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Un nouveau rapport des Inspections Générales sur le travail des enseignants hors de la classe

Par Marc Jampy — publié 11/10/2012 20:45, Dernière modification 14/12/2021 09:20
Contributeurs : Marie-Odile Maire-Sandoz, Simon Flandin et, Sylvie Martin-Dametto, Stéphane Kus, Patrick Picard

Un rapport des inspections générales sur le travail des enseignants en dehors de la classe vient d’être rendu public[1]. Il reprend les travaux précédents, qui montrent que le travail des enseignants en dehors de la classe est important mais pas assez reconnu[2] sans pour autant se nourrir du travail de la recherche sur cette question. 


Les Obligations Réglementaires de Service (ORS) des enseignants du 1er degré ont évolué : de 30 à 27h en 1969 avec la suppression du samedi après-midi, une heure de concertation étant incluse en 1991, avant de passer, en 2008, à 24 h devant les classes et 3h annualisées pour l’aide personnalisée, le travail en équipe, la formation et la participation aux conseils. Le temps devant les classes des enseignants du second degré, lui, n’a pas évolué avec un service à 18h pour les certifiés et 15 h pour les agrégés (20h/17h pour les professeurs d’EPS), et diverses indemnités, dont l'Indemnité de Suivi et d’Orientation des Elèves (ISOE), mise en place en 1993, avec une part fixe pour l’ensemble des professeurs et une part modulable selon les niveaux pour les 265 000 professeurs principaux.


Plusieurs enquêtes, notamment en 2000 et 2008, ont évalué le temps de travail des enseignants. Elles concordent sur un temps de travail moyen pour les professeurs des écoles entre 40h et 42h par semaine et de 39,5h pour les professeurs des collèges, soit 21h en plus de leurs heures devant élèves (9h pour la préparation des cours, 5h pour la correction des copies, le reste se répartissant entre réunions et entretiens avec les familles). En moyenne, durant l'année scolaire, ils consacrent trois jours de chaque vacances à leur travail. Le rapport estime que 30% des enseignants dépassent le maximum horaire avec des heures supplémentaires annuelles (HSA) qui représentent l’équivalent de 7 000 postes.

Il reprend les chiffres du rapport Pochard, selon lesquels les professeurs des écoles français sont plus présents devant leur classe que dans les autres pays de l’OCDE (920h contre 800 h). La comparaison pour les professeurs du 2d degré, tend à montrer une plus faible présence dans le collège ou lycée, essentiellement du fait que nombre de pays imposent une présence dans l'établissement pour d'autres tâches que la classe.

 

Un sentiment d'alourdissement généralisé

Dans le premier comme dans le second degré, le sentiment d'alourdissement du travail et de débordement sur la vie privée est pris au sérieux par les auteurs, au fur et à mesure des évolutions demandées par les nouvelles réformes : dans le premier degré, aide personnalisée, stages de remise à niveau, semaine de quatre jours, livret de compétences ;  dans le second, dispositifs visant à l'accompagnement des élèves, à la scolarisation d'élèves à besoins éducatifs particuliers, à la mise en oeuvre des espaces numériques de travail, aux réunions diverses...


Le rapport souhaite donc, de manière générale, donner de la visibilité à toutes les composantes de l’activité professionnelle des enseignants avec des textes officiels qui définissent mieux le travail enseignant dans toutes ses dimensions. Il propose la mise en place d'un observatoire de la condition enseignante et recommande une attention plus grande aux stratégies de conduite du changement, notamment par des « délais d’application des réformes [...] qu’ils ménagent des temps de réflexion partagée et de productions collégiales », le renforcement du volume et de la qualité de la formation continue, et des mesures permettant de dynamiser la carrière. Il reprend l’idée du rapport Pochard de 2008 d’un cycle de carrière souple où l’enseignant pourrait moduler son temps de service durant sa carrière.


Plus concrètement, les rapporteurs proposent pour le premier degré de clarifier les 24h annuelles consacrées au travail en équipe et aux relations avec les parents, de moduler selon le contexte les 60h d’aide personnalisée et d’instaurer des coordinateurs de niveau. Pour le 2d degré, les rapporteurs insistent sur la nécessité de redéfinir les obligations de services. Plusieurs pistes sont donc avancées :

- diminuer le temps de présence des enseignants devant les classes pour inclure dans leurs obligations de service les autres activités. Mais une telle mesure réclamerait plusieurs dizaines de milliers d'emplois supplémentaires.

- augmenter le temps de présence des enseignants dans les établissements de 4h ou 8h hebdomadaires contre une rémunération supplémentaire (1,5 milliards pour 3 h de présence en plus des enseignants, sans compter les évolutions de locaux rendues nécessaires)

Le rapport avance une hypothèse intermédiaire avec une définition hebdomadaire partielle des obligations annuelles, comme dans le premier degré, qui n'éviterait cependant pas les conséquences décrites ci-dessus. Pour y pallier en partie, il propose que les agrégés enseignent exclusivement en lycée, que l’obligation d’accepter la première heure supplémentaire soit maintenue, que les équipes de direction aient des moyens pour reconnaître l’investissement des professeurs, et que des fonctions intermédiaires de coordination soient créées dans les établissements.


Les rapporteurs ont prêté une attention particulière à l’éducation prioritaire avec la visite de six écoles et quatre collèges ECLAIR. Ils rapportent la difficulté à enchainer le travail de préparation et de correction, après des journées de classes souvent fatigantes, la nécessité "d’individualiser des parcours", de faire travailler encore plus qu'ailleurs les liaisons entre l’école, le collège et le lycée. Plusieurs expériences d’insertion dans le service de temps de concertation (jusqu’à 1h30) dans plusieurs réseaux ECLAIR sont remarquées.

 

Un chantier à ouvrir ?

 Le rapport pointe donc une certaine urgence : « On l’a dit, les professeurs ne se sentent plus soutenus, voire respectés ; des propos publics les ont meurtris, les réformes nombreuses et rapprochées les désorientent. Ils ont besoin que l’institution exprime publiquement la confiance qu’elle leur fait et qu’elle crée les conditions pour qu’ils travaillent dans la sérénité ». Il rejoint le récent rapport du Sénat, qui suite aux nombreuses auditions des universitaires qui ont travaillé cette question, évoque la souffrance ordinaire des enseignants [3]. Certains syndicats se félicitent de cette nouvelle reconnaissance du travail enseignant [4].

Nombre de questions posées par ce rapport ont été au coeur des discussions de la concertation qui vient de se terminer, sans pour autant qu'elles semblent devoir être reprises dans les textes de lois qui vont être signés à l'automne. Sans doute pour ne pas risquer d'ouvrir plusieurs fronts à la fois, le ministre semble être décidé à garder sous le coude le fruit du travail de tous ses experts. Jusqu'à quand ?

[1] Bernard ANDRÉ, Viviane BOUYSSE, Jean-Michel PAGUET, Bertrand PAJOT, Yves PONCELET, Michel RAGE, Xavier SORBE, Jocelyne COLLET-SASSERE, Alain DULOT, Alain PERRITAZ, Yvon ROBERT, Christine SZYMANKIEWICZ, Anne BARATIN, Les composantes de l’activité professionnelle des enseignants outre l’enseignement dans les classes, rapport IGEN-IGAENR, n°2012-070, juillet 2012, 124 p.

[2] Claude THELOT, Pour la réussite de tous les élèves : Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’Ecole, La Documentation française, 2004.

 

[3] Brigitte GONTHIER-MAURIN, Rapport sur le métier d’enseignant, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, rapport n° 601 (2011-2012), 19 juin 2012, 101 p.

[4] http://www.snuipp.fr/Le-travail-enseignant-au-rapport

 

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