les "petits parleurs" au cœur de la classe
S'adresser aux petits parleurs
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Qui sont les petits parleurs ? | 00:00 |
Trois enfants, trois catégories | 01:30 |
Des situations d'interactions variées | 02:23 |
Des gestes professionnels de bienveillance | 04:38 |
Qui sont les "petits parleurs"?
Yseult Béjannin se réfère ici à la classification d’Agnès Florin (1985) quant aux statuts langagiers des élèves (voir aussi : références théoriques).
« D’après ses observations en classe et les occurrences de prise de parole des élèves lors des temps consacrés à l’apprentissage du langage, la chercheuse propose trois grandes catégories : les petits parleurs, les moyens parleurs et les grands parleurs. Plusieurs paramètres peuvent expliquer ces différences : culturelles, cognitives, psychologiques. Comme l’apprentissage du langage requiert de l’entraînement, l’enseignant pourra mettre en place des dispositifs donnant l’occasion aux petits parleurs de s’entraîner, donc d’être exposés à des temps de prise de parole organisés et de progresser dans cet apprentissage, dans ses différents registres et fonctions.»
Trois élèves, trois catégories
Yseult Béjannin décide d'observer trois élèves en particulier :
« Parmi mes élèves, j’ai basé mes observations sur trois élèves que j’avais identifiés comme "petit parleur", en supposant qu’il l’était pour des raisons différentes : une élève très timide et réservée, qui n’a adressé la parole à aucun adulte pendant longtemps ; un élève au comportement parfois violent et qui semblait se désintéresser de l’école ; une élève nouvellement arrivée en France, allophone. »
Ce choix renvoie à une catégorisation des "petits parleurs" selon des critères de paramètres isolés, tout en sachant que dans la réalité ces paramètres sont souvent enchevêtrés.
- l' élève inhibé : prédominance du paramètre psychologique ;
- l'élève en difficulté d’apprentissage et/ou de comportement : prédominance du paramètre cognitif et du rapport à l'école ;
- l'élève allophone : prédominance du paramètre culturel et linguistique.
Des situations d'interactions variées
Yseult Béjannin explique ce qu'elle a mis en place dans sa classe pour stimuler le langage de ces élèves, et elle analyse ici des verbatims extraits de ces activités.
« En classe, j’ai donc volontairement mis mes petits parleurs dans des situations d’interactions variées : en relation duelle avec moi-même, en petit groupe, et en groupe-classe. J’ai cherché à réguler les échanges lors de situations de groupes, à en modifier les règles pour leur laisser une place : droit de répéter ce qu’un autre a dit, par exemple. »
Des gestes professionnels de bienveillance
Yseult Béjannin poursuit en analysant comment sa propre posture professionnelle a eu des effets sur les prises de parole des élèves, avec de nouveaux exemples de verbatims.
« Avec mes propres élèves, je considérais toutes les formes de communication de façon égale, et je les acceptais toutes. Par exemple, je leur offrais des façons de pouvoir communiquer sans parler, avec des marottes et des petits exercices théâtraux. Ils se saisissaient ainsi de ces occasions de communiquer non-verbalement et se savaient acceptés. »
Document complémentaire : dispositifs pédagogiques
En complément, Yseult Béjannin développe ici le détail des deux dispositifs qu'elle a choisi de mettre en place dans sa classe, conçu à partir de ressources existantes, en adaptant les références au contexte de sa classe. (voir aussi : pour aller plus loin, dispositifs pédagogiques)
Lecture d’album suivie d’un dialogue collectif |
Atelier langage avec des marottes |
Des compétences travaillées utiles aux petits parleurs
Des règles conversationnelles favorables
Une posture de l’enseignant favorisant
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Un dispositif qui permet le langage non-verbal
Un dispositif qui allège la charge cognitive
Un dispositif moteur d’expression
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Une expérience concluante
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Des progrès constatés pour les élèves | 00:00 |
Une démarche de recherche-action qui espère être utile à tous | 01:10 |
Des progrès constatés pour les élèves :
Yseult Béjannin développe ici l'évolution constatée pour toute sa classe, et pour chacun des élèves observés :
"L’expérience s’est avérée très positive pour tous mes élèves, petits parleurs ou non puisque chacun a su se saisir des règles conversationnelles mises en place selon ses besoins et ses compétences. Ainsi, les interventions des grands et moyens parleurs se sont enrichies tant au niveau du lexique que de la syntaxe et les élèves ont même mis en place un étayage de leurs interventions respectives. De façon générale, les élèves ont su se saisir de l’espace de parole qui leur était offert, puisque libéré par l’enseignante."
"En ce qui concerne les petits parleurs, leurs interventions se sont, globalement, multipliées et ont également gagné en qualité."
Selon leur profil langagier, les élèves ont tiré profit différemment de chaque dispositif, en investissant les règles selon ce dont chacun avait le plus besoin "
"Et, séance après séance, intervention après intervention, ces trois élèves ont bel et bien progressé, même en grand groupe."
Document complémentaire: Portraits d'élèves
N. était un élève qui ne semblait pas s’intéresser aux activités proposées en classe et qui ne souhaitait presque jamais y prendre part. Il présente au regard des autres un décalage dans ses compétences langagières, et c'est pourquoi il a été ciblé "petit parleur ". Suite aux dispositifs mis en place dans la classe, il s’est progressivement impliqué à l’oral lors de nos temps d’échanges, que cela soit en relation duelle avec l’enseignante (jeu des marottes) ou avec ses pairs . Après quelques séances en grand groupe, il a su se saisir de la règle du droit à la répétition comme prétexte à ses premières interventions, puis a été finalement capable de contribuer aux échanges en y apportant des éléments nouveaux. |
S. est une élève que j’ai catégorisée "petite parleuse" car elle m’a paru très inhibée et très timide. Elle semblait impressionnée par les adultes de l’école, à qui elle n’osait pas s’adresser, mais était également plutôt solitaire. En classe, S. avait besoin de prendre confiance en elle et d’apprendre à oser prendre la parole. S. a particulièrement profité du jeu des marottes. Le fait d’être seule avec l’enseignante et en terrain familier (elle connaissait déjà l’histoire) a été un élément déterminant dans la confiance qu’elle a développée en l’adulte et en elle-même. Une fois cette confiance établie, de retour en grand groupe, S. a commencé à prendre la parole. Ses interventions portaient d’abord beaucoup sur les illustrations, puis petit à petit, S. a su quitter cette zone de confort (par exemple en essayant de deviner la suite de l’histoire) et ses prises de parole ont non seulement gagné en quantité, mais aussi en qualité. En parlant plus, S. a parlé mieux. |
C. est une élève allophone arrivée en cours d’année . Sa situation de "petite parleuse" est logiquement directement liée au fait qu’elle ne parle pas la langue de scolarisation. Elle avait du mal à maintenir son attention, quelles que soient les activités proposées et les configurations (groupe restreint, binômes, groupe classe ). Elle interagissait également peu avec les autres élèves. Pourtant, elle a montré plusieurs fois vouloir participer davantage, mais elle était freinée par sa situation d’allophone. |
Une démarche REFLEXIVE qui espère être utile à tous
Dans sa conclusion, Yseult Béjannin s'adresse à ses collègues qui débutent dans la pratique professionnelle. Elle souhaite que son travail soit utile et utilisable pour une meilleure compréhension des élèves "petits parleurs". Elle décrit le développement professionnel acquis par cette démarche de réflexivité.
" Cette expérience vécue lors de ma formation initiale a marqué mes gestes professionnels. Elle influence beaucoup ma pratique aujourd'hui, et je pense, pour longtemps"
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