Le curriculum invisible de Julien Netter
Le curriculum invisible
Julien Netter développe dans son livre “Culture et inégalités à l’école” la notion de curriculum invisible. S'inscrivant dans l'histoire de son équipe ESCOL, il développe la thèse d’une "culture de l’école" qui sert de clé d’interprétation des situations scolaires. C’est l’interprétation qui est attendue pour « réussir » à l’école. Faite de codes, de connaissances et de savoir-faire, elle est parfois peu explicitée par les enseignants et les intervenants, si bien qu’elle constitue un curriculum invisible de l’école, et contribue à renforcer les malentendus socio-scolaires.
“Il est invisible, parce qu’il « va de soi » pour les enseignants et les élèves performants, qu’il est peu verbalisé, voire peu pensé, si bien que les élèves scolairement faibles peuvent ne pas le percevoir et ne pas comprendre l’origine de leur difficulté.” (Netter, 2018, p.49)
Cette notion s’appuie sur des travaux à la croisée de la sociologie, des didactiques, de la psychologie et de l’anthropologie, qui s’intéressent aux questions d’enseignement-apprentissage.
Ce modèle peut-être exploité afin de :
- comprendre la façon dont les élèves interprètent les situations à l’école et les attentes des encadrants,
- rendre lisible l’écart entre ce qui est perçu par les élèves et ce qui est attendu par les encadrants.
Petit glossaire
Description du curriculum invisible
Ce modèle se déploie selon un système en cinq dimensions intriquées qui constituent le contexte d’apprentissage. L’activité est l’aspect le plus évident de la situation d’apprentissage. Ce modèle schématisé ci-contre va de la dimension la plus concrète, proche du réel, en bas, à la plus abstraite, se traduisant par un objectif d'action sur le réel, en haut.
A la base, le système de signes consiste en une prise d’indices sur le réel, ce qui "fait signe" dans le langage oral, le langage écrit, la numération, la représentation graphique, la gestuelle corporelle... Il nourrit l’activité, la deuxième dimension du modèle.
L'activité décrit la situation d’apprentissage, elle revêt deux aspects complémentaires : la tâche qui se situe à un niveau plutôt matériel, et l’activité cognitive se situant au niveau des enjeux d’apprentissage.
Cette activité s’inscrit dans une discipline qui constitue la troisième dimension. Les disciplines sont la façon dont l’école classe les activités. Un même objet peut être abordé dans des disciplines différentes, ce qui donnera lieu à des activités différentes. C'est la capacité pour les élèves à reconnaître dans les activités proposées des savoirs qui se structurent en discipline·s.
Cette conscience disciplinaire contribue à donner du sens aux activités, dans un mode de comportement favorisant ou non les apprentissages. Le comportement scolaire typique consiste à centrer l’attention sur un objet précis et à en étudier les propriétés.
Le comportement est lié au but que l’on poursuit, qui constitue la cinquième dimension du modèle.
Calibrages et ajustements dans les apprentissages
D'une part l’élève structure une situation à l’aune des connaissances dont il dispose, organisées en « structure ». Cette structure va servir de “filtre” pour interpréter les signes qu’il perçoit, à chaque dimension du curriculum invisible. Ce mouvement, plutôt rapide, de la pensée s’appelle “calibrage”.
Le mouvement inverse dit “d’ajustement”, plutôt lent, va consister, d'une part, à modifier un peu la structure à la suite d’un défaut manifeste d’interprétation, en s’appuyant sur les signes disponibles. Les enseignants, en apportant des éléments d’explicitation, jouent un grand rôle dans l’ajustement.
Ces mouvements s'effectuent sur une dimension ou entre les dimensions du curriculum invisible.