Culture écrite et décrochage
La formation a été introduite par Patrick Picard, directeur du centre Alain Savary, qui a rappelé que 250 000 élèves sortent de l'école sans maîtriser les compétences qui leur permettent de s'insérer professionnellement et socialement.
Sylvie Martin Dametto, chargée d'études au centre Alain Savary, a indiqué qu'une partie de cette formation s’appuierait sur les premiers résultats de recherche sur le décrochage dans le réseau ÉCLAIR du collège V. Schoelcher à Lyon. Les professionnels de ce collège ont participé à la préparation de la formation et animeront des ateliers.
Stéphane Kus, chargé d'études au centre Alain Savary, invite à s'appuyer sur les connaissances des chercheurs et l'expérience des enseignants pour interroger les pratiques et les fonctionnements ordinaires de l'École en éducation prioritaire.
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"Culture(s) écrite(s) et décrochage(s), problèmes didactiques et pédagogiques" Conférence d'Yves Reuter
Yves Reuter, de l'université Lille 3 Charles-de-Gaulle, revient sur le rôle de la culture écrite dans les processus de décrochage. Après une brève introduction il présente ses réflexions en trois points.
I Relation entre École et décrochage (à partir de 1'38'')
Yves Reuter rappelle que dans les années 70, 200 000 élèves sortaient déjà du système scolaire sans qualification et que l’absentéisme, notamment pour les travaux agricoles, ne posait pas de problème. Par ailleurs, le décrochage est un phénomène international. Cependant le terme décrochage est polysémique et donc ses chiffres varient en fonction des définitions choisies. Le décrochage s'inscrit dans l'histoire des individus et de leurs rapports avec l'École, avec leur milieu familial, social et culturel. Le décrochage est une "maladie nosocomiale de l'École" (Jacques Pain). Les stratégies proposées actuellement sont un peu de prévention et beaucoup de remédiation. Yves Reuter souligne que les les stratégies de prévention, en pointant des personnes "à risques", peuvent être stigmatisantes et assigner à une identité de décrocheurs. Il déplore que la remédiation se réduise trop souvent à une externalisation du problème. La remédiation consiste à appliquer une autre pédagogie aux décrocheurs ce qui est paradoxal.
II Culture écrite et décrochage (à partir de 13')
Yves Reuteur part des travaux de Jacques Goody sur la différence entre société orale et écrite. Le passage de l'oral à l'écrit n'est pas un simple changement technique mais un changement radical dans la façon de penser. L'écriture participe de la façon de penser. Elle a permis le développement de l'École qui a un rapport distancié au monde et à l'écrit. L'École ne prend pas en compte toutes les formes de littératie. L'École ne vise pas la maîtrise de la lecture et de l’écriture, elle vise des pratiques scolaires de la lecture et de l’écriture. Il y a donc responsabilité de l'École dans l'échec de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, entre autre par une surnormativité et des demandes très formelles.
III Des pistes de réflexion (à partir de 35')
Yves Reuter nous invite à revisiter nos a priori, notamment l'idée que les pauvres ont un vocabulaire pauvre et qu'il faut enrichir leur vocabulaire (a défaut de les enrichir tout court). Des travaux dirigés par Yves Reuter montrent que les élèves de milieux populaires ont une richesse de vocabulaire, mais le rapport au vocabulaire et à la conscience disciplinaire sont flous. De plus, l'École est ressentie plus comme un espace d'évaluation que comme un espace d'apprentissage. Les élèves de milieux populaires ont une appétence pour les mots nouveaux mais cet investissement est problématique car si l'écriture extrascolaire est une possibilité de s'évader, l’écriture scolaire est vécue comme une sanction notamment pour l'orthographe. Il y a souvent confusion entre la consigne et l'évaluation ainsi les formes d'évaluation jouent contre l'investissement. Cette "insécurité scripturale" (Michel Dabène) explique une forme de décrochage alors que des expériences montrent qu'on peut rallier les élèves à l'écriture et à l'École.
Conclusion sur trois principes pédagogiques ( à partir de 58')
l'École ne prend pas assez en compte la culture écrite existante des élèves.
Il faut donner du temps pour construire ce rapport à la culture écrite
Il ne faut pas stigmatiser l'erreur pour éviter la peur de se tromper
Écouter la conférence d'Yves Reuter 1h10'
Regarder la conférence d'Yves Reuter :
yves reuter
Ecouter la discussion à l'issue de la conférence (20')
Voir la discussion :
prevention
"Le Tableau comme lieu" conférence d'Anne-Laure Le Guern
Anne-Laure Le Guern, de l'université de Caen, qui participe à la recherche sur le décrochage à l'ECLAIR Schoelcher, nous fait partager ses observations et ses réflexions sur le rapport entre culture écrite et décrochage à travers le tableau. Elle rappelle que le tableau est une invention du XIXe siècle et que l'on est passé du maître silencieux au maître qui expose. L'utilisation du tableau est très diverse et les élèves la vivent de façon inégale. Le tableau doit être celui où on apprend tous ensemble, celui de l'interaction de la recherche et ne pas être trop normé, il en est de même pour les cahiers.
Ecouter l'intervention d'Anne-Laure Le Guern (31')
En quoi les écrits fonctionnels et les choix organisationnels nous interrogent-ils? Nous interrogent-ils davantage en Éclair ? synthèse de Lydie Heudier Deschamps
Lydie Heurdier-Deschamps, de l'université Paris 8, fait la synthèse des ateliers de la formation et revient sur les aspects institutionnels du décrochage. Elle s'appuie aussi sur son travail à Schoelcher à partir d'entretiens, avec des adultes et des élèves, pour interroger différents dispositifs et leur impact sur le décrochage :
- les déplacements
-la composition des classes
-la co-animation (18')
-le bulletin (23')
-la gestion de l’absentéisme
-la question de l'étayage et du désatayage
Ecouter la synthèse de Lydie Heurdier (47')