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PDMQC : évaluer l'aide apportée aux élèves de cycle 2 en REP

Par Patrick Picard publié 19/06/2017 18:55, Dernière modification 21/06/2024 10:51
Conseillers pédagogiques à Cluses (74), Aude Valéro et Eric Sonzogni ont mis en place les conditions de l'accompagnement et de l'évaluation du travail mis en oeuvre avec les écoles travaillant dans le cadre du dispositif "Plus de maitres que de classes". Verdict en graphiques.

CLuses formNous connaissons tous les difficultés à évaluer l’impact de notre travail, en éducation prioritaire sans doute encore plus qu’ailleurs. L’idée simple est évidemment de mesurer les progrès entre un moment A et un moment B. Mais toute personne qui a déjà essayé de faire ce travail avec éthique, c’est à dire sans la volonté de plier les résultats à des hypothèses toutes faites qu’il faudrait à toutes fins valider, sait que de nombreuses variables jouent :

  • la mobilité des élèves qui fait qu’entre les élèves évalués en A et ceux qu’on retrouve en B, on a souvent une disparition d’élèves avec qui on a travaillé, et une apparition de nouveaux qu’on retrouve dans le panel évalué sans qu’ils aient bénéficié de l’enseignement du cursus ;
  • les impondérables liés aux cohortes d’élèves qui font qu’on a chaque année des « effets-classe » considérables ;
  • les nominations ou les mobilités d’enseignants qui font que les modalités d’enseignement peuvent varier, indépendamment des dispositifs mis en place (APC, PDMQC, CP à 12) et de formations-accompagnements engagés.

Pour résumer, toute évaluation de cohorte, lorsqu’elle cherche à mesurer les progrès réalisés entre un moment A et un moment B, mesure de manière très difficilement distinguable les effets liés aux élèves eux-mêmes et à leur environnement familial et social, ceux liés aux effets « classe » (modalité, style et contenu lié à l’effet « enseignant·e »), ceux liés aux effets « école » (notamment les règles et habitudes de l’école, notamment le climat scolaire), ceux liés aux dispositifs visant à aider les élèves, ceux liens aux rythmes scolaires journaliers et annuels, ceux liés à la formation continue mise en œuvre sur le territoire, au soutien de la circonscription… Toute autre vision simpliste ne peut être selon nous que ridicule.

D’où la modestie de nos propos à venir sur le travail réalisé dans notre circonscription. Nous savons ce que nous avons essayé de faire, nous nous sommes donnés les moyens d’avoir des résultats chiffrés, mais nous serons modestes sur les corrélations entre les deux…

Isoler les variables ?

Lorsque nous avons tenté d'évaluer l'impact des dispositifs « Plus de maîtres que de classes » sur les apprentissages des élèves dans les écoles de notre circonscription, nous avons vite compris qu'il était impossible d'isoler le travail effectué au sein de ces dispositifs du reste du travail des élèves.

En partant de ce constat, nous avons donc décidé de mesurer l'évolution des cohortes d'élèves entre le début du CE1 et la fin du CE2 en classant les élèves dans les quatre niveaux de compétences utilisés pour valider le socle commun (maîtrise insuffisante, maîtrise fragile, maîtrise satisfaisante et très bonne maîtrise).

L'hypothèse à vérifier étant que l'ensemble des aides apportées aux élèves (différenciation en classe, APC, RASED, dispositif PDMQDC) permettait aux élèves les plus en difficultés de progresser. Afin de cibler davantage le dispositif  PDMQDC, nous avons construit des évaluations autour des compétences les plus travaillées par les M+ : compréhension orale et écrite, production écrite, numération et résolution de problèmes. En creux, une absence significative de progrès en deux ans signifierait que, tous dispositifs confondus, les écoles ne sont pas capables de faire progresser les élèves en difficultés. Autrement dit, ni les pratiques de classe, ne les dispositifs mis en œuvre ne seraient utiles aux élèves en difficultés.

Méthode

Chaque école a donc soumis ses élèves à nos évaluations en début de CE1 (rentrée 2016) et en fin de CE2 (fin année scolaire 2017-2018). Ces évaluations permettent donc à chaque école de connaître précisément l'évolution de chacun de ses élèves.

En circonscription, nous avons recueilli l'ensemble des résultats anonymés et nous les avons traités pour mesurer l'évolution des cohortes sur deux ans. Cela représente un panel de 315 élèves.

Afin d'étalonner nos évaluations, nous les avons également faites passer dans des classes hors REP, ce qui nous a permis de mesurer les écarts REP-Hors REP pour chaque item.

un travail collectif accompagné par la circonscription, entre les deux bornes d'évaluation

Après le passage des évaluations de début CE1, les équipes enseignantes, les M+ et les formateurs avaient pu mesurer les points à travailler en priorité. Il ressortait nettement que la compréhension écrite, la production écrite, la numération et la résolution de problèmes devaient être interrogés. L'accompagnement de circonscription a consisté à mettre en œuvre des actions de formation continue dans ces différents champs, notamment sur l'enseignement explicite de la compréhension et l'accès à l'implicite.

Ces formations ont été dispensées à la fois aux enseignants des classes et aux maîtres surnuméraires. La spécificité du travail conduit a résidé dans le fait que les formations ont été organisées de manière à ce que les équipes entières de cycle 2 participent ensemble aux mêmes sessions, ce qui permettait selon nous d'espérer améliorer la cohérence des pratiques au sein de chaque école.

 D'autre part, le collectif des M+ créé début 2016 a permis des échanges d'outils et de pratiques qui ont diffusé sur l'ensemble des écoles. Ce collectif de M+ a pu se réunir à raison de cinq demi-journées annuelles sur les deux années de l'expérimentation.

Pour conclure, nous pouvons observer précisément, à l'échelle de la circonscription et dans différents champs d'apprentissage, que l'ensemble des dispositifs mis en œuvre dans les écoles REP (RASED, APC, Plus de maîtres que de classes) en appui des enseignements a été profitable aux élèves notamment à ceux très en difficultés (maîtrise insuffisante, en orange dans les graphiques ci-dessous). 

Des résultats différents selon les champs de compétences

(ci-dessous) Concernant la compréhension orale d'un texte,  la part du groupe d'élèves les plus faibles reste à peu près stable : on ne réussit pas à diminuer significativement le nombre d'élèves en « grande difficulté » durant les 2 années de CE1 et CE2. Par contre, la proportion d'élèves "bon compreneurs à l'oral" est en forte hausse : le travail mené en compréhension orale semble avoir des effets notables. Les élèves des groupes intermédiaires ("fragile" et "satisfaisante") ont bénéficié favorablement des enseignements, des APC et du PDMQDC (PACTE). 

écart REP-HORS REP compréhension orale de texte :  -6,4

ClusesComprExpl

Ci-dessus, en compréhension écrite explicite, la proportion des élèves très faibles est en forte baisse en fin de CE2 : les élèves faibles ont bénéficié favorablement des actions menées en classe, des APC, du RASED et du PDMQDC (PACTE).

58,8% des élèves se situent entre Q2 et Q3 contre 36,7 en début de CE1 : le niveau des élèves s'est homogénéisé

Le travail de formation des maîtres et des M+ entrepris depuis plusieurs années dans la circonscription semble avoir des effets.

écart REP-HORS REP Compréhension explicite -14,6

 

L'évolution la plus spectaculaire !

La prise de conscience par les enseignants suite aux évaluations de début CE1 du déficit d'enseignement de la compréhension (notamment sur les aspects implicites des textes) a conduit à une mobilisation des maîtres et des M+ pour tenter de remédier : le résultat (ci-dessous) est probant. Les actions des enseignants et des M+ ont donc été efficaces. Le travail de formation des maîtres et des M+ entrepris depuis plusieurs années dans la circonscription semble avoir des effets : on réduit des deux tiers les élèves en maitrise insuffisante ou fragile, et les élèves en "maitrise insuffisante" passent de 38% à 4% !

écart REP-HORS REP Compréhension implicite -4,9

ClusesComprProdEcrit

(ci-dessus) Le passage à l'écrit, tâche complexe, reste le domaine prioritaire à renforcer. Les actions de formation des années à venir devront porter fortement sur la production écrite dans toutes ses dimensions. En effet, seuls 4 élèves sur 10 sont suffisamment armés à l'entrée du cycle 3 sur cette question de l'écrit avec un écart considérable entre REP et Hors REP. L'enjeu du cycle 3 sera donc de combler une partie de ce décalage pour ces élèves. L'enseignement au cycle 2 doit être renforcé (les tâches d'écriture ont-elles été investies hors des interventions PDMQDC (PACTE) ?)

écart REP-HORS REP Production écrite -28,9

(ci-dessous) Concernant la numération, l'action des enseignants, du RASED, des M+ donne des résultats visibles. 4 élèves sur 10 restent cependant en difficulté à l'entrée du cycle 3 en numération. Des actions de formation sont à prévoir et une différenciation au cycle 3 pour permettre aux élèves en difficulté de retrouver un niveau satisfaisant et de réduire les écarts avec les écoles hors-REP. Nos résultats sont cohérents avec ceux de la DEPP qui analyse les résultats de CEDRE 2014 (dossier n°208 de novembre 2017) pointant un pourcentage équivalent d'élèves en difficultés en numération (environ 40%). 

écart REP-HORS REP Numération -16,4

ClusesMaths

(ci-dessus) en résolution de problèmes, les progrès des élèves sont très significatifs. L'écart REP / hors REP est très réduit, ce qui est remarquable pour une compétence complexe comme la résolution de problèmes. L'action des enseignants, du RASED et des M+ qui se sont mobilisés suite aux évaluations de début de CE1 a réellement porté ses fruits. 4 élèves sur 10 demeurent tout de même en difficulté sur cette question à l'entrée au cycle 3. Il va de soi que cela reste prioritaire en formation et en enseignement. Un travail qualitatif est mené pour comprendre si ce sont les mêmes élèves qui sont en difficulté en numération et en résolution de problèmes.

écart REP-HORS REP  Résolution de problèmes 10,3

Les résultats les plus probants se situent donc sur les compétences de compréhension de l'écrit et de résolution de problèmes.

L'hypothèse de départ est donc validée. Le travail des équipes enseignantes, en coordination avec les M+ et des réseaux d'aide a été efficace dans ces écoles. Il l'est d'autant plus qu'il est articulé avec le travail ordinaire de la classe. Toutefois cette articulation, concernant le réseau d'aide, gagnerait à être davantage pensée au sein des conseils de cycle et de la formation. De même, des champs comme la production d'écrit devraient être investis par les enseignants des classes et les enseignants surnuméraires afin de coordonner les enseignements et de fournir un temps suffisant de pratique et des tâches variées aux élèves.

Comme indiqué en début d'article, nous ne sommes pas en mesure de préciser la part de quelle variable a été profitable. Mais la conjonction des efforts de tous a été efficace pour les apprentissages des élèves. Et c'est l'essentiel, dont nous sortons confiants dans nos pouvoirs d'intervention, sur les domaines d'acquisition à renforcer encore dans les années à venir, en collaboration dans les équipes d'écoles.

Aude VALERO & Eric SONZOGNI, Conseillers pédagogiques circonscription de CLUSES (74)

 

NDLR : un autre travail réalisé dans le département de Loire-Atlantique propose ici des constats et une réflexion sur l'effet du dispositif PDMQC et les enseignements tirés pour le dispositif "CP à 12"