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Enseigner le français aux élèves plurilingues en classe ordinaire : démarches plurilingues et alternatives

Par Zahra Salim publié 22/11/2024 14:20, Dernière modification 22/11/2024 15:17
Karima Gouaïch, maîtresse de conférence en sciences du langage présente et propose une analyse de différentes démarches et outils qui favorisent l'inclusion langagière des élèves plurilingues en classe ordinaire : les approches dites plurielles ainsi que l'interdidacticité par la mobilisation des approches multimodales et plurisémiotiques (IFÉ, 2024).

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Plurilinguisme en classe ordinaire : une question socialement vive 00:00
Une évolution des recommandations institutionnelles

3:55

Bilinguisme, plurilinguisme ou bi-plurilinguisme ?

9:47 

Pratiques langagières en classe ordinaire : élèves allophones et élèves alloglottes nés en France 17:15
La biographie langagière comme outil de connaissance et de transformation

28:18

Les approches plurielles des langues et des cultures

35:07

Quelle appropriation des approches plurielles par les enseignants ? 40:36
L'interdidacticité des langues 43:13
Les approches multimodales et plurisémiotiques

48:51

Un exemple en didactique du lexique : définir le sens d'un mot

 51:52

Favoriser l'entrée dans la langue de scolarisation : les gestes professionnels d'adaptation linguistique (GPAL) 57:04
Synthèse 1:03:59

 

Plurilinguisme en classe ordinaire 

Une évolution des recommandations institutionnelles

Karima Gouaïch précise que le plurilinguisme en classe ordinaire est une question socialement vive en recherche et en formation et reste une question controversée au sein de la communauté professionnelle. Néanmoins, elle souligne une évolution récente des recommandations institutionnelles, notamment dans le 1ᵉʳ degré. Plusieurs guides et textes institutionnels invitent en effet à valoriser les langues des élèves signifiant ainsi un changement de paradigme du plurilinguisme comme obstacle, au plurilinguisme comme atout pour la langue de scolarisation. En s’alignant sur les recherches sur le plurilinguisme, ces recommandations invitent à valoriser les langues premières des élèves et favoriser les liens entre toutes les langues de leur répertoire langagier notamment les langues enseignées à l’école (LVER Langues Vivantes Étrangères et Régionales).

Éveiller les élèves aux langues dès leur plus jeune âge, c’est permettre : aux enfants grandissant avec plusieurs langues de voir leurs langues et appartenances culturelles accueillies au sein de l’école et susceptibles d’être mobilisées au quotidien; aux parents d’être soutenus dans leur choix de transmission de la ou des langues familiales, d’être invités à venir présenter, s’ils le désirent, leur(s) langue(s) au sein des écoles.” 

" La formation et l'accompagnement des équipes pédagogiques auront pour objectifs : le développement d'attitudes positives à l'égard de la diversité linguistique (...) la découverte d'éléments linguistiques (...) et culturels adaptés aux élèves - l'ouverture aux sonorités des langues et la mise en œuvre de pratiques soutenant l'apprentissage d'une LVE par la mobilisation de stratégies (...) l'émergence d'une conscience des langues (...)."

  • Pour les cycles 2 et 3 : Le guide pour l’enseignement des langues vivantes à l’écoleEduscol. Le guide pour l’enseignement des langues vivantes à l’école paru en Juillet 2019. p.23. https://eduscol.education.fr/document/347/download (2019).

Le travail sur le plurilinguisme est l’occasion de faire prendre conscience aux élèves qu’il existe des grandes familles de langues et que certaines sont apparentées. Il est donc possible de s’appuyer sur les connaissances que l’on a déjà d’une langue pour en apprendre une nouvelle. D’autres langues sont en revanche plus éloignées, ce qui n’exclut pas les interactions entre les différents systèmes.

  • Sur l'ensemble des cycles : Repères sur l’inclusion des élèves allophones nouvellement arrivés en classe ordinaireEduscol. Repères sur l’inclusion des élèves allophones nouvellement arrivés en classe ordinaire Développer des pratiques de différenciation pédagogique (2016) https://eduscol.education.fr/document/21361/download (2016).

Le MEN invite les enseignants à s’appuyer sur les langues des élèves pour développer des pratiques de différenciation pédagogique en leur faveur. Les langues des élèves sont présentées comme « un levier pour l’apprentissage du français “.

Bilinguisme, plurilinguisme ou bi-plurilinguisme ? 

La recherche en sociolinguistique est passée du terme « bilinguisme » à celui de « plurilinguisme”. Cette évolution du concept a permis de mieux définir et prendre en compte les pratiques langagières des locuteurs plurilingues et de s’éloigner de la représentation sociale du locuteur natif idéal qui maîtrise au moins deux langues de manière équivalente à l’oral comme à l’écrit. Portée par les chercheurs experts associés au Conseil de l’Europe, elle a permis d’appréhender le fait plurilingue dans sa perspective dynamique et de proposer une définition de la compétence plurilingue et culturelle/interculturelle.

Pour aller plus loin sur l'évolution des recherches et des concepts

Karima Gouaïch distingue trois grandes phases des orientations et problématiques de recherche sur la question des situations linguistiques des populations migrantes.

évolutionconceptPremière Phase (Années 1970) : le bilinguisme comme une maîtrise parfaite de deux langues

La didactique du français émerge avec une conception du bilinguisme comme la somme idéale de deux monolinguismes juxtaposés. La langue d'origine est uniquement sollicitée pour expliquer les erreurs et interférences dans la maîtrise du français.

Deuxième phase (Années 1980/1990) : un tournant dans les recherches sur le bilinguisme 

Les travaux des sociolinguistes, appréhendent le bilinguisme de manière plus souple en didactique des langues-cultures : les pratiques dans chaque langue sont perçues dans leur complémentarité et leur alternance. Parmi eux, Louise Dabène met en lumière la notion de “langue d’appartenance” ou de “référence” . Reprise et illustrée par Billiez avec la déclaration emblématique d’un jeune homme : “ma langue c’est l’arabe mais je ne la parle pas”, cette notion met en perspective les dimensions identitaires d’une langue. Les chercheuses se confrontent ainsi au décalage entre les pratiques déclarées par les locuteurs et leurs pratiques effectives.

Troisième phase (à partir des années 2000) : du bilinguisme au plurilinguisme

Le plurilinguisme intègre à la fois une dimension linguistique, sociolinguistique et psycholinguistique. Dans le cadre des travaux du Conseil de l'Europe, Coste (2001) précise la notion de plurilinguisme comme maîtrise de langues "à des degrés divers" en intégrant la notion de "compétences partielles" .

Pratiques langagières en classe ordinaire : élèves allophones et élèves alloglottes nés en France 

Karima Gouaïch étudie les pratiques langagières des élèves plurilingues en classe ordinaire. Elle distingue les pratiques langagières des élèves allophones issus de la migration récente et celles des élèves nommés par elle “alloglottes nés en France”. Ces derniers ont acquis le français langue de communication au cours de leur socialisation/scolarisation. Par ce terme, elle veut rendre visible le plurilinguisme de ces élèves issus de l’immigration nés en France. Cette connaissance des différentes pratiques langagières permet d’interroger certaines représentations concernant des élèves plurilingues en classe ordinaire. En effet, pour les élèves alloglottes nés en France, la pratique de la (les) langue(s) familiale(s) reste plus ou moins présente et  associée à l’utilisation du français. De manière générale, connaître les langues en présence et leurs relations dans l’espace scolaire permet de dresser une cartographie des pratiques langagières des élèves comme le précisent les travaux du Conseil de l’Europe portés notamment par Daniel Coste.D.Coste (2010). in XYZEP n+37. p.9. https://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/publications/livrets-revues/xyzep/2010-2011/xyzep-nb0-37.

Pour la chercheuse, le plurilinguisme peut-être perçu à géométrie variable par les professionnels comme le montrent Nante et Trimaille (2013). Ainsi les élèves sont reconnus plurilingues ou non en fonction des langues qu’ils parlent. Le plurilinguisme des enfants issus de l’immigration n’est pas toujours valorisé et peut même faire l’objet d’une certaine dévalorisation Cela concerne principalement les langues du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, le turc mais aussi des langues de migration récente comme le bulgare, le gitan et le roumain. Ces représentations peuvent avoir des effets potentiels sur le rapport aux langues des apprenants avec des risques cognitifs et identitaires. Le plurilinguisme peut être reconnu ou ignoré, revendiqué ou caché, voire honteux, assuré ou insécure. 

Des approches et outils issus de la didactique du plurilinguisme

Karima Gouaïch donne  quelques éclairages sur la didactique du plurilinguisme et son utilisation en classe ordinaire en mettant en valeur un outil : la biographie langagière. Busch, linguiste autrichienne, a été parmi les premières à populariser la notion de biographie langagière issue des traditions anthropologiques du 20ᵉ siècle en didactique des langues. 

La biographie langagière comme outil de connaissance et de transformation 

Pour Karima Gouaïch  travailler avec l’outil “biographie langagière” permet d' agir sur ces représentations à deux niveaux : celui des élèves et celui des enseignants.

La biographie langagière
La biographie langagière d’une personne est l’ensemble des chemins linguistiques, plus ou moins longs et plus ou moins nombreux, qu’elle a parcourus et qui forment désormais son capital langagier ; elle est un être historique ayant traversé une ou plusieurs langues, maternelles ou étrangères, qui constituent un capital langagier sans cesse changeant. Ce sont, au total, les expériences linguistiques vécues et accumulées dans un ordre aléatoire, qui différencient chacun de chacun.

* Définition de J.-P. Cuq : (2003, p. 36-37). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère. CLE International.

Du côté des élèves 

L’activité de récit, avec une représentation sous la forme de dessin ou de collage de sa propre biographie langagière, a pour but de faire prendre conscience de son rapport aux langues : son répertoire langagier avec ses langues connues ou oubliées. À partir de ces récits, la chercheuse a étudié le rapport aux langues qu’avaient ces élèves et le lien avec leurs compétences en langues.

Par exemple, elle compare deux élèves plurilingues d’école élémentaire : Loudjaine qui développe un plurilinguisme harmonieux et montre des potentialités vis-à-vis des langues alors que les propos de Kadir donne à voir une insécurité linguistique.

Du côté des enseignants :

Par ailleurs, la chercheuse travaille sur ces représentations en formation initiale en demandant aux enseignants de rédiger leurs propres biographies langagières. Elle invite ainsi les enseignants à développer une réflexivité sur leur propre rapport aux langues et par ricochet, sur leur métier d’enseignant. Elle prend pour exemple le cas d'une étudiante en Master Meef, anciennement “élève allophone ”, toujours aux prises avec une insécurité linguistique en français et dans les matières utilisant le français, alors même qu’elle avait obtenu brillamment le concours de professeur des écoles. En revanche, cette étudiante ne ressentait pas cette insécurité dans l’apprentissage des LVER, car elle se retrouvait au même niveau d’apprentissage que les autres étudiants. Ce rapport aux langues avait donc une influence sur sa perception de l’enseignement de ces différentes langues.  

Les approches plurielles des langues et des cultures 

Ces approches ont été développées par le Conseil de l’Europe afin de développer la compétence plurilingue et interculturelle. Elles proposent des principes didactiques et des matériaux d’enseignement issus du CARAP (Cadre de Référence aux Approches Plurielles)Site du CARAP.https://carap.ecml.at/Accueil/tabid/3577/language/fr-FR/Default.aspx. Le CARAP décrit de manière systématique les compétences et ressources  plurilingues et interculturelles et ce que les approches plurielles cherchent à développer dans  l’enseignement. 

Quatre approches plurielles issues du CARAP :
  • L’ éveil aux langues : Cette approche a été introduite par Michel Candelier en s’inspirant du courant de Language Awerness initié en Outre-Manche par Eric Hawkins. Elle concerne des langues ou des variétés linguistiques (« dialectes », « patois » …) de tout statut. Il s’agit d’activités d’observation, d’écoute, de comparaison, de réflexion … qui impliquent aussi bien des langues qu’on a l'objectif d’apprendre (les langues étrangères proposées par l’école, la langue de l’école), que des langues que l’école n’a pas pour ambition d’enseigner : langues de la famille, langues présentes dans l’environnement … ou tout autre langue du monde sans en exclure a priori.
  • L’ intercompréhension entre les langues parentes  : Elle repose sur la séparation des compétences et privilégie la compétence de compréhension (focalisation sur la compréhension de l’écrit dans un premier temps). Chacun s’exprime dans sa langue et comprend celle de l’autre. : un travail parallèle s’effectue sur deux ou plusieurs langues d’une même famille (langues romanes, germaniques, slaves etc …).
  • La didactique intégrée : Cette approche vise les langues que l’on apprend à l’école et aide l’apprenant à établir des liens entre ces langues. On s’appuie sur une langue déjà connue pour aborder une langue moins connue, en prenant conscience des ressemblances et des différences entre les deux langues. Par exemple, on peut s’appuyer sur la langue de scolarisation pour aborder la première LVER, on peut aussi s’appuyer sur la première LVER pour aborder la deuxième LVER (par exemple, sur l’anglais pour apprendre l’allemand …)
  • L’approche interculturelle : Elle repose sur des principes didactiques qui préconisent de s'appuyer sur une ou plusieurs aire(s) culturelle(s) pour développer l'ouverture à l'altérité : les différences de codes et significations peuvent être liées à différents types d'appartenance (ethnie, nation, région ...). Il s'agit de comparer des caractéristiques propres à ces aires avec un point de vigilance : éviter les stéréotypes culturels.

La chercheuse souligne une lente pénétration des approches plurielles des langues et cultures* dans l’enseignement en classe ordinaire (Beacco, 2023). Deux approches sont plus présentes, l’Éveil aux langues dans le premier degré et l’«Intercompréhension entre langues parentes » dans le second degré en LVER. Dans le primaire, la chercheuse donne des exemples de pratiques en classe ordinaire qui présente plusieurs intérêts notamment un projet de recherche collaborative “Les sacs d’histoires” qui a permis de mettre en valeur la variation linguistique à l’intérieur d’une même langue, réfléchir aux intraduisibles dans une langue et rassurer les élèves sur le plurilinguisme de leurs parents. 

Quelle appropriation des approches plurielles par les enseignants ?

Les enseignants ont, en général, des réticences à mettre en place ces approches (Azaoui, Mendonça-Dias et Chnane-Davin, 2020). Plusieurs raisons sont évoquées :

  • la nécessité d’un temps spécifique en formation initiale ou continue d’enseignants pour prendre connaissance de ces approches;
  • les enseignants ne perçoivent pas les liens possibles entre la mobilisation des langues des élèves et les apprentissages visés;
  • certains enseignants ne veulent pas assigner les élèves à leurs langues et identités;
  • certains enseignants ne se sentent pas à l’aise avec les langues de leurs élèves parce qu’ils ne les maîtrisent pas et ne peuvent corriger les erreurs.

En outre, la chercheuse souligne les limites de l’efficacité de ces approches sur les élèves, notamment avec le public adolescent. Elle développe deux exemples : par effet de contestation, un élève remet en cause les compétences linguistiques d’un autre élève ou par effet de résistance, un élève ne veut pas ou n’arrive pas à entrer dans la démarche plurilingue.

D’autres approches 

Après avoir expliqué les intérêts et limites des approches plurielles, Karima Gouaïch propose d’autres approches issues des différentes didactiques des langues qu’elle croise avec les pratiques actuelles de certains enseignants en classe ordinaire. La chercheuse plaide pour une “interdidacticité des langues”* et retrace l’historique de ce concept.  

L’interdidacticite des langues 

L’interdidacticité des langues 

diapofleflsflmPour Marchand (1989), la présence dans de nombreuses écoles d'enfants étrangers ou d'origine étrangère, ne manque pas de poser des problèmes à ceux qui ont à charge de leur enseigner le français ou à ceux qui assurent la formation des maîtres et ont part à la responsabilité d'évaluer ce qui se produit dans les classes. Il évoque l’idée d’une didactique commune entre FLM (Français langue maternelle) et FLE (Français Langue Etrangère). Galisson (1995) insiste sur la continuité et les convergences entre les didactiques du FLE et du FLM avec le FLS (Français Langue Seconde) comme pivot et introduit la notion d'interdidacticité. 

L’interdidacticité s’inscrit dans un  pluralisme didactique grâce à la circulation des contenus, des outils et des démarches entre le FLE, le FLM et le FLS pour répondre à la diversité des publics. Plutôt que d’opposer le FLS et FLE et FLM, Verdehlan (2002) préfère considérer que ces 3 notions partagent des points communs et qu’ils forment, de ce fait, un continuum du FLE au FLM avec toutes les nuances possibles. 

Les approches multimodales et plurisémiotiques 

Les approches multimodales et plurisémiotiques sont issues de l’interdidacticité :

  • La multimodalité s’intéresse aux différentes modalités qui permettent de construire du sens dans les interactions sociales
  • La plurisémiocité : le corps (gestualité, regards, postures, mimiques faciales, etc.), l’espace, les objets, les images, le langage verbal et paraverbal, ainsi que toutes les formes de communication propres aux technologies numériques (clavardage, émoticônes, ponctuation, etc.) sont des exemples de modalités différentes qui peuvent se combiner pour construire du sens (Rivière/Blanc 2019)

Karima Gouaïch donne l’exemple d’enseignantes qui ont recours à ces approches multimodales et plurisémiotiques dans leurs pratiques.
Ces dernières utilisent :

  • des explications verbales : elles s’appuient sur les relations sémantiques des mots (synonymie, antonymie, hyperonymie et hyponymie), la description, la fonction d’un objet, la définition du mot, la fonction langagière, l’exemple et la situation.
  • les explications non-verbales : elles ont trait aux gestes, aux mimes, à la posture du corps (mimique, attitude physique, mouvement du corps). Elles reposent aussi sur la désignation du référent dans la réalité par le biais d’un dessin, d’une image ou d’une photo.

Des gestes pédagogiques co-verbaux accompagnent la parole ou la remplacent pour faciliter la compréhension et la verbalisation, l’accès à la polysémie et le métalangage. 

Un exemple en didactique du lexique : définir le sens d’un mot

Karima Gouaïch fait le lien entre ce concept d’interdidacticité et les pratiques réelles des enseignants en classe ordinaire. Elle donne l’exemple d’une interdidacticité particulièrement féconde en didactique du lexique pour favoriser la compréhension du vocabulaire. Elle l’illustre avec des gestes pédagogiques co-verbaux pour définir le sens d’un mot selon trois directions :

  • faciliter la compréhension et la verbalisation d’un mot : des gestes pour illustrer (iconiques : mimes et gestes des mains) et désigner (déictiques) le référent dans la situation
  • faciliter l’accès à la polysémie : les gestes iconiques (les mimes) et les battements permettent d’illustrer le sens figuré de filer 
  • passer du discours à la langue : le recours à la collocation lexicale (association lexicale) permet aux élèves de désigner des mots et d’en parler ainsi que le recours à la synonymie et à un geste iconique
diapocompréhension diapopolysémie diapodiscours
 

Favoriser l’entrée dans la langue de scolarisation : les gestes professionnels d’adaptation linguistique (GPAL)

À partir du cadre de la classification de Zougs (2017), Karima Gouaïch présente des gestes professionnels d’adaptation linguistiques présents en didactique du français (FLM, FLE et FLS) facilitant la compréhension. La chercheuse précise que ces gestes d’adaptation au plurilinguisme que l’on peut retrouver dans différents contextes (UPE2A, classe internationale et classe ordinaire) sont aussi bénéfiques pour élèves les plus en difficulté.

Ce sont des moyens verbaux et non verbaux mobilisés par les professeurs pour :

  • favoriser la compréhension, l’expression et l’acculturation à la langue de scolarisation;
  • prévenir et corriger différents types d’erreurs (de prononciation, lexicales, orthographiques, syntaxiques);
  • gérer l’utilisation d’une autre langue par les élèves;
  • pointer les différences interculturelles;
  • coordonner les enseignements.

“Il ne s’agit pas seulement de gestuelle, telle qu’elle est étudiée à travers la communication non verbale qui représente ce que nous observons directement. Il s’agit aussi des actions d’adaptation des programmes faites en amont par les enseignants tels qu’ils peuvent le faire consciemment en fonction de l’hétérogénéité linguistique de leur classe, des moyens qu’ils utilisent pour s’assurer de la bonne compréhension des consignes, et des stratégies qu’ils mettent en place pour prévenir et gérer les différents types d’erreurs liés à la langue de scolarisation .» Muriel Zougs (2017)

 

 

Focus sur le rôle spécifique de la prosodie
En analysant les interactions élèves-enseignants, Karima Gouaïch repère, dans les gestes d'adaptation linguistique, le rôle spécifique de la prosodie. La chercheuse remarque que les enseignants utilisent particulièrement cette entrée afin d'améliorer la compréhension de l’oral : ils insistent sur certains mots et/ou sons et ce, pour mettre des éléments en avant ou clarifier le sens d'un énoncé.

Bibliographie 

  • Azaoui B., Chnane-Davin F., et Mendonça-Dias C.(2020). Allophonie. Inclusion et langues des enfants migrants à l’école. Lambert Lucas.
  • Blanc N., Rivière V.(2019).Observer l’activité multimodale en situations éducatives : circulations entre recherche et formation. Lyon : ENS Éditions.
  • Chnane-Davin F., Gouaïch K.(2022). L’interdidacticité en lecture pour aider des élèves plurilingues à comprendre le vocabulaire. Repères, 65 | 2022, 145-164.
  • Chnane-Davin F., Gouaïch K., Zougs M.(2019). Quels gestes professionnels pour gérer le plurilinguisme à l’école en France? In Bilinguisme, plurilinguisme: mythes et réalités. Quels atouts pour la francophonie?
  • Maire-Sandoz M.O., Miguel-Addisu V.(2018). Enseigner la lecture dans une classe plurilingue et défavorisée. Carrefours de l’éducation, 2018/2 n° 46. pp. 15-26. https://doi.org/10.3917/cdle.046.0015.
  • Nantes V., Trimaille C.(2013). À l’école, il y a bilinguisme et bilinguisme. Dis-moi quelles langues on utilise dans ta famille (et où tu habites), et je te dirai si tu es bilingue (ou non). Édité par Marie-Madeleine Bertucci. GLOTTOPOL Revue de sociolinguistique en ligne, (21), 98-116.
  • Zougs M.(2017). Les gestes professionnels d’adaptation linguistique en contexte multilingue : le cas des professeurs des écoles dans leur gestion de l’hétérogénéité des élèves en langue de scolarisation. Thèse de doctorat -. Aix-Marseille Université, Marseille.