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Eric Sonzogni : "les formateurs ne donnent pas des conseils identiques, selon leur histoire..."

Par Patrick Picard publié 30/03/2016 13:40, Dernière modification 19/04/2016 16:21
Eric Sonzogni est conseiller pédagogique en Haute-Savoie. Collaborateur régulier du Centre Alain-Savary en formation de formateurs, il a engagé un parcours personnel de formation qui l'a amené à explorer la nature des conseils que donne un formateur du Premier Degré à des débutants. Eclairages...

Votre travail de mémoire de master à Clermont-Ferrand vous a amené a des résultats intéressants sur la nature des conseils que donnent les conseillers pédagogiques. Pouvez-vous les préciser ?

SonzogniCe travail avait pour ambition d'essayer de comprendre quels étaient les processus de hiérarchisation des conseils en œuvre lorsqu'un conseiller pédagogique structure son entretien suite à une observation en classe. Une cohorte de 25 CP (conseillers pédagogiques) du département de la Haute-Savoie a été soumise à la vidéo d'un enseignant titulaire 1ère année filmé pendant une matinée de classe. Il a été demandé aux CP d'utiliser leurs outils professionnels de prise de notes habituels pendant le visionnage. A la fin de la projection, chacun devait, pendant une dizaine de minutes, structurer ses notes et me rendre une liste de « conseils » qui leur semblaient incontournables s'ils avaient eu à mener un entretien avec l'enseignant visionné. Il avait précisément été demandé de hiérarchiser ses conseils en fonction de l'importance que le CP leur accordait. A noter que l'enseignant observé n'avait pas de problème de gestion du groupe de manière à ce que le conseil relatif au maintien de l'ordre dans la classe ne parasite pas l'expérimentation.
L'analyse des listes de conseils montre une grande disparité même si tous les CP ont observé le même enseignant dans les mêmes conditions.

De manière à exploiter ces données, une « typologie » a été proposée qui classe les conseils en quatre catégories :
• Les conseils portant plutôt sur des aspects pédagogiques (gestion de l'espace, du temps, du groupe, répartition des élèves...)
• Les conseils portant plutôt sur des aspects didactiques (tâches proposées aux élèves, progressivité des apprentissages, contenus d'enseignement...)
Et pour chacune des deux catégories précédentes :
• Les conseils portant sur l'amont, la préparation, (ce qui a été prévu avant la séance observée), le prévu.
• Les conseils portant sur le pendant (ce qui s'est passé durant la séance), le réalisé.

Deux résultats principaux peuvent être dégagés :
• Parmi les trois déterminants principaux de l'activité de conseil (la prescription, « la personnalité » du CP, l'interlocuteur) celui qui agit le plus est la « personnalité » du CP façonnée par son parcours professionnel, ses expériences d'enseignant, son parcours de formation, son expérience de formateur, ses lectures, ses dadas... Ces éléments intrinsèques sont très présents au moment de l'élaboration du conseil.
• Autre résultat découlant du premier, on peut dire que plus le CP est familier du niveau de classe ou du domaine disciplinaire observés, plus il a tendance à donner des conseils relatifs à la didactique et aux contenus d'apprentissage. A contrario, on peut dire que si le CP n'est pas familier du niveau ou du domaine observés, il a tendance a donner des conseils relatifs à la pédagogie et à ce qu'il a observé lors de la séance.
Ces résultats plaident pour un renforcement de la formation des formateurs notamment sur les aspects concernant la didactique des disciplines ou la spécificité de l'école maternelle.

Quelques années plus tard, dans votre expérience professionnelle et votre travail, cela vous a-t-il amené à modifier des choses dans votre travail ? 

Ce travail de recherche puise son fondement théorique dans les approches ergonomiques (didactique professionnelle, clinique de l'activité) qui m'ont amené à m'intéresser à l'analyse de l'activité professionnelle. Autant à l'analyse de l'activité professionnelle des enseignants qu'à celle des formateurs. En analysant ma façon de travailler, en particulier en situation interindividuelle de conseil, j'ai modifié ma posture de formateur. Je pourrais résumer cela en une formule : « prendre les enseignants comme ils sont et pas comme on voudrait qu'ils soient ». 

Vous participez régulièrement à des formations de formateurs, quels vous semblent les leviers essentiels pour favoriser la qualité dans le travail de conseil et de formation ? 

Travailler l'activité de conseil en formation de formateurs peut revêtir plusieurs dimensions. 
On peut entrer par les outils empruntés à l'analyse du travail, notamment les entretiens d'auto confrontation  qui permettent d'accéder à l'activité réelle des enseignants en situation. Mais aussi par l'usage de la vidéo, outil devenu incontournable mais dont l'utilisation doit être maîtrisée sous peine de devenir contre-productive.
Derrière ces techniques, se cache un postulat important : « Ce qui provoque du développement professionnel est la confrontation d'un travailleur à sa propre activité ». Il me semble que cette idée force devrait être méditée dans les collectifs de formateurs car elle pourrait impacter bon nombre de pratiques autant du point de vue de l'activité de conseil que de celui de l'ingénierie de formation.

Lire le mémoire de Master d'Eric Sonzogni