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Séance 4 : Réussite éducative et réussite scolaire

Par skus — publié 28/02/2014 14:50, Dernière modification 14/04/2016 12:05

La quatrième séance a permis de questionner le terme de « réussite » et d’explorer la nature des difficultés scolaires rencontrées par les enfants des milieux populaires, à la fois du point de vue des  représentations des professionnels que de celui des travaux de recherche sur cette question.

Les travaux des groupes mettent en avant des pistes pour faire avancer le travail partenarial autour des questions d’accompagnement à la scolarité.

Les notions de réussite éducative et scolaire

Exposé introductif de Jean-Marc Berthet

Il reste difficile de définir ces termes, l’un englobe l’autre, c'est-à-dire qu’on estime que la réussite éducative est plus large que la seule réussite scolaire mais je ne suis pas sûr que dans le cadre du dispositif de réussite éducative, on soit toujours au clair sur ce que l’on entend par réussite éducative et du type de réussite dont on parle alors. La réussite scolaire est finalement plus simple à définir, c’est le système éducatif qui la fabrique au sens où il la certifie par la délivrance de diplômes mais c’est une co-production à au moins 3 acteurs : les parents, les enseignants, les enfants. Sans forcément entrer dans la recherche des définitions, je voudrais juste indiquer dans quel mouvement ce discours sur la réussite qui se développe ces dernières années (et j’en veux pour dernier indice la nomination d’une ministre de la réussite éducative) se situe et surtout de quoi il pourrait être le symptôme, plutôt que définir, contourner un peu les choses ; faire un détour vers au moins trois directions.

De l’usage du mot « réussite »

Le terme même de réussite, est l‘inverse de l’échec, et cela correspond bien à une tendance actuelle des politiques publiques où l’on passe de lutter contre quelque chose perçue de manière négative (l’échec) à promouvoir quelque chose de plus positif : la réussite. Donc on est dans le déplacement du sens de l’action…

On retrouverait la même chose du côté des questions d’intégration. On est passé de « l’intégration » à la « lutte contre les discriminations », puis aux politiques de « promotion de la diversité ». Pareil dans le champ de l’insertion, où on a fait une loi de lutte contre les exclusions en 1998 et en 2005 un plan de cohésion sociale… Contre l’exclusion, puis pour la cohésion justement pour éviter l’exclusion. L’idée est toujours la même : à lutter contre, on risque de produire ce contre quoi on lutte… Donc ce terme de réussite (on pourrait évoquer les réseaux de réussite scolaire ou ambition réussite de l’Education Prioritaire) est emblématique de la façon dont les politiques publiques opèrent un travail de re-sémantisation de leurs objets… Fondamentalement, on parle bien de la même chose, mais on ne le dit pas de la même manière. C’est comme si on prenait acte que désigner ce contre quoi on lutte pouvait participer de sa venue, on préfère lutter pour dans un discours performatif - le dire cela va le faire - voire incantatoire… De la même façon, on pourrait y associer tous les discours relatifs à la notion d’école inclusive, puisque l’école exclue, parlons d’école inclusive…

Des réussites paradoxales…

On se met à parler de réussite scolaire et de réussite possible de la scolarité pour les classes populaires lorsqu’on sort un peu des théories de Bourdieu[1] qui ont longtemps servi de paradigme explicatif. Pour aller vite, la réussite n’est pas un don « naturel », elle est bien une cons-truction sociale et en tant que telle socialement distribuée et donc n’est que le fruit de la reproduction sociale. Ces théories sans perdre de leur intérêt quant à la reproduction sociale et à ses mécanismes voire aux conditions de domination qui la permettent posaient, du point de vue de l’action une espèce de fatalisme : que faire si l’école ne fait que reproduire les inégalités sociales ? Il a fallu que certains, en particulier Bernard Lahire[2] mais aussi les travaux du CRESAS[3]. s’intéressent aux réussites des élèves des milieux populaires pour ouvrir un nouvel espace des possibles à l’action puisqu’il obligeait à changer le regard, à ouvrir l’espoir et donner des points d’avenir. Lahire[4] parlait à ce propos de schizophrènes heureux pour rendre compte de ces élèves issus des classes populaires qui réussissaient, pour montrer comment, tendus entre deux mondes aux codes sociaux et culturels différents, ils arrivaient à les dépasser et à ne pas céder à la schizophrénie, il n’en faisait nullement d’ailleurs une explication psychologisante qui rendrait compte des mérites individuels des élèves…

Egalité des places ou égalité des chances ?

Derrière tout cela il y a sans doute un autre débat plus large de philosophie politique mais qui importe, c’est le débat entre égalité des places et/ou égalité des chances qu’a synthétisé François Dubet[5]. Derrière se pose une véritable question qu’on ne traitera pas forcément ici mais qu’il faut avoir en tête : en quoi des dynamiques partenariales traitent-elles de la question des inégali-tés et permettent-elles d’atténuer ces mêmes inégalités ? Dubet, donc, distingue deux modèles de construction de l’égalité : un historique qui serait le modèle de l’égalité des places, un autre plus récent, plus libéral, qui serait celui de l’égalité des chances. Dans l’égalité des places, on cherche à resserrer la structure des positions sociales, l’objectif n’est pas de promettre que les écoliers fils d’ouvriers deviendront des cadres mais bien de garantir que l’écart des conditions de vie entre ouvriers et cadres ne s’agrandira pas. L’égalité des chances renvoie à un principe méritocratique où il s’agit de permettre à tous d’offrir la meilleure occupation possible des places sociales, dans ce modèle on postule que les enfants d’ouvriers ont les mêmes chances que les enfants de cadres de devenir cadre sans que l’écart de position entre cadre et ouvrier ne s’estompe. D’une certaine façon, l’école de la IIIème République n’a jamais été dans l’égalité des chances puisque, histori-quement, elle avait développé des filières de sélection qui ne faisaient que reprendre celles de la structure sociale, rares étaient les enfants de pauvres qui allaient au lycée, ce modèle pouvait fonctionner tant que la société garantissait une place à chacun en son sein… Entre temps, la massification est passée par là, et surtout le lien entre qualification et emploi s’est distendu produisant à la fois une croyance encore plus forte dans les vertus du diplôme et donc de la réussite scolaire et en même temps une amertume quant aux effets de ces diplômes…

C’est là qu’arrive l’égalité des chances qui prend une autre tournure et postule finalement que tous les élèves du fait de leur mérite peuvent être socialement distribués dans la société en fonction de ces mêmes mérites et donc on tend à oublier la question des inégalités sociales au profit d’une école purement méritocratique. On tend à homogénéiser les offres scolaires et à ame-ner vers une poursuite plus longue des études. Pour lutter contre les inégalités, on tend à mettre en place des politiques compensatrices (Zep, tutorat, etc…) et on multiplie les dispositifs pour favoriser la réussite (dont les filières ZEP à Sciences Po sont le modèle emblématique). La limite de ce modèle tient au développement des phénomènes de concurrence cruels et au développement d’un marché scolaire avec ses filières spécifiques, systèmes d’aides privées, etc… 

L’égalité des places est rigide et conservatrice car elle enferme les individus avec leurs semblables et les assigne à une place sociale, l’égalité des chances est souple et cruelle car elle oblige les individus souvent les plus fragiles à s’arracher à leurs proches et à leur position sociale. Pour Dubet, la réponse passe par une réhabilitation de l’égalité des places en particulier car pour lui le modèle de l’égalité des chances est un modèle de darwinisme social, de concurrence exacerbée et donc dévastateur pour les individus les plus fragilisés…Pour lui, se jouent des questions de redistribution et en fait dans le modèle de l’égalité des chances dominant, les plus méritants sont les plus socialement favorisés et sont donc ceux qui bénéficient encore plus du système car ils l’utilisent plus longtemps…

Derrière cette question de la réussite scolaire, ce sont bien des questions relatives aux iné-galités dans la société qui se jouent et la manière dont on peut lutter contre ces inégalités. La ré-ussite scolaire n’est peut-être que l’envers d’un modèle de société qui survalorise le diplôme comme gage d’insertion dans la société, qui produit une espèce de tyrannie du diplôme d’autant plus dévastatrice que ceux qui en sont démunis en subissent d’autant plus les conséquences sur le marché de  l’emploi. Pour le dire autrement, peut-être que le discours de la réussite pour tous n’est qu’un monstre à deux têtes qui postule réussite d’un côté et produit de l’autre côté justement ce contre quoi il lutte : le renforcement des inégalités scolaires. Plus on valorise la réussite scolaire, plus on valorise le diplôme qui la certifie, plus on développe la concurrence pour l’accès au bon diplôme qui va garantir l’insertion future et donc plus on renforce les inégalités scolaires par volonté de se démarquer de la masse… Trop d’école tuerait l’école, et c’est à ce point que la notion d’éducation et de réussite redevient centrale, dépassant la seule réussite scolaire. D’autres lieux éducatifs existent où l’on peut apprendre d’autres choses. Ce serait une manière de diminuer le rôle de l’école pour assurer une place dans la société, en mettant en place d’autres systèmes de formation, professionnelle notamment.

Echanges

A l’issue de cette présentation, les  échanges ont insisté sur la notion de course aux diplômes qui ne ferait qu’accroître les clivages sociaux et renforcerait les pressions tant sur les jeunes que leurs familles. A embaucher des aides éducateurs au collège, on se rend compte du niveau élevé de diplôme des postulants, ce qui interroge, bien évidemment. 

Travail de groupe autour d’une question : quelles sont les rai-sons des difficultés scolaires des enfants de milieu populaire ?

Pour le groupe du Rhône les points suivants sont ressortis :

  • le système éducatif peut-il répondre à l’ensemble des difficultés des élèves ?
  • c’est bien la nature des difficultés qui reste à explorer et à clarifier
  • les parents ont parfois une vision utilitariste de l’école qui peut constituer des freins aux ap-prentissages
  • le modèle du travail dans la société est aussi en cause : comment donner des perspectives aux jeunes lorsque le travail manque
  • Deux pistes ont alors été proposées : la valorisation des réussites d’une part, le renforce-ment du goût et du désir d’apprendre d’autre part.

Pour le groupe Ain/ Haute-Savoie, les points suivants sont ressortis :

  • la bonne image de soi et le regard bienveillant des parents sont déterminants dans la réus-site
  • la mixité sociale permet aussi aux enfants de réussir
  • il est important que les parents aient de l’ambition pour leurs enfants pour qu’ils puissent ré-ussir
  • bien souvent, c’est l’insécurité matérielle et familiale qui explique les échecs des élèves

Pour le groupe Loire/Isère, les points suivants sont ressortis :

  • la réussite passe d’abord par un rapport de confiance des élèves à l’école, par l’envie d’y ve-nir et par le fait que tout au long de leur cursus, les élèves restent dans le désir d’apprendre
  • dans l’échec ou la réussite, il reste important de clarifier le sens des mots, tout le monde n’y met pas le même sens ; cela renvoie aussi à la manière dont l’école clarifie ses attendus
  • la question de l’orientation et de la formation professionnelle reste un enjeu déterminant

Réussite et non-réussite scolaire des enfants de milieux popu-laires, quels malentendus, quelle nature des difficultés ?

Présentation par Stéphane Kus des travaux du réseau RESEIDA[6] et notamment de ceux de Séverine Kakpo relatif à l’investissement des parents des familles populaires dans l’aide aux devoirs de leurs enfants

“Dans les années 1880, on disait ouvertement à l’Assemblée Nationale ce que la sociologie a dû redécouvrir, à savoir que le système scolaire devait éliminer les enfants des couches défavorisées. Au début, on posait la question qui ensuite a été complètement refoulée puisque le système sco-laire s’est mis à faire ce qu’on attendait de lui. Donc, pas besoin d’en parler. L’intérêt du retour sur la genèse est très important parce qu’il y a dans les commencements, des débats où sont dites en toutes lettres des choses qui, après, apparaissent comme des révélations provocatrices des sociologues.” 

Pierre Bourdieu, Sur l’Etat, cours au collège de France 1989-1992

Des constats douloureux :

  • L’inégalité face à la réussite scolaire n’a fait que s’accroître depuis 1995.
  • Les études statistiques montrent que les garçons des milieux populaires sont ceux qui subissent le traitement le plus défavorable à l’école.
  • La causalité de ces phénomènes est complexe : il ne s’agit pas de dire que, seule l’école est en cause ; elle agit dans un contexte de dégradation des conditions de vie des plus défavorisés et de développement massif de la précarité. 
  • Mais des travaux de recherche[7] montrent que l’école re-produit les inégalités sociales à travers deux modes de différenciation :
    1. Les différenciations passives (ou indifférence aux différences) : la mise en œuvre des situations pédagogiques requiert de tous les élèves qu’ils mettent en œuvre des res-sources dont tous ne disposent pas et qu’on ne se préoccupe pas de construire en classe. Du coup l’action de l’élève ne met pas forcément en œuvre l’activité intellectuelle qui permettrait de construire les apprentissages visés.
    2. Les différenciations actives : modes d’adaptation des pratiques, des supports, des aides, qui n’aident pas vraiment parce qu’ils morcellent la tâche cognitive au détriment d’un apprentissage réel, donnant une illusion de réussite immédiate mais ne construi-sant pas les savoirs nécessaires à la suite de la scolarité. On contourne la difficulté co-gnitive, sans jamais la traiter. D’où un gain cognitif très inégal pour les élèves de la même classe.

Les devoirs à la maison. Mobilisation et désorientation des familles populaires, présentation des travaux de Séverine Kakpo[8]

Ecouter l'intervention de Séverine Kakpo à la formation de formateurs "Réussir en Education Prioritaire" (1h18m):

Ce travail de recherche permet de montrer trois phénomènes majeurs qui ont marqué l’évolution de l’école depuis quarante ans et de montrer « du dedans » leur impact sur les familles populaires : 

  • l’accroissement de la pression scolaire
  • l’évolution des attendus scolaires
  • l’externalisation du travail personnel

La mobilisation des familles autour des devoirs : 

  • Un phénomène de grande ampleur
  • Une mobilisation qui s’accroît en dépit de l’explosion d’offres d’aide concurrentes
  • Un phénomène qui touche toutes les catégories sociales
  • La « main à la pâte des apprentissages » : bien souvent, contrairement à ce qu’ont tendance à dire les enseignants, il s’agit bien de faire des apprentissages qui n’ont pas été réalisés en classe

Un travail parental « sous-tension »…

  • Des tâches qui renvoient souvent à des enjeux d’apprentissage non-acquis…. 
  • Une certaine conception de l’aide de la part des parents : renvoyer un travail « impeccable » vers la classe
  • Un manque de ressources qui expose au risque d’une disqualification

... mais rarement sous-traité hors de la maison. 

Des dispositifs jugés insuffisamment efficaces

  • Une perte de lien avec la scolarité de l’enfant
  • Une perte de contrôle de l’enfant à un horaire crucial
  • Le risque d’être stigmatisé dans le quartier… 

Du travail « en plus » mais pas toujours à propos…

  • Du travail « supplémentaire » pour consolider les acquis a posteriori ou a priori
  • Du travail « complémentaire » pour remédier à des difficultés imputables à l’enfant mais des pratiques pas toujours favorisantes
  • Du travail « suppléant » pour compenser les défaillances de l’institution

Ainsi les familles populaires, en investissant du mieux possible l’accompagnement des devoirs à la maison, semblent se mettre, en apparence, au diapason de l’école. Mais cela représente une charge très lourde pour laquelle ces familles ne disposent pas forcément des ressources et des codes pour comprendre les attentes réelles – et souvent invisibles - de l’école. Cela conduit souvent aussi les familles à surinvestir les aspects les plus matériels et visibles des tâches scolaires, voire à prescrire du travail en plus, ce qui peut parfois renforcer encore la difficulté des enfants.

Echanges

Cette présentation a enclenché un nouveau débat sur les attendus scolaires et leur explicita-tion en direction des familles. En effet, les apprentissages des savoirs aujourd’hui permettent de mieux appréhender les notions de complexité et de mise en relation des savoirs entre eux. Néan-moins, cet apprentissage de la complexité complique encore la relation aux familles. Par ailleurs, les devoirs à la maison cristallisent des tensions entre les parents et leurs enfants qui doivent être entendues. Enfin, la place des associations qui gèrent les accompagnements doit aussi être inter-rogée tant du point de vue de la formation de ceux qui les font que du point de vue des liens par-tenariaux qui peuvent se créer à ce sujet avec l’Education Nationale.

Travail de groupe : « que construire comme travail partenarial local autour de l’accompagnement à la scolarité ? »

Groupe du Rhône

Différentes expériences ont d’abord été présentées. La première consiste en une invitation des parents sur le temps d’aide personnalisée pour que les enseignants montrent aux parents comment faire à la maison dans le cadre de l’aide aux devoirs. Dans une seconde invitation, ce sont les parents qui reviennent à l’école pour montrer aux enseignants comment ils font faire leurs devoirs à leurs enfants. Seconde expérience, celle d’une enseignante qui a décidé de ne plus donner de devoirs. Cela a généré des inquiétudes du côté des parents mais le message ensei-gnant était le suivant : jouez avec vos enfants, partagez des lectures avec eux, cela viendra com-pléter ce qui est fait à l’école.

Ensuite, ce sont les formes de guidage dans l’accompagnement à la scolarité qui ont été discutées. S’il s’agit seulement de réussir l’exercice demandé, cela n’est pas suffisant, échouer à un exercice peut aussi être formateur. Cela pose aussi la question de la formation : former les pa-rents au métier d’enseignant n’est sans doute pas la bonne porte d’entrée, différentes expériences montrent que ce n’est pas ce que les parents attendent, ils recherchent plus des conseils qu’une formation stricto sensu. Le plus important reste bien que les enseignants donnent les clefs de lec-ture de ce qu’ils attendent des parents. Le constat est fait que certains parents confient leurs en-fants à des structures d’accompagnement à la scolarité dans le but exclusif de faire faire les de-voirs, en déléguant cette tâche à d’autres.

L’harmonisation sur les terrains de ces différentes questions bute souvent sur les contraintes organisationnelles des différents partenaires sans que les questions pédagogiques ne puissent toujours être abordées. Certains sites ont ainsi constitué des livrets d’explication aux parents sur l’ensemble des dispositifs d’aide existant afin de clarifier les différentes offres pour que les parents s’y retrouvent. Cela pose la question sensible de la priorisation et du diagnostic des situations. Bien souvent, ce sont les enfants pris en charge par le PRE qui bénéficient d’un diagnostic fin permettant de mieux adapter les aides.

Groupe Ain/Haute-Savoie 

Il a d’abord été posé deux préalables : dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, les écoles, les villes, les centres sociaux et associations devront travailler ensemble. Ensuite, il s’agit de bien définir ce que l’on entend par « accompagnement à la scolarité ». Le groupe s’est ensuite focalisé autour de l’expérience de Cluses (Haute-Savoie). Ils ont travaillé cette question en 2008, leur interrogation étant : que faire après 16h30 ? Ils sont partis de l’enfant : que mettre en place pour l’enfant ? Le directeur de l’école est le pilote de la démarche. Avec l’équipe enseignante, il détermine ce qui serait le plus adapté pour l’enfant et propose aux parents une orientation vers tel ou tel dispositif et ce pour un cycle de 6 semaines. Ce qui est entendu par dispositif, c’est tout ce qui existe porté par l’Éducation Nationale ou la collectivité locale: aide personnalisée, accompa-gnement éducatif, ateliers du soir (culturel, sportif), CLAS… Pour assurer cette mission, les direc-teurs d’école ont une indemnité versée par la collectivité locale. Les parents ne sont pas au cœur du choix, mais ils peuvent refuser une orientation. Si la situation de l’enfant est complexe, un tra-vail est engagé avec le PRE et il y a une co-évaluation de la situation. Dans chaque groupe sco-laire, il y a un référent des activités péri-éducatives ou directeur des activités périscolaires (per-sonnel communal). Il a une partie de son temps dédié à cette démarche, payée par le PRE. Pour les parents, ces activités sont gratuites contrairement à l’accueil périscolaire (garderie) qui est payante. Les activités peuvent changer selon les cycles et les écoles. Mais si l’école A propose théâtre et que l’enfant est à l’école B (qui ne propose pas théâtre mais musique), il ne peut pas aller à l’activité de l’école A, principalement pour un problème de transport. La difficulté, c’est de trouver l’intervention qui correspond aux besoins de l’enfant et de mener cette démarche en parte-nariat à partir des besoins de l’enfant. 

Quelle est la place des parents ? Ils valident ou pas la proposition du directeur, signent les papiers, mais pas davantage (contrairement au coup de pouce-CLE qui demande un investisse-ment des parents). Dans le groupe, certains ne comprennent pas pourquoi les parents ont si peu de place. La réponse qui est faite est la suivante : on n’est pas dans des activités de loisirs, on est dans l’aide à la scolarité et on oriente en fonction des difficultés repérées. Il y a quand même né-gociation avec eux, même si la prescription vient de l’école. 

Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, la municipalité de Cluses va relancer la réflexion avec sérénité car le partenariat existe déjà. Il a fallu environ 2 ans pour mettre en place ce système. Et il fonctionne différemment selon les écoles, selon le degré d’investissement du directeur et de l’équipe enseignante.

Groupe Loire / Isère

Des questionnements :

  • comment sortir de l’aide aux devoirs ?
  • qu’est-ce que l’accompagnement à la scolarité ?
  • quel est le rôle de chacun ?
  • la CAF finance l’accompagnement à la scolarité : ouverture culturelle ? Mais est-ce si clair ?
  • Comment travailler dans l’accompagnement à la scolarité avec les familles ?
  • Comment mobiliser les pilotes ?

Quelques pistes :

  • travail partenarial avec l’école pour que l’école prenne conscience des besoins d’explicitation de ses codes et attendus
  • Exemple des coups de pouce-CLE : travail d’implication et d’explicitation avec les parents et travail de lien avec l’enseignant.
  • Créer des espaces de dialogue entre les institutions autour de l ‘accompagnement à la scolari-té pour redonner de la cohérence à la multiplicité des dispositifs
  • Accepter que chacun bouge un peu
  • Réfléchir au lien accompagnant / enseignant
  • Créer de la contractualisation notamment sur des temps de rencontres professeurs princi-paux/accompagnants
  • Formaliser les choses pour les faire durer au delà des changements de personnes.
 
[1] Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction : Éléments d’une théorie du système d’enseignement, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1970
[2] Bernard Lahire, Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires, Paris, Gallimard/Seuil, Collection Hautes Études, 300 p., 1995
[3] CRESAS : Centre de Recherche de l’Education Spécialisée et de l’Adaptation Scolaire qui faisait partie de l’INRP. Ce centre de recherche a étudié entre 1969 et 1999 les problèmes posés par l’échec scolaire massif que connaissent les enfants des milieux populaires et les moyens d’y remédier.
[4] Bernard Lahire, La réussite scolaire en milieux populaires ou les conditions sociales d’une schizophrénie heu-reuse, VEI-Enjeux, Les familles et l'école : une relation difficile, n° 114, septembre 1998, p. 104-109
[5] François Dubet, Les places et les chances: Repenser la justice sociale, Coll. « La République des idées », Seuil, 2010
[6] RESEIDA (Recherches sur la Socialisation, l'Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Ap-prentissages) : réseau interdisciplinaire de chercheurs issus de laboratoires français et francophones qui développe une approche relationnelle et contextuelle de la production des inégalités à travers les pratiques scolaires
[7] Jean-Yves Rochex, Jacques Crinon (dir.), La construction des inégalités scolaires. Au cœur des pratiques et des dispositifs d’enseignement, éd. Presses universitaires de Rennes, 2011
[8] Séverine Kakpo, Les devoirs à la maison. Mobilisation et désorientation des familles populaires, Paris 2012, Presses Universitaires de France, coll. « Éducation et Société » et KAKPO Séverine, Lire pour l’école à la maison. Des ressources familiales inappropriées, IN RAYOU Patrick (dir.), Faire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire, Presses Universitaires de Rennes, 2009