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Xavier Pons : le "populisme éducatif" n'est pas qu'un discours politique

Par Patrick Picard publié 02/06/2018 11:30, Dernière modification 21/06/2024 11:04
En quoi les propos d’un sociologue de l’action publique peuvent-ils rejoindre les préoccupations des formateurs et des pilotes ? Xavier Pons s’intéresse à la façon dont les politiques conçoivent et mettent en oeuvre des réformes, et donc cherche à comprendre les relations entre les acteurs. En plongeant dans les vingt dernières années de politiques éducatives, il nous livre des clés tout à fait utiles pour comprendre et agir au présent.

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Comprendre les liens entre savoirs et construction de politiques publiques  0:00

L’urgence de gouverner : l’exemple de la polémique sur l’absentéisme

3:55
Pourquoi l’expression de « populisme éducatif » ?  6:35

En quoi tous les acteurs sociaux sont-ils concernés ?

11:18
La difficulté des corps intermédiaires à se faire entendre 14:33

Vous étudiez aussi l’évolution du travail des inspecteurs ?

16:51
Et les « réseaux apprenants » ? 20:35

comprendre les liens entre savoirs et constructions des politiques publiques

Mon travail est de comprendre l’interdépendance entre métiers, chacun avec ses compétences spécifiques. Entre le travail du chercheur, de celui qui va préconiser ou celui qui va traduire, la relation doit s’institutionnaliser, parce qu’il n’y a pas de relation automatique. Mon rôle est d'étudier cela, sans chercher à juger de la pertinence « en soi » de telle ou telle décision politique. Le politique doit conjuguer ces différentes compétences pour rendre les réformes possibles. On ne peut déduire une politique de seuls résultats de recherche.

 L’urgence de gouverner : l’exemple de la polémique sur l’absentéisme

La dimension temporelle de l’action politique est importante. De plus en plus les décideurs cherchent à aller vite. Dans l’exemple de la suspension des allocations familiales en 2002, on voit la tension entre ces annonces et les politiques de fond sur la réduction de l'absentéisme, qui sont largement invisibles à l’opinion publique : le travail des CPE ou une politique rectorale de lutte contre ce phénomène, ça ne se voit pas… Au-delà de la couleur politique, les contraintes systémiques plongent les acteurs dans des nœuds complexes qui contraignent leur action.

Pourquoi l’expression de « populisme éducatif » ?

Je sais que l’expression peut faire discussion, et j’ai longtemps hésité. Poursuivons mon exemple : entre 2002 et 2004, la polémique traverse l’opinion alors que les corps intermédiaires s’indignent et que des travaux de recherche montrent que les problèmes sont plus complexes. L’expression « populisme éducatif » ne se réduit pas à un comportement politique, mais une situation politique qui concerne tous les acteurs (chercheurs, journalistes, syndicalistes, experts) parce qu’il véhicule une version simplifiée d’un problème à traiter.

En quoi tous les acteurs sociaux sont-ils concernés ?

Chacun est acteur de cette interdépendance : la polémique enfle lorsque les rédactions donnent la priorité à l’agenda gouvernemental, lorsque les chercheurs interviennent peu dans le débat public,

Ces contraintes ne sont pas liées à un bord politique particulier, mais peuvent traverser différents courants.

La difficulté des corps intermédiaires à se faire entendre

Dans une approche de recherche sur l’action publique, on comprend que tous les acteurs ont un rôle :

  • parfois les chercheurs privilégient des canaux de diffusion académique, hors du champ médiatique ;
  • les corps intermédiaires ne sont pas libres d’intervenir dans le débat public, alors qu’ils détiennent une très forte expertise sur les problèmes ;
  • les personnels et leurs syndicats ne peuvent pas forcément développer des arguments complexes et exercer leur contrepouvoir.

Cela peut laisser la porte ouverte à des discours simplistes et peu étayés sur les questions scolaires.

Vous étudiez aussi l’évolution du travail des inspecteurs ?

Les différentes corps d’inspections sont dans des contextes très différents, mais on sait que tous doivent absorber de nombreuses contradictions dans les missions qu’on leur assigne, qui parfois les écartent des souhaits qu’ils ont pour leur fonction et les mettent en tension en émiettant leur travail. Le système hésite entre une régulation hiérarchique, encore plus depuis la réforme de la gouvernance de 2012, et une logique de projet, de conseil et d’accompagnement, sans que les pilotes sachent à quoi ils doivent renoncer. Cela nuit aux possibilités de capitalisation des expériences locales, indépendamment des questions de moyens humains.

Et les « réseaux apprenants » ?

Cette notion n’est pas forcément inutile, tout dépend de ce qu’on en fait. Mais l’essentiel est ce que les acteurs apprennent à faire ensemble.