Vidéo 2 Accueil des débutants en Éducation Prioritaire : « je croyais qu’il allait se retourner vers moi ! »
« j’aimerais que tu/nous fasses une proposition de protocole pour l’an prochain….mais qui prend en compte un temps tutorés/tuteurs … ça je pense que c’est important, un vrai temps pédagogique tutorés/tuteurs […]…on est d’accord ? », dit le principal.
L’affaire semble conclue lorsque l’IA-IPR demande au Principal de s’associer à la conception de ce dispositif : « ...moi, je propose de m’associer à Jean-Pierre…. s’il veut bien». Une requête immédiatement acceptée par le Principal qui se voit contraint de justifier sa commande par la difficulté que les FEP ont rencontrées jusque-là pour intégrer les projets du réseau en matière de formation : « …euh…bien sûr, alors moi quand je dis…..euh….Jean Pierre, il est bien évident que ….euh….parce que je veux, j’ai aussi cette idée que les formateurs REP+ ont eu du mal à trouver leur place et maintenant que la place elle y est, je la défends d’accord…».
Cet situation a soulevé de nombreux points d’achoppement entre les membres de ce collectif, leur permettant de réengager de nouvelles possibilités d’actions, notamment fonctionnement du comité de pilotage. En effet, au fur et à mesure de l’avancement de ce travail, il est apparu nécessaire que le COPIL parvienne à surmonter la dimension formelle de l’organisation du travail de la ligne hiérarchique.
Plus précisément, l’extrait retenu a permis d’interroger les rapports hiérarchiques et les manières dont ces rapports pourraient se constituer comme ressource et non comme contrainte inhibitrice de l’action collective. Pour illustrer ce point de vue nous avons retenu la réponse de l’IA-IPR qui, confrontée aux images de son activité lors de ce COPIL, pose et se pose la question des conditions d’un pilotage collectif efficace et des formes de travail coopératif pour surmonter les réalités du terrain : « ... est-ce que le copilotage, c’est possible ? ... On peut se poser la question de la faisabilité d’un copilotage à trois … » surtout lorsque de telles disparités de temps et d’espaces de travail existent entre les pilotes (entre autres choses, l’échelle du collège pour le Principal, de la circonscription pour l’IEN et de l’académie pour l’IA-IPR).
Derrière cette question, se cache probablement un sentiment de remise en cause de la place qu’elle occupe dans ce copilotage. Une place dans un espace qui n’est pas seulement physique mais aussi symbolique et intersubjectif et où s’expriment autant l’identité des acteurs en présence, leurs savoirs, leurs compétences que leurs rapports à leur métier et à celui des autres… Ce qui ne manque pas d’interroger l’organisation du travail au sein de ce COPIL :
- Qui fait quoi dans ce collectif inter-métiers où prédomine du flou, de l’incertain, de l’indéterminé et où chacun des pilotes, malgré une volonté de coopération, cherche à conserver sa spécificité et son autonomie ?
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Comment se répartissent les tâches entre des pilotes principaux (assis les uns à côté des autres sur la vidéo 2) et des formateurs qui, en face des pilotes principaux, assistent à cette séance de travail.
Nous retenons ici l’action d’assister au trois sens du terme, assister en tant qu’ils sont simplement et uniquement présents, en tant qu’ils prennent part, soutiennent en secondant le travail des pilotes (c’est le cas du FEP qui devra proposer une ingénierie de formation lors de la prochaine réunion, voir Vidéo 2), ou encore pris dans le sens de suppléer voire secourir (le cas du FEP qui devra, en plus de ses propres missions, assurer pendant une année entière les missions de sa collègue du 1er degré qui ne peut assurer la responsabilité d’un réseau supplémentaire, voir vidéo 3). Des manières de concevoir le travail d’organisation qui n’ont pas manqué de questionner le travail collaboratif, comme le révèle les propos de l’IPR référent : « il passe commande à JP… pour améliorer la formation des néo … et moi j’émets l’idée de m’associer ... à ce moment-là je me suis dis ça : comment il appréhende mon rôle au sein du réseau ?... moi je m’attendais à ce qui se retourne vers moi … ce n’est pas par défiance que j’ai mis le pied dans la porte, c’est pour signifier à Dominique que moi, dans mes missions d’IPR référent, il y la mission de la formation. Donc… j’aimerais bien être associée à cette réflexion…»
L’extrait retenu n’a pas vocation à mettre l’accent sur un éventuel conflit de personnes. Il a pour but de rompre le cercle vicieux du « silence organisationnel », celui qui conduit les professionnels à garder pour eux leurs points de vue et leurs préoccupations par rapport aux questions organisationnelles, provoquant des insatisfactions voire des désengagements du travail.
En confrontant les points de vue, en encourageant les débats, le travail entrepris avec le comité de pilotage a donc également porté sur la question de la connaissance et de la reconnaissance du et au travail. Pas celle qui se limite à la seule reconnaissance par les autres, ses pairs et sa hiérarchie. Mais également la reconnaissance qui permet, au professionnel, de connaitre, faire reconnaitre et se reconnaitre dans le travail qu’il fait ou qu’il va faire, avec l’idée que « être reconnu dans ce qu’on fait, c’est aussi être reconnu pour ce qu’on peut et veut devenir d’autre » (Hubault & Bourgeois, 2004). Nous avons travaillé ici la compréhension du point de vue de l’autre, cela en vue de pouvoir se situer dans le co-pilotage avec lui : la reconnaissance comme organisateur de la santé des professionnels.