Le diamant langagier : une grille de lecture et un outil pour l’action en contexte multilingue
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1- Le paradigme de la complexité | 00:00 |
2- Que dit le prescrit ? | 07:41 |
3- L'apprentissage des langues : repères théoriques et cadre institutionnel | 14:58 |
4- Le diamant langagier | 30:10 |
5- Identifier et mettre en valeur le répertoire linguistique de la classe | 37:09 |
6- Utiliser les langues comme ressource d'enseignement-apprentissage | 44:41 |
7- Les autres facettes du diamant | 1:00:01 |
8- Une approche inclusive pour toutes les langues | 1:05:15 |
Le diaporama de la présentation de N.Auger
Le paradigme de la complexité
La pensée complexe "C'est Gaston Bachelard, qui a considéré la complexité comme un problème fondamental, puisque, selon lui, il n'y a rien de simple dans la nature, il n'y a que du simplifié.[...] la complexité surgit comme difficulté, comme incertitude et non comme clarté et comme réponse". E. Morin.(1982).Science avec conscience. Collection Points. p.163-165. |
Nathalie Auger présente l'approche du laboratoire l'HUMAIN de l'Université de Montpellier qui s’inscrit dans le paradigme de la pensée complexe (Edgar Morin). Elle propose de sortir de la binarité quand il s’agit de parler du plurilinguisme : cette vision positionne le plurilinguisme comme un problème ou comme une ressource. A cette binarité, elle préfère le paradigme de complexité qui englobe des opportunités d’apprentissage entre les langues et des phénomènes d’incompréhensions et de difficultés, et elle invite à penser la reliance entre les langues et les cultures (la reliance est une notion en sociologie qui désigne l'acte de relier, de créer des liens entre des personnes ou des systèmes).
Que dit le prescrit ?
Nathalie Auger décrit les multiples prescriptions sur les langages faisant l’objet d’un enseignement à l’école : la maîtrise de la langue, les pratiques langagières spécifiques aux disciplines, le langage numérique, corporel et artistique. En outre, les demandes institutionnelles sont quelquefois paradoxales : les élèves doivent par exemple maîtriser des langues vivantes et en même temps, les langues familiales ne sont pas forcément valorisées.
L’apprentissage des langues : repères théoriques et cadre institutionnel
L'interdépendance des langues : un exemple illustration du "double iceberg" Quand on s'approprie une nouvelle langue, on s'appuie sur les langues qu'on connaît déjà, on puise dedans pour réfléchir, agir et dire en L2. Par exemple, il est nul besoin d'être hispanophone pour comprendre cette phrase : "El numero n que se escribe de la forma 2k donde k es entero, es par ".Trad. Le nombre qui s'écrit sous la forme 2k, avec k entier, est pair .Mendonça Dias et Millon-Fauré (2021) "Mathématiques en français langue seconde et en langue étrangère" p72 Hachette FLE Le répertoire langagier "La notion de répertoire langagier, crée par le linguiste américain Gumperz en 1972, implique que l'expérience langagière d'une personne s'étend à la langue parlée à la maison, à un groupe social particulier ainsi qu'à l'école ou au travail.[...] Nous ne gardons pas ces langues dans des compartiments séparés : elles se construisent ensemble, les unes par rapport aux autres, se déplacent librement et constituent une compétence communicative à laquelle toutes les connaissances et expériences langagières contribuent.". N. Auger.(2021). Défis et richesses des classes multilingues. Construire des ponts entre les cultures. p.38 |
Nathalie Auger donne des repères théoriques et institutionnels sur l'apprentissage des langues.
- L’interdépendance des langues : les systèmes de deux langues sont interdépendants avec une compétence sous-jacente et des habiletés acquises pour une langue qui sont transférées à l’autre langue. Elle illustre l'interdépendance des langues et des expériences culturelles par "le double iceberg" de Cummins (1981). Par son modèle, Cummins illustre que la conscience métalinguistique et les processus cognitifs développés dans une langue peuvent être utilisés avantageusement pour l'apprentissage d’une seconde langue voire d’autres langues.
- Le répertoire langagier : on entend par répertoire verbal, langagier ou linguistique, l’ensemble des formes/variétés à disposition d’une communauté ou d’un locuteur
- Le plurinormalisme : c’est l’existence de plusieurs normes, de variétés intra et inter linguistiques . La variation intervient au niveau syntaxique, lexical et phonologique (les dialectes, les registres, les accents ...).
- Le concept de compétence plurilingue et interculturelle : Il est défini par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) et a permis un déplacement de paradigmes. Dans une approche globale et non pas segmentée de l’enseignement-apprentissage des langues et cultures, cette compétence reconnait le déséquilibre et l'incomplétude (temporaire ou pas) des compétences partielles, insiste sur les liens et non pas les séparations favorisant les circulations, les médiations entre les langues et cultures. La compétence est dynamique, évolutive, située et personnelle et intimement liée aux parcours de vie et aux biographies personnelles.
Enfin, N. Auger rappelle également que le cadre européen (Conseil de l'Europe) et international (ONU, UNICEF) définissent la diversité linguistique et culturelle comme un droit des élèves et des familles.
Les connaissances sur l’enseignement-apprentissage des langues, des langages et des pratiques langagières dans les disciplines concernent tous les élèves. Les élèves allophones ne sont pas seuls à être en difficulté avec le français de scolarisation. Pour la chercheuse, porter ce point de vue en formation permet de sécuriser les enseignants. Les langues et les normes sont abordées au service du français de scolarisation et donc au profit de tous les élèves.
Le diamant langagier
Les différentes facettes du diamant langagierLa métaphore du diamant, évoque différentes directions et ressources permettant aux élèves plurilingues de se sentir compétents et d’apprendre. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive d’actions à mener dans un ordre défini au sein des classes et des établissements mais plutôt des points de repères ou des directions à investiguer en fonction des contextes. N.Auger explicite plus particulièrement les deux premières facettes :
La chercheuse énonce ensuite les autres facettes du diamant langagier et des ressources associées dont les enseignants et les équipes peuvent s’emparer, sur la base de travaux et expérimentations menées avec des équipes
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Identifier et mettre en valeur le répertoire linguistique de la classe
La chercheuse met en avant la première facette comme une condition préalable à la mobilisation des autres facettes. Identifier et mettre en valeur le répertoire linguistique de la classe, permet ensuite de choisir et de mobiliser des ressources au service de l’apprentissage des élèves. Elle propose différentes activités à réaliser en classe qui permettent pour certaines de prendre en compte et de valoriser le plurilinguisme, et pour d’autres de mieux appréhender la langue de scolarisation ou les pratiques langagières d’une discipline. Elle développe plusieurs expériences d’utilisation de la biographie langagière.
Utiliser les langues comme une ressource d'enseignement-apprentissage
Après avoir identifié les langues, N. Auger propose de pouvoir les mobiliser avec deux familles d'activités :
- Les activités pour parler, écrire, lire les langues. Certaines ressources répondent à un besoin immédiat de communication avec les élèves plurilingues (tous moyens et outils permettant la traduction). Il s'agit d'un plurilinguisme spontané.
- Les activités pour parler sur les langues. La chercheuse évoque les activités métalinguistiques qui permettent de réfléchir sur les langues en comparant les langues notamment. Par exemple, le fait d'avoir recours au vocabulaire dans la langue de l'élève peut permettre à l’élève de mieux retenir le mot en français. Plus l'enseignant permet de réaliser des liens et des transferts, plus l'élève apprend rapidement la langue cible.
N. Auger alerte sur les dérives du « tout plurilinguisme » : par exemple, demander aux élèves d'avoir recours à un registre qu'il ne maîtrise pas dans leur langue. Elle s'oppose à une idéologie du plurilinguisme et prône une approche pragmatique qui considère le plurilinguisme comme levier d'acquisitions de compétences en langue de scolarisation visées par les programmes scolaires. Elle propose de tenir compte du fonctionnement de l'apprentissage chez les élèves plurilingues, par exemple utiliser les interférences (les erreurs liées au passage d'une L1 à une L2) comme une opportunité de prendre conscience des points communs et divergences des deux langues.
Utiliser les langues comme ressources : pour quels résultats ?
Les élèves sont plus actifs et renforcent leur capacité d'observation, d'analyse de mise en relation des langues. Les enseignants prennent conscience que les élèves ont des connaissances et des compétences utiles que l'on peut mobiliser. Cela implique pour eux une position qui peut être inconfortable, avec un nouveau rôle : aider les élèves à organiser leurs connaissances. La chercheuse développe des exemples de mobilisation des langues des élèves dans différentes disciplines et les opportunités d’apprendre dans la langue de scolarisation en faisant un détour par d’autres langues.
Une approche inclusive pour toutes les langues
Le modèle du diamant langagier est pensé comme un outil pour agir avec différentes directions à investir en classe et au sein d’un établissement. Les différentes facettes peuvent constituer des points de repères pour engager un dialogue dans un établissement, mettre en discussion l’existant, le rapport aux langues en contexte multilingue. Nathalie Auger se revendique d'une approche inclusive pour toutes les langues et insiste sur les reliances possibles entre elles et sur la valorisation des expériences multiples.
Une ressource complémentaire pour la formation L'équipe sous la direction de Sofia Stratilaki-Klein, chercheuse en sciences du langage à l'université Paris-Sorbonne-Nouvelle et Claudine Nicolas, professeure des écoles chargée de mission de formation au Casnav de Paris, propose à partir d'un rapport scientifique (PLINSCO) un guide de formation pour identifier et mettre en valeur le répertoire linguistique des élèves et pour utiliser les langues comme ressource pour apprendre la langue française (La prise en compte du plurilinguisme dans l'inclusion scolaire) en quatre modules :
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