Argumentaire
Journée d'étude internationale : Mardi 4 mai 2010
INRP, Centre Alain Savary & UMR 5191 ICAR
Confrontée aux défis contemporains de la globalisation des échanges, des phénomènes migratoires et de la construction européenne, l’institution scolaire est aujourd’hui tenue de concilier, entre autres, des objectifs de cohésion sociale et le développement du plurilinguisme de tous ses élèves. Les enjeux d’une telle transition sont multiples, et de très grande portée, en particulier pour les publics relevant des dispositifs de l’éducation prioritaire. Ce contexte invite en effet à réexaminer les problématiques liées à la réduction des inégalités et à l’intégration socio-scolaire sous l’angle des changements, en cours et à venir, en matière d’éducation linguistique.
Au cours de la dernière décennie, des mouvements de convergence ont été indéniablement amorcés pour accorder la politique linguistique éducative française avec les politiques européennes. L’expérience indique toutefois que la définition et la mise en œuvre de ces orientations – qui insistent tour à tour sur le développement des compétences plurilingues et sur la maîtrise de la langue commune de scolarisation – ne vont pas sans tensions, hésitations, résistances et difficultés pour les décideurs, pour les chercheurs, et pour les acteurs du terrain scolaire positionnés en première ligne.
Des recherches conduites en sciences du langage sur le plurilinguisme, sur l’acquisition des langues et sur les processus de construction identitaire invitent pourtant à parier sur la complémentarité potentielle de ces orientations. Le développement de compétences plurilingues serait en effet, à certaines conditions, de nature à favoriser les apprentissages, y compris celui de la langue de scolarisation.
Ces recherches, dont certaines ont contribué à nourrir les réflexions du Conseil de l’Europe, envisagent le plurilinguisme comme une « compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent »[1]. On entend ainsi par « plurilinguisme » l’aptitude d’un locuteur à puiser dans un répertoire de ressources linguistiques, de manière variable selon les contextes communicatifs.
Cette conception suppose l’instauration de nouveaux rapports aux langues et à leurs enseignements. Elle implique aussi une modification profonde du regard posé sur les compétences langagières des élèves.
Dans cette perspective, des chercheurs et des professionnels de l’éducation conçoivent, expérimentent et analysent depuis plusieurs années des approches innovantes. Les voies tracées par ces recherches tentent notamment d’explorer la complémentarité des ressources linguistiques des élèves, d’exploiter l’ensemble de leurs expériences langagières scolaires et extrascolaires, et de construire des savoirs sur les langues et le langage propres à les aider à mieux comprendre l’environnement plurilingue dans lequel ils vivent ou seront amenés à vivre. Les potentialités éducatives de telles approches ont été régulièrement constatées. Force est néanmoins de reconnaître que ces dernières demeurent encore marginales dans les pratiques pédagogiques.
Afin de favoriser la mutualisation des acquis de la recherche et d’intensifier la réflexion collective, cette journée d’étude propose de réunir des chercheurs, des cadres de l’éducation et des formateurs pour réfléchir ensemble aux enjeux spécifiques de ces orientations pour l’éducation prioritaire.
[1] Conseil de l’Europe (2001) Cadre européen commun de référence pour les langues. Apprendre, enseigner, évaluer, Paris, Didier, p.11.