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Faire des mathématiques en co-enseignement : une aide pour penser les mathématiques

Par mjampy — publié 20/03/2015 09:35, Dernière modification 21/06/2024 10:55
Enseigner la géométrie à deux enseignants dans la classe en REP à Vaulx en Velin dans le cadre du dispositif plus de maitres que de classes. Préparer, conduire la séance, évaluer... Le dispositif PDMQDC est-il une condition pour permettre de rentrer dans une analyse didactique fine de ce qui se joue dans la séance ? Neuf extraits vidéos sont proposés ici pour discuter en formation de ces questions.

Etude d’une séance pédagogique à l’école Gagarine

Géométrie : droites et intersections de droites
cycle III - Vaulx-en-Velin

Le travail de prise de vue et de conduite d'entretien a été réalisé par Brigitte Jezequiel et Noëllie Baudino, conseillères pédagogiques à Vaulx-Velin, en 2014, dans le cadre de leur travail d'accompagnement de circonscription. Merci à Pauline,  "maitresse plus", Emmanuelle Larchet, enseignante de CIII, et François Bachelet, enseignant de CIII. 

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Ce qui ressort de l’entretien

La thématique de travail conjoint maître de classe-enseignant surnuméraire est centrée sur la mise en mémoire et en compréhension d’une phrase (“Le point est l’intersection de deux droites”) et la bonne utilisation des outils institutionnels (ici la règle pour tracer une droite ou pour vérifier que des points sont alignés). Cette séance fait suite à une autre, qui a eu lieu dans la cour, où des équipes d’élèves devaient aligner des points, représentés par des plots.

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Une connivence professionnelle


Les deux enseignantes (MC et MS) expliquent que l’entrée en tâche ne suscite pas de remarques particulières car cette entrée est ritualisée, les élèves savent ce qui est attendu par les enseignants. Les deux enseignantes peuvent alternativement présenter la tâche.

« Ils sont habitués à avoir un rituel d’exercices, donc on a pas beaucoup de chose à dire, ils savent» (MC).
« Généralement c’est l’une ou l’autre qui présente, ce n’est pas trop défini ça ».  (MS).

Elles expliquent que les rôles ne sont pas définis à l’avance, mais “installés” :

« P. est souvent au tableau pour les explications et souvent j’essaye de relancer la classe pour que les élèves puissent verbaliser ce qu’elle est entrain de faire».  (MC).

Dilemme dans le choix d’une proximité élève-enseignant 

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Après avoir lancé la tâche, les enseignantes se laissent la liberté de choisir les élèves qu’elles veulent aider, stratégie renforcée par l’idée qu’en géométrie, il est nécessaire de valider l’utilisation adéquate des outils, et que des élèves pressentis ont besoin de ce rapprochement.

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« Là, clairement, je peux passer du temps avec cet élève. Là les élèves sont au travail et on circule toutes les deux à ce moment là. Je peux passe ce temps là parce qu’on est deux. En géométrie c’est le premier avantage » (MS).

« En géométrie cela nous permet de vérifier, si les outils, ils les utilisent correctement et à bon escient et s’ils le font par mimétisme et ne comprennent pas ce qui se passe, donc cela permet une bonne validation de l’utilisation des outils » (MC).

Isoler un groupe d’élève en difficulté ne leur parait pas pertinent, pour des raisons d’organisation spatiale ou des perturbations pédagogiques et organisationnelles potentielles :

« Le message, il passe au début de la séance et à la fin, on se fait un point sur les quelques élèves qu’on doit aller voir plus fréquemment, c’est vrai qu’on les a rarement isolés au fond de la classe, sachant qu’on intègre des élèves de la classe de CM1, qui est à double niveau, et que l’espace est bien occupé, en fait ce jour là » (MC).

Dans des situations d’enseignement à deux voix, la question de la mise à disposition d’un enseignant pour étayer un élève ou un petit groupe d’élèves en difficulté avec des faits de langue ou autre, ne leur parait pas complètement pertinente, du fait des interférences entre les paroles enseignantes :

« Après, je pense qu’au niveau de l’espace, c’est peut-être intéressant de les avoir au fond ou au moins au coin de la classe. Moi, j’ai l’impression que ça peut-être parasite, l’enseignant qui passe et qui parle pour le voisin, à un élève individuellement » (MS).

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Cette intervention soulève la question de l’organisation de la salle de classe. Derrière un choix d’installation, les intentions pédagogiques  peuvent faire l’objet de discussions pour trouver des compromis satisfaisants en fonction des situations qu’on propose dans la classe.

Cette situation de proximité, lors d’un temps d’énonciation professorale, est connue dans le cadre des interventions des maîtres RASED et crée parfois des perturbations :

« C’est vrai que parfois, c’est pas forcément facile d’avoir une maîtresse au fond, avec trois élèves en train de parler en permanence » (MC). 

Partager la situation d’enseignement pour renforcer le vécu commun

Travailler à deux leur permet de dédoubler les tâches de l’enseignant, par exemple une parle et explicite une procédure pendant qu’une autre trace au tableau. Elles veulent limiter les temps “morts” afin de mobiliser les élèves dans l’activité.

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«Alors là, on a régulièrement ce rôle, où il y en a une qui, comme c’est de la géométrie, trace au tableau et l’autre qui essaye de mobiliser les élèves pour expliquer les procédures ou comment utiliser les outils » (MC).

Lorsqu’on leur demande si ce temps d’enseignement aurait pu être fait seul, elles estiment que la présence conjointe en classe leur permet d’être plus cohérentes dans les situations proposées dans une séquence d’enseignement, même si le co-enseignement n’apparait pas indispensable :

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« C’est un temps de discussion, on essaye d’élaborer une phrase ensemble qui ait un sens et qui veut dire quelque chose avec le vocabulaire de la géométrie. Donc effectivement là, c’est moins évident d’être ensemble. Mais si on les fait pas ensemble aussi, le maître supplémentaire ne va vivre que certains moments de la géométrie, il ne va pas être dans le coup» ; «cette séance là, si on la fait en dehors du moment où on a un maître supplémentaire, après, dans la coordination et le vécu de ce qui s’est passé, en géométrie, il y a un souci» (MC).

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Le temps de co-enseignement correspond aussi à une expérience professionnelle partagée qui permet d’alimenter le débat pédagogique et didactique, à partir d’un vécu commun. A travers cette discussion, on perçoit qu’elles construisent de la pensée et des projections sur les prochaines séances.

L’évaluation de la séance par les deux enseignants

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Le bilan post-séance (qui permet d'entrer dans la préparation de la séance suivante) est l’occasion de revenir sur le cas d’élèves rencontrant des difficultés portant sur l’utilisation du vocabulaire institutionnel et d’orienter les futures tâches du rituel sur cet aspect : 

«J’ai vu qu’I. était bien perdu, de ce que cela voulait dire, et A., A. s’en est tiré finalement sur la fin mais pour I. c’était compliqué. Je sais pas, c’est quelque chose qu’on doit revoir, ça fait, comment, trois fois, non?» (MS).

«Alors, je pense qu’on va continuer à donner des exercices en rituel» (MC).

«Par contre, je trouve que, pareil, sur le vocabulaire, c’est encore difficile, quel mot utiliser ?, “dans”, “sur”, “par”, il y a encore un qui me disait, A. me disait, il y a des traits plutôt que des droites, donc je pense que peut-être le rituel, maintenant, il va être plus d’écrire une phrase» (MC).

C’est aussi l’occasion de faire un bilan global positif dans les objectifs de rituel que s’étaient assignés les enseignantes.

«J’ai trouvé, en dehors de ces quelques élèves, j’ai trouvé qu’ils s’en sortaient pas trop mal, parce qu’il cherchaient tout de suite un croisement» (MC).

«Au niveau du codage, je n’ai pas vu de grosses erreurs sur le codage des points [...]Il n’y a pas eu ce genre d’erreur qu’on a vu la dernière fois » (MS).

Au vu de ces éléments, leur discussion leur permet progressivement de se fixer de nouveaux objectifs, notamment en limitant les temps de tracés pour renforcer le temps à produire du langage sur les situations, pour accéder aux concepts et à la maitrise du vocabulaire, notamment sur le fait que l'intersection de deux droites est bien un point. 

Description de la séance

Segmentation de la séance filmée

 

Tout au long de la séance, la classe est organisée en tables alignées donnant sur le tableau noir.

Temps 1 (0-50”) : MS demande à un élève de lire la demande rédigée sur une feuille polycopiée :

“ Place un point D de façon à ce qu’il soit aligné avec les croix et alignés avec les ronds”

Elle dit à la classe “Regarder” et “Lire la consigne” 

Temps 2 (1’40”-2’10”) : MS intéragit avec un élève qui trace une droite avec un crayon.

Temps 3 (2’45”-3’05”) : MS trace au tableau, MC décrit oralement la procédure et invite les élèves à “dire ce qu’elle doit faire “ (parlant de MS).

Temps 4 (3’50”-4’20”) : MS trace au tableau, une élève décrit oralement la procédure

Temps 5 (4’20”-4’35”) : MC énonce un concept de la droite “On ne s’arrête pas au point [...] une droite n’a pas de début pas de fin” . Simultanément la MS trace au tableau (des représentations de segments). 

Temps 6 (4’35”-5’10”) : MC entame un cours dialogué avec les élèves pour élaborer une phrase comportant le vocabulaire qu’elle souhaite stabiliser.

Temps 7( 5’10”-6’25”) : MC lance une nouvelle demande “Comment on a trouvé le point D ?” avec le désir de faire émerger le vocabulaire institutionnel, MS écrit le mot “intersection”. 

Temps 8 ( 6’25”-7’45”) : MC relance une nouvelle demande “A l’intersection de quoi ?”. Les élèves proposent différents mots (“entre”,”sur”,“croisement”, “croisement des ronds et des croix”. Finalement suite à une métaphore routière, le mot “intersection” apparaît de nouveau. 

Temps 9 (7’45”-8’10”) : MS s’appuie sur une remarque d’un élève pour reconvoquer la séance précédente où les élèves ont fait des tracés dans la cour. Elle demande aux élèves de se souvenir et rappelle l’analogie entre cette situation et le dessin tracé au tableau.  

Analyse de l’énonciation de la tâche première. 

La tâche première est susceptible de créer plusieurs obstacles didactiques.
Dans leur consigne même, pour différencier les points des deux droites, les enseignants ont choisi d’utiliser les termes “croix” et “ronds” pour désigner des points. On peut se demander si c’est un obstacle pour que les élèves puissent les identifier comme des “points nommables”, comme pourra l’être le point D qui est l’intersection des deux droites. Cette difficulté didactique émerge explicitement quand un élève dit au temps 7 : “est sur le croisement des ronds et des croix” en parlant du point d’intersection des deux droites désignées par les “ronds” pour l’une d’elle et “croix” pour l’autre.
 
Le problème majeur est sans doute que le concept de droite n’étant pas installé comme un ensemble de points alignés (et c’est normal à ce niveau de classe), il est difficile de donner un statut à un seul point de la droite (le point d’intersection). Cela explique peut-être que certains élèves surimpriment une croix désignant le point d’intersection de deux droites (difficulté soulevée par la MC). On comprend bien les raisons pour lesquelles les enseignantes choisissent cette terminologie (différencier les points qui sont sur les deux droites), mais ce “compromis” est susceptible de créer des difficultés, notamment dans l’utilisation du “vocabulaire mathématique” qu’elles utilisent dans la consigne, et pour permettre aux élèves de construire le concept de point.
 

Déphasage des milieux pour la validation.

Il est intéressant d’utiliser le concept de milieu issu des travaux de Guy Brousseau, pour penser la validation. Le milieu est constitué des objets (physique, culturel, sociaux, humains) avec lesquels le sujet interagit dans une situation. (« chaque connaissance doit naître de l’adaptation à une situation spécifique » (Brousseau, 1986/1998 p. 49) ou encore : « L’élève apprend en s’adaptant à un milieu qui est facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres, un peu comme le fait la société humaine. Ce savoir, fruit de l’adaptation de l’élève se manifeste par des réponses nouvelles qui sont la preuve de l’apprentissage. » (Guy Brousseau, 1986/1998, p. 59)) . Penser la validation par l’élève des réponses qu’il propose, c’est penser ses modalités, ses aménagements, envisager sa suspension, évaluer sa pertinence et son utilité au service de l’institutionnalisation.

On peut considérer que dans ce genre de situations, des “déphasages” peuvent exister entre :

    •    les pensées de l’élève : ce qui le conduit à agir et à valider ses actes, 


    •    ce qu’a en tête l’enseignant, 


    •    les outils mis à disposition de l’élève pour réaliser les tâches


On le perçoit dans plusieurs moments de la séance, par exemple :

    •    dans le temps 2, quand l’élève utilise un crayon pour valider son alignement et que l’enseignante le renvoie aux instruments institutionnels que sont la règle ou l’équerre.  On peut envisager que la préoccupation de l’enseignante à ce moment est guidée par sa connaissance des programmes (socle commun, compétence 3 : “effectuer des tracés à l'aide des instruments usuels (règle, équerre, compas, rapporteur)”), tandis que la préoccupation de l’élève est centrée sur la réussite de la tâche.


    •    dans le temps 4, le tableau noir et la présence visuelle de l’intersection des deux droites sert de milieu de validation pour identifier l’intersection des deux droites. 


    •    dans le temps 6 et 7, la parole de l’enseignant qui valide la bonne énonciation fait partie de ce milieu de validation.


    •    dans le temps 8, la MS évoque l’activité pédagogique avec les plots dans la cour d’école, aux élèves, cette convocation du vécu sert de milieu de validation dans son discours. 


On ressent que les enseignantes sont à la fois préoccupées par le vocabulaire (tant en français qu’en langage mathématique), les outils et leur utilisation, la précision des tracés. Donc, on pourrait proposer qu’une des pistes possibles soit de se recentrer sur quelques concepts essentiels, quitte à faire momentanément le deuil sur d’autres aspects du programme :

    •    une droite est “infinie”


    •    une droite est composée d’une infinité de points


    •    le point
 

Dilemme entre concept et procédure. 

Lors du temps 5, le concept d’infinitude de la droite est énoncé, en contradiction avec le geste de la co-enseignante qui ne trace que des représentations bornées de droites. Ce fait est général et concerne tous les enseignants lorsqu’ils travaillent la géométrie. Ce problème, s’il n’est pas explicitement pointé par l’enseignant, ne saute pas aux yeux, ni aux oreilles des élèves. L’enseignant prend appui sur cet argument, “une droite est infinie”, pour justifier l’idée qu’il ne faut pas s’arrêter à une croix ou à un rond. Il y a là un paradoxe entre ce qui est énoncé oralement et ce qui est dessiné au tableau. Il y a là un enjeu important puisqu’il s’agit d’un glissement qui s’opère entre des actes nécessairement finis et une parole qui porte en elle un concept. 

Il nous semble intéressant de prendre en charge cette question dans la classe, à la mesure des possibilités des élèves de cet âge : “Peut-on parler d’infini à l’école ? Peut-on tracer l’infini ? Peut-on penser l’infini ? Comment ? Quand ? Peut-on mettre en scène l’infini ?” 

Mots polysémiques, maux pédagogiques. 

Le mot “intersection” est polysémique. Durant le temps 8, la métaphore des routes qui se croisent propose une image qui a pour objectif de clarifier le concept. Dans ce contexte, cette métaphore génère l’usage d’une multitude de prépositions, adaptées  dans le langage usuel (“sur”, “dans”, “entre”, “de”), mais qui ont un sens spécifique en mathématique. Cette tension est inhérente à de nombreux mots utilisés en mathématiques (“échelle” sur une carte, “cube” en géométrie). Cette question  est saillante et rarement posée entre collègues ou dans la classe : à quel moment installe-t-on une métaphore ? Pour nourrir quel versant du concept ? Dans les programmes, il ne semble pas y avoir d’enjeu autour de ces questions puisqu’il n’y a pas d’attentes d’explicitations de ces termes.  

Guy Brousseau écrit sur ce point :

“ Le créateur de la notion d’obstacle épistémologique, Gaston Bachelard, ne croyait pas qu’il puisse y avoir d’obstacles de ce genre en mathématiques. La théorie des situations didactiques a permis de prévoir des obstacles didactiques en partant des obstacles épistémologiques historiques et de les expliquer. Nous en avons déduit que la conception d’une progression continue des enseignements par adjonction de savoirs avec le même vocabulaire et le même sens « de la maternelle à l’université » était contradictoire. Elle conduit à se limiter localement à des enseignements formels dont le sens incontrôlé crée des obstacles qui à terme conduisent à des échecs que nous avons identifiés et montrés. L’idée séduisante des « socles » qui pourraient être acquis définitivement, indépendamment de leur sens et des usages qui en seraient faits ultérieurement, relève de la même erreur.”

in Brousseau Guy, « La théorie des situations didactiques en mathématiques », Education & didactique 1/ 2011 (vol. 5), p. 101-104 

Topologie versus géométrie.

 
Le temps 8 est marqué par une discussion autour des mots “sur”, “dans”, “entre”, “croisement” qui relèvent du champ de la topologie (cf. livre de François Boule “questions sur la géométrie et son enseignement”, Nathan pédagogie). Et alors ? Le point est “sur” la droite (deux objets distincts) ou “dans” la droite (relation d’inclusion) ou entre les deux droites (définition d’une portion de plan) ? Ces questions effleurent la question de la représentation d’une droite. Plusieurs pistes de réflexions à proposer aux enseignants :  “si vous pouviez décrire une droite, que diriez-vous? Comment représenteriez-vous une partie infime d’une droite ?”
 

Ouvertures et pistes pédagogiques pouvant être abordées en formation 

Varier en douceur le milieu de validation

Pour essayer de susciter un questionnement, ou du moins pour que l’idée d’intersection fasse problème nous proposons les pistes suivantes.

    •    Il est possible de faire en sorte que le point d’intersection soit en dehors du cadre qu’elles se sont fixées (le tableau noir). Par exemple, on trace deux segments de droites qui se coupent en dehors du tableau noir et on demande “est-ce qu’il existe un point d’intersection ?”. En laissant la place aux pronostics des élèves, en recourant à du matériel complémentaire (affiches, cartons…) la recherche collective pourrait permettre aux élèves de concevoir que les droites ne s’arrêtent pas à l’espace limité du tableau.


    •    On peut aussi utiliser un logiciel de géométrie dynamique pour jouer sur la variable didactique du mouvement pour faire “entrer” ou “sortir” le point d’intersection de l’écran projeté aux élèves.
 

Les constructions problématiques : grattes-neurones géométriques ou mise en bouche intellectuelle

 

    •    Le travail de mentalisation peut être intéressant, par exemple “je suis autorisé à prolonger, en pensée, mes “droites” aussi loin que je le souhaite”, “personne n’est capable de tracer une droite, on trace des représentations de droites”. 


    •    Proposer des situations à mener collaborativement ou non, en proposant de réaliser des figures à contraintes : “Tracer deux droites qui n’ont pas de point d’intersection”, “Avec quatre droites, combien de points d’intersection au maximum peut-on réaliser ?” ; “Tracer deux droites qui ont pour point d’intersection le point A”. Ces situations peuvent être pensées dans le “rituel”, sans forcément appeler un temps long de recherche et en laissant émerger un temps d’institutionalisation court.
 

    •    Le fait de travailler à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique (qui permet de faire bouger les éléments pour constater s’ils sont liés les uns aux autres, comme “épreuve de vérité”) pourra aider les enseignants à faire éprouver l’intersection dans sa dimension géométrique,  le micro-milieu de validation du logiciel interactif étant très différent du micro-milieu de validation “papier-crayon”. A ce titre, on peut consulter les analyses de Colette Laborde et Bernard Capponi:   


Interroger avec les élèves la question des représentations d’un concept 

Un autre axe de travail possible serait de travailler sur la représentation de l’objet mathématique “droite”. Par exemple on peut proposer la tâche suivante : “Si tu avais une loupe très grossissante, que verrions-nous d’une toute petite partie d’une droite ? De quoi serait-elle constituée ? Comment la dessinerais-tu ? Et si tu regardais une droite depuis la lune, que verrais-tu ?”.

Un imagier d’objets qui puissent à la fois être considérés dans leur dimension “ordinaire” ou dans leur dimension “mathématique” pourra être un outil intéressant. Il pourra intégrer des photos de l’activité qui a été conduite dans la cour (macro-milieu). 

Des “dictées à autrui” 

Que ce soit entre l’enseignant et l’élève, ou entre plusieurs groupes d’élèves, les tâches de production de figures à partir d’énoncés dictés, en fixant des contraintes, peuvent constituer des situations riches qui permettent d’engager des échanges et de construire des énoncés langagiers permettant de décider si une figure produite est conforme ou non avec l’énoncé prescrit.

Vers des situations complexes mobilisant d’autres postures 

Proposer une situation complexe dans l’idée de prolonger le travail mené dans les phases de structuration-systématisation, dans le passage de l’école au collège. C’est le cas du problème de Lambert. On se donne deux droites qui se coupent en dehors d’un cadre, un point dans ce cadre. Il s’agit de proposer une méthode pour tracer le segment de droite qui passe par ce point et l’intersection des deux droites. Cette situation visant à provoquer des propositions des élèves, du débat pour tenter de convaincre. Elle s’inscrit, à l’inverse des situations précédentes, sur un temps long.

L’institutionnalisation peut comporter plusieurs volets (Quelles postures du chercheur face à un problème “ouvert” ? La possibilité d’obtenir différentes méthodes de résolution et en particuliers parmi elles, la solution proposée par Lambert (Résolution à la fois “simple” et “mystérieuse” car utilisant huit fois la règle non graduée et des concepts de perspective). Pour visiter différentes méthodes on peut consulter le site de Patrice Debart.

Passerelles avec d’autres champs de savoirs : l’analogie

 L’analogie avec le tableau de Magritte “ Ceci n’est pas une pipe” peut-être une évocation forte entre objet et représentation de l’objet. Sans verser dans une pédagogie exclusivement analogique, il s’agirait d’explorer des ponts avec d’autres champs de savoirs, par exemple l’Histoire des arts. Le cas du problème de Lambert est d’ailleurs très propice à ces passerelles, puisqu’il proposait cet exercice pour permettre aux peintres de résoudre des problèmes de fuyantes dans le cadre de la perspective dans la peinture.

Analyses didactiques réalisées par Sylvie Martin-Dametto et Henrique Vilas-Boas

 

 
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