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Un rapport du Sénat sur le métier d’enseignant à (re)lire

Par mjampy — publié 15/05/2013 10:10, Dernière modification 14/12/2021 09:18
Ce rapport de 133 pages est le fruit du travail d’une mission d’information composée d’une quinzaine de sénateurs de toutes tendances politiques et dirigée par Mme Gonthier-Maurin, sénatrice PCF, au nom de la commission culture du sénat. Cette mission a auditionné une cinquantaine des personnes (chercheurs, chargé d’études de l’IFE, responsables de l’Education nationale, syndicalistes).

 

 

Un métier dégradé à refonder

Le rapport reprend les analyses de nombreux chercheurs dont Françoise Lantheaume (Université Lyon 2) sur la souffrance ordinaire des enseignants et le rapport insiste sur le fait que la difficulté des enseignants n’est pas un problème personnel, mais qu’il faut soigner le métier pour ne pas avoir à soigner les individus. Parmi les facteurs de ce « travail empêché », les auteurs notent la multiplication des évaluations et la solitude croissante face à cette pression évaluative. Le rapport s’appuie sur les travaux du CNAM (Yves Clot et Jean-Luc Roger) qui montrent que les dilemmes professionnels sont de plus en plus nombreux pour les enseignants. Il cite aussi une enquête de la MGEN de 2011 qui montre que sur 5000 agents de l’éducation nationale, 24% sont en état de tension alors que ce taux est de 14% chez les autres cadres. Ce malaise est accentué par le fait que l’Education nationale ne compte qu’un médecin pour 18 000 enseignants. Les enseignants manquent de reconnaissance de leur hiérarchie et du public. De même, l’appui de l’inspection, parasitée par l’objectif de faire appliquer les instructions, est trop rare. Les fins de carrières sont problématiques, les enseignants sont confrontés à l’injonction d’innover en même temps qu'ils subissent des prescriptions normatives.

Tout ceci abouti à l’exacerbation des conflits au sein des établissements. Comme le montrent les travaux d’Anne Barrère (Université Paris V), chaque acteur voit souvent ses difficultés niées par les autres. Les conseils d’administration et les conseils pédagogiques ne sont pas suffisamment des espaces de dialogue. Le rapport annuel du médiateur de l’Education nationale montre également que les réclamations concernant des conflits entre direction et enseignants ont augmenté de 12% entre 2000 et 2010. La Fédération des Autonome de Solidarité enregistre elle aussi une hausse des signalements, de la part des enseignants, de harcèlement.

Selon le rapport, la suppression de 70 600 postes entre 2006 et 2012 a non seulement fait disparaître la scolarisation des moins de 3 ans, mais aussi exacerbé la pression sur les enseignants. La gestion, par académie, des suppressions de postes a renforcé les inégalités et augmenté le recours aux heures supplémentaires (plus d’un professeur sur deux fait des heures supplémentaires dans le second degré).

Le rapport préciser que les professeurs ne sont pas forcément hostiles au changement mais leur réticence naît plutôt du sentiment que le « bout de la chaîne » éducative n’est pas pris en compte lors de la conception des réformes, comme si la réalité de leur travail et de leur expertise étaient niées. Le rapport prend l’exemple de l’évaluation par compétences qui a été plaquée et s'est résumée à un livret à cocher chronophage. Le rapport cite aussi le programme CLAIR, expérimental, mais qui a été étendu sans évaluation, ou la réforme du lycée professionnel en trois ans qui pose de nouveaux problèmes pour nombre d'élèves et d'enseignants. La rapporteure note que ces deux réformes ont eu des effets négatifs principalement pour les élèves issus de milieux populaires.

La réforme de la formation des enseignants accentue le malaise. La masterisation, qui couple le master 1 et le concours, pose problème. Le budget des IUFM intégré à l’université devient la variable d’ajustement et les stages sont devenus problématiques. Les enseignants stagiaires sont souvent envoyés en éducation prioritaire.

Sylvie en classe à Scholecher 7.png

Logiquement le rapport préconisait l’arrêt de la RGPP et de la suppression de postes, réclamait un plan pluriannuel de recrutement, incluant la remise à plat la formation des enseignants. Il demandait de "redonner sens à l’école en mettant la prévention des difficultés d’apprentissage" au cœur de la formation des enseignants, notamment en dynamisant la formation continue tout au long de la carrière et en aménageant  la fin des carrières pour amortir les effets du vieillissement.

 

Un rapport toujours d’actualité

Ce rapport n’a pas été voté par le groupe UMP qui défend le bilan du gouvernement précédent.

La parution de ce rapport, dans l’été, n’a pas suscité beaucoup de réactions. Quelques semaines après, est paru le rapport de l’Inspection générale sur les composantes de l’activité enseignante hors la classe qui rejoint le rapport du Sénat sur l’alourdissement du travail enseignant et la possibilité d’aménager les horaires des enseignants en éducation prioritaire.

Depuis, le nouveau ministre de l’Education a annoncé le recrutement de 60 000 enseignants et la mise en place des Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education. En ce qui concerne le malaise des enseignants, l'essentiel reste à construire, notamment le renforcement de l'accompagnement et de la formation continue, pourtant unanimement reconnu. Il faut dire que dans les derniers mois, la focalisation de la "refondation de l’école" sur les "rythmes" a crispé les relations sociales et mis au second plan les autres chantiers. Soigner le métier d’enseignant reste donc une urgence.



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