait-il d'améliorer les résultats des élèves tout en réduisant les inégalités ? C'est la question qu'il essaie de traiter en se méfiant des idées simples. 

diminuer la taille des classes : un levier pour améliorer les résultats des élèves et réduire les inégalités, pas si simple...

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Introduction  00 : 00
Un constat : de fortes inégalités sociales de compétences en fin d'école primaire  00 : 59
Réduire la taille des classes, une solution ? 02 : 48
Taille des classes, que mesure-t-on ? 05 : 32
La réussite scolaire, sur quels critères la mesurer ?
08 : 54
Peut-on isoler un lien de causalité ?  
11 : 57
Expérimentation : le cas du projet STAR 
16 : 42
Une expérimentation en France : le dispositif "CP effectifs réduits"
21 : 58
La quasi-expérience : le cas de l'utilisation du seuil de classe 
27 : 36
Peut-on réconcilier les résultats des travaux français ? 
29 : 36
Quels mécanismes sont à l'oeuvre ?
33 : 54
Conclusion
37 : 55

Pour comprendre cette question, il faut questionner plusieurs éléments à la fois :

  • Les classes : de quelles classes parle-t-on et dans quel contexte : milieu rural ? milieu urbain ? premier degré ? second degré ?
  • La réussite scolaire : sur quels critères ? quelles évaluations ? des évaluations standardisées ? sont-elles disponibles ? sur quel territoire ? sur quelle période ? 

Mais pour le statisticien, le problème de fond demeure : isoler précisément des données comparables pour interpréter le lien entre la taille des classes et les résultats des élèves.

la difficulté d'Isoler un lien de causalité

La première raison se situe dans la sélection des élèves se retrouvant dans des classes à effectifs réduits. En effet, les élèves étant en classe à effectifs réduits sont souvent issus d’un environnement particulier (éducation prioritaire, classe rurale...). Donc, si on compare de façon brute les résultats des élèves issus d’une classe à effectif habituel et les résultats des élèves issus d’une classe à effectif réduit, on aurait toutes les chances de trouver que les résultats sont identiques, tant il y a de facteurs, de variables dus à l'origine des élèves qui sont dans des classes de petites tailles.

L'affectation des enseignants n'est pas non plus anodine : les enseignants nommés dans ces classes ne sont pas forcément les mêmes que la moyenne (plus de débutants, notamment). Donc la comparaison naïve risque de sous-estimer l’effet des classes à effectifs réduits. 
"Le lien entre taille des classes et réussite scolaire reste complexe, notamment parce que les mécanismes sous-jacents n’ont pas été clairement identifiés.", Olivier Monso, "L'effet d'une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents", Education et Formation n°85, novembre 2014, p. 47 

exemples d'expérimentations 

 projet star aux Etats-Unis : des effets positifs sur le long terme

Le projet  STAR (Student/Teacher Archievement Ratio) mené au Tennessee au milieu des années 80 a consisté à affecter de façon aléatoire des élèves et des enseignants entre les classes de différents types d'effectifs : une classe à effectifs réduits (13-17 élèves), une classe à effectifs normaux (22-25 élèves), et une classe à effectifs normaux avec un assistant. 

Ce projet a été conduit très tôt dans la scolarité, les premiers élèves sont rentrés dans le dispositif à l'âge de 5-6 ans, d'autres ont rejoint le dispositif vers 7-8 ans. 12000 élèves, censés rester dans le type de classe auquel ils avaient été affectés, ont bénéficié de cette expérimentation qui a duré entre un et quatre ans. 

Ce projet a été confronté aux limites de la méthodologie en sciences humaines, notamment la mobilité et les pertes d’élèves qui rompent le caractère aléatoire de l'assignation dans les différents types de classe. Cependant, les chercheurs ont constaté un effet positif majeur, surtout la première année, pour les enfants dont les familles ont des revenus modestes. Des effets positifs persistent sur le long terme.

L'expérimentation en france "cp à effectifs réduits" : des résultats très nuancés

Suite à la mise en place du projet STAR, Denis Meuret a recommandé en France la mise en place d'expérimentation basée sur la réduction des effectifs pour améliorer les résultats des élèves et diminuer les inégalités scolaires. Entre 2002 et 2004, l'expérimentation "CP à effectifs réduits" a vu le jour. Deux cents classes de CP ont été suivies par la DEPP, la moitié de ces classes avec un effectif habituel et l'autre moitié avec effectif réduit. Contrairement au Projet STAR, l'assignation des élèves et des enseignants dans ces classes n'a pas été aléatoire, puisque ces classes accueillaient des enfants de milieux défavorisés ou en difficultés scolaires. L'expérimentation n'a duré qu'un an, l’année d’après tous les élèves des classes à effectifs réduits étant scolarisés dans des classes à effectifs ordinaires.

Si les élèves de CP à effectifs réduits ont de meilleurs résultats en français et en math en fin de CP, cet effet semble disparaître l’année d’après après un retour en classe à effectif habituel. En outre, les effets positifs en lecture ne concernent pas les élèves aux origines sociales les plus défavorisées.

Graphique Olivier Monso

une méthode particulière : l'utilisation des seuils de classes

Au lieu de comparer directement des classes à effectifs habituels et des classes à effectifs réduits, qui posent des problèmes pour isoler les données, certains chercheurs réalisent une comparaison indirecte : il s'agit de comparer des écoles, qui du fait de leur nombre d'élèves, sont plutôt du côté du seuil des classes à effectifs élevés, ou plutôt du côté du seuil des classes à effectifs réduits.

Sur le graphique ci-contre, on peut lire en abscisse, le nombre d'élèves inscrits et en ordonnée la taille moyenne des classes. Les chercheurs ont constaté que, quand on regarde la distribution de la taille des classes, il semble qu'il y ait un seuil informel qui apparaisse: au-delà de 30 élèves, on dédouble la classe. 

Avec cette méthodologie, Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire ont observé en 2006 un effet significatif et positif plus fort au primaire qu’au secondaire, et des effets plus forts pour les établissements en éducation prioritaire. Ils en concluent qu'une réduction de cinq élèves de la taille moyenne de classes de CE1 en éducation prioritaire permettrait de réduire sensiblement l’écart de résultat entre élèves de l'éducation prioritaire et hors éducation prioritaire.  

De façon générale, les élèves en éducation prioritaire et issus des milieux défavorisés semblent bénéficier davantage des effets d'une réduction de la taille des classes.

les classes à effectifs réduits offriraient un contexte pédagogique plus favorable

Une recherche suédoise montre qu'il y a un lien étroit entre les conditions d'enseignement et l'effet favorable des réductions d'effectifs. Les interactions élèves-enseignants sont potentiellement facilitées dans les classes à effectifs réduits. Si on suit cette approche, le contexte pédagogique serait amélioré par l'allègement des effectifs.

Même si, de façon générale, les élèves en éducation prioritaire et issus des milieux défavorisés semblent en bénéficier davantage, une réduction de la taille des classes n'est pas le seul levier pour réduire les inégalités de réussite : en particulier, il faut aussi s'interroger sur la définition de pratiques efficaces pour faire réussir les élèves.

Pour Olivier Monso, il semble donc important d’avoir un regard critique et pluriel sur les travaux de recherche. De nouvelles analyses devront être menées, notamment sur la complémentarité avec d'autres politiques, ou sur les liens avec la formation des enseignants.