Les entretiens individuels enseignant-parent(s) : un dispositif institutionnalisé
Les relations entre enseignant(s)-parent(s) se concrétisent la plupart du temps par une invitation de l’enseignant à un rendez-vous individualisé dans le but d’informer et échanger avec le(s) parent(s) sur le comportement d’élève et les apprentissages scolaires de leur enfant.
Souvent vécu comme source de situations anxiogènes par les parents les moins prédisposés à se rendre à l’école, cette invitation peut avoir pour réponse : une chaise vide. Cette attitude d’évitement s’explique généralement par un sentiment d’incompétence au niveau de la maîtrise de la langue et des codes scolaires conduisant certains à penser que leur seule présence à l’école serait préjudiciable à leur enfant. Culpabilité et honte sont des sentiments qui rendent difficile l’initiative de la rencontre avec l’école.
Deux fois dans l’année à dates fixées, chaque parent est invité à se rendre à l’école, à l’heure qui lui convient le mieux, pour une demi-heure d’entretien avec des objectifs explicites : faire connaissance en début d’année et faire le bilan de l’année. Les parents qui ne se présentent pas sont relancés avec insistance et persistance jusqu’à ce que le rendez-vous se concrétise.
Pour l’enseignante, la finalité est de tisser des liens, de constituer un capital confiance dans lequel puiser lorsqu’il y aura à gérer d’éventuelles situations délicates, se décentrer pour acquérir une autre vision de l’enfant, appréhender la diversité culturelle des familles et l’hétérogénéité de leurs rapports à l’institution scolaire.
Actuellement enseignante en petite section (PS), Catherine Hurtig-Delattre conçoit son travail envers les parents comme fondateur de la relation enseignant-parent(s). Elle a accepté de partager sa pratique avec le plein accord des parents, gage de la confiance acquise, à des fins de supports pour la formation. Huit entretiens ont été filmés. À partir d’extraits, Catherine a commenté, explicité les enjeux et les fondements de sa pratique.
Enjeux et finalités de l’entretien individuel (9’)
Nous remercions vivement les parents qui ont accepté d'être filmés dans un moment si personnel.
Après le visionnage de trois extraits de débuts d'entretien, Catherine Hurtig-Delattre présente le dispositif complet des entretiens individuels et explique ce que l'école a à y gagner et elle-même en tant qu'enseignante et cela malgré l’importance du temps accordé.
Au commencement « la balle est dans le camp des parents » car il lui semble important que ce ne soit pas l’institution qui, de manière surplombante, vienne nommer les difficultés. Ainsi fait, cet espace d’échange permet d’accueillir les inquiétudes des parents.
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Débuts d'entretien (3 extraits) | 00:00:00 |
Le dispositif | 00:03:28 |
Ce que l'école et l’enseignante gagnent grâce à ce dispositif | 00:04:17 |
La balle est dans le camp des parents | 00:05:11 |
« S’il parle comme ça à l’école Catherine va tout savoir ce qui se passe à la maison ! » (extrait) | 00:07:15 |
Accueillir les inquiétudes des parents | 00:07:44 |
Tisser des liens, faire alliance : est-ce cela la coéducation ? (9’30)
Nous remercions vivement les parents qui ont accepté d'être filmés dans un moment si personnel.
Rayna & Rubio (2010) définissent la coéducation comme « une relation entre éducateurs dits “premiers”, que sont les parents, et éducateurs professionnels qui œuvrent en parallèle [...] ou/et successivement lorsque l’enfant grandit [...] en tout cas en alternance avec les parents ». Cependant, à l’heure actuelle cette notion infuse la sphère scolaire sans toujours en cerner l’opérationnalité : concrètement, c’est quoi co-éduquer ? Catherine Hurtig-Delattre le conçoit, pour une part, dans la dynamique de son dispositif des entretiens individuels avec les parents.
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Lojain boude (extrait) | 00:00:00 |
Les conditions pour des échanges possibles avec les parents lorsqu'il y a un comportement inadapté de leur enfant, | 00:01:06 |
Saja joue avec la tablette à la maison (extrait) | 00:03:00 |
Accepter de se laisser surprendre pour ouvrir l'échange sur les préoccupations des parents | 00:04:41 |
Lily et les copines (extrait) | 00:07:35 |
Pointer une demande ou un manque de l'enfant exprimé à l'école | 00:08:32 |
Pour approfondir, le Dossier de la veille de l’IFÉ (n°98-janv.2015) Coéducation : quelle place pour les parents ? fait état des travaux scientifiques sur la question. |
Des modalités d'évaluation à partager avec les parents (6’)
Nous remercions vivement les parents qui ont accepté d'être filmés dans un moment si personnel.
L’équipe d’enseignants de cette école maternelle a décidé qu’en petite section maternelle il n’y aurait pas de cahier d’évaluation, considérant que les effets négatifs sont trop nombreux. Toutefois, au cours de l’entretien, Catherine Hurtig-Delattre commente, analyse, discute avec les parents les comportements de l’élève et ses productions de types scolaires. Elle les situe aussi par rapport à la norme des attendus de l’institution.
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Concentration et application de Lily (extrait) | 00:00:00 |
Les bonhommes d’Eva (extrait) | 00:00:54 |
La tenue du stylo d’Émile (extrait) | 00:01:38 |
Les beaux dessins d’Aubin (extrait) | 00:02:14 |
Les évaluations et le rapport à la norme | 00:03:12 |
Le développement du langage et le bi-plurilinguisme (6’30)
Nous remercions vivement les parents qui ont accepté d'être filmés dans un moment si personnel.
Des huit entretiens filmés, deux enfants développent leur langage en deux langues et deux autres appartiennent à des familles bi-plurilingues. Ils sont donc en contact avec plusieurs langues. Bien sûr cet état se situe au niveau des « déclarations » de l’enseignante et des parents car, comme l’a démontré la sociolinguistique, il y a un décalage entre les représentations des langues et leurs usages au niveau des locuteurs bi-plurilingues eux-mêmes. Il serait donc nécessaire de croiser les discours sur les pratiques avec les pratiques elles-mêmes pour savoir ce qu'il en est réellement (Billiez, 2012).
Si Catherine Hurtig-Delattre tente de monter en généralités par rapport à ses expériences multiples de scolarisation d’enfants allophones ou bi-plurilingues, elle caractérise davantage la singularité de chaque situation à considérer en tant que telle.
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Le bilinguisme de Lily (extrait) | 00:00:00 |
Plus de variations d'une famille bi-plurilingue à l'autre que d'invariants | 00:01:03 |
Lojain et Saja des propositions qui se sont avérées inadaptées | 00:04:13 |
Eva russophone, en cours d’acquisition du français (extrait) | 00:04:56 |
Confiance et conscience | 00:05:44 |
Et l’année prochaine ? (4')
Nous remercions vivement les parents qui ont accepté d'être filmés dans un moment si personnel.
À chaque entretien Catherine Hurtig-Delattre prend le temps de présenter, expliquer, justifier les choix d’organisation de l’équipe enseignante pour la rentrée suivante. Les "moyens" seront répartis entre les classes des petits-moyens et des moyens-grands. Lors de la conception des classes plusieurs paramètres -individuels et collectifs- sont pris en compte. Il n'en reste pas moins, qu' au final, il est bien clair que ce sont les professionnels qui prennent la décision de la composition des classes. Cependant, à titre consultatif, Catherine Hurtig-Delattre en discute avec les parents.
Points de discussion (10')
Cette dernière séquence regroupe des moments d’échanges sur la conception des entretiens dans un perspective généralisante : une posture plus qu’une méthode ; ne pas chercher à obtenir l'adhésion inconditionnelle des parents. ; les effets sur les élèves ; la parité d’estime ; la présence ou pas des enfants lors de l’entretien ; existe-t-il d’autres rencontres individuelles en plus de ces deux temps institutionnalisés...
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Une posture plus qu'une méthode | 00:00:00 |
Ne pas chercher à obtenir l'adhésion inconditionnelle des parents. | 00:01:24 |
Les effets sur les élèves | 00:02:52 |
"La parité d'estime" | 00:05:50 |
Les enfants sont-ils présents lors de l'entretien ? | 00:06:57 |
Existe-t-il d'autres rencontres individuelles à part ces deux temps institutionnalisés ? | 00:08:11 |
L'enseignante de ce reportage a écrit un ouvrage : La coéducation à l'école, c'est possible, Catherine Hurtig-Delattre, La Chronique Sociale, 2016 |
Une recherche action : "Collaborer avec les parents : les entretiens individuels "
Jean-Paul Payet, sociologue, professeur à l’université de Genève a partagé en formation de formateurs à l’IFÉ, les résultats d’une recherche-action conduite avec des enseignants volontaires et son équipe du laboratoire SATIE. Le projet s'est développé dans trois écoles primaires REP (réseau d’enseignement prioritaire) du canton Genève Suisse. Une première partie dite " Observatoire " donne des éléments d'analyse suite à des observations et des entretiens in situ ; la seconde partie est un outil élaboré par une équipe d'école. Une part importante de l'outil réside dans la démarche de construction et en tant que tel peut être source d'inspiration et stimulation pour un projet à l'échelle d'une école, d'un collège, d'un Réseau d'éducation prioritaire (REP).
" Collaborer avec les parents : les entretiens individuels "