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Savoirs, pouvoirs et gouvernement des esprits. Qui contrôle l’enseignement et la formation ? compte-rendu du colloque du Réseau Education et Formation du 11/09/2013 à Genève

Par skus — publié 20/09/2013 11:45, Dernière modification 14/04/2016 11:27
Ce compte-rendu présente les éléments du programme (en italique) ainsi que les notes prises lors des interventions (pour les ateliers, seul l'atelier "Savoirs et pouvoirs des éduqués : qui contrôle ce qui s’apprend par l'enseignement et la formation ?" a fait l'objet de prise de notes.

Qu'est-ce que le REF ?

La recherche en éducation et formation de langue française est riche et diverse. Mais on peut la trouver dispersée et compartimentée de différents points de vue : séparation entre éducation, formation initiale et formation continuée ; séparation entre chercheurs d’une part, praticiens et décideurs d’autre part ; séparation héritée de systèmes de formation nationaux différents.

Le REF – Réseau international de recherche en Éducation et en Formation – est né en 1989 pour tisser des liens entre ces différents mondes.

Il vise les objectifs suivants :

  • Mettre en valeur la diversité et la complémentarité des recherches et des pratiques en éducation et en formation.
  • Faciliter, intensifier et valoriser la mise en relation des personnes et des organismes concernés par la recherche en éducation et formation (chercheurs, praticiens, décideurs…).
  • Valoriser la coopération internationale en matière d’éducation et de formation par le canal de la langue française.

Le site du colloque 2013

L’enseignement et la formation donnent forme à la pensée humaine. On a même pu dire qu’ils « gouvernaient les esprits ». Ils conditionnent au moins nos manières de raisonner, de voir, de juger, d’agir, bref, de vivre en société. Pour le meilleur, ils peuvent nous rendre libres, responsables, intelligents. Et à l’inverse, entraîner de l’exclusion, renforcer des égoïsmes ou provoquer notre aveuglement. Si tout apprentissage dépend d’une influence extérieure, on ne peut pas postuler que cette influence sera a priori bénéfique pour tous, ou pas. Mieux vaut peut-être se demander qui contrôle les pratiques et les politiques éducatives et, partant, qui gouverne les savoirs et les pouvoirs dont chaque être humain dispose par leur biais.

REF 2013L’éducation familiale, l’instruction obligatoire, les hautes écoles ou la formation professionnelle prétendent toutes, dans une certaine mesure, orienter les manières de penser et d’agir des personnes qu’elles ont la responsabilité de former. Cela oblige à admettre que la fonction contrôlante de l’éducation découle du fait même qu’elle est contrôlée en amont, par des pouvoirs politiques, économiques ou académiques qui s’exercent sur la diffusion des savoirs, mais aussi par l’entremise de leur possession et leur production, donc dans une forme plus ou moins totale ou partielle, visible ou opaque, de sélection des idées à valoriser socialement.

Ainsi donc : si l’éducation pour tous et tout au long de la vie reste un grand projet démocratique, qui définit concrètement les buts de l’enseignement et de la formation, leurs critères de légitimité, les domaines à privilégier, les apprentissages à viser (ou non) en priorité ? Par qui, pour qui, et selon quelles modalités observables le contrôle social d’exerce-t-il sur l’enseignement et la formation ? Des politiques publiques aux interactions didactiques, entre bien commun et libertés individuelles, comment les pouvoirs se répartissent-ils entre les initiateurs et les destinataires de l’éducation ?

Cette journée de colloque abordera ces questions générales en les déclinant à travers différents domaines empiriques et selon trois points de vue :

1. Savoirs et pouvoirs des éduqués : qui contrôle ce qui s’apprend par l'enseignement et la formation ? 

Le premier axe abordera la question du contrôle du point de vue des éduqués : élèves, étudiants, adultes en formation. Il interrogera les diverses formes de pouvoir ou de domination que produisent les savoirs scolaires et de formation sur les usagers du système éducatif.

2. Savoirs et pouvoirs des éducateurs : qui fixe ce qu’il faut connaître pour enseigner et former ? 

Le deuxième axe adoptera le point de vue des enseignants et des formateurs sur le contrôle de leur activité. Il interrogera les diverses formes de contrainte, d’influence ou d’attribution de compétences qui conditionnent le travail des professionnels de l’éducation, leur formation initiale et continue, leurs savoirs, leurs idéaux.

3. Savoirs et pouvoirs de l'éducation : qui contrôle la recherche sur l'enseignement et la formation ? 

Le troisième axe aura pour objectif d’explorer les rapports entre les pratiques éducatives et la recherche en éducation. Il questionnera le pouvoir contrôlant de la recherche à l’égard des pratiques d’enseignement et de formation, et, réciproquement, les logiques de contrôle qui s’expriment à l’égard des démarches de recherche en éducation.

Ces différents axes de réflexion seront abordés sous la forme de deux conférences plénières, suivies de trois ateliers centrés sur chacun de ces trois axes. Une table ronde conclusive, réunissant chercheurs, acteurs et décideurs politiques, viendra clore cette journée.

Les « mauvais élèves » existent-ils ? Bernard Rey, Université Libre de Bruxelles

Résumé :

Lorsqu’un élève est en difficulté, l’école tient généralement pour évident que les causes sont à chercher de son côté. C’est en lui que devraient être repérées soit des difficultés cognitives, soit des déficits de motivation, de sérieux et d’efforts. Il y a là une forme de domination qui ne tient pas seulement aux conséquences négatives de ce jugement pour la carrière scolaire et l’avenir de l’élève. Elle tient aussi à l’évidence impensée qui soutient ce jugement et qui fait passer pour naturels les caractères des pratiques et des savoirs scolaires. Que savons-nous aujourd’hui sur ceux-ci ? En quoi leur connaissance nous permettrait-elle d’avoir un regard différent et plus efficace sur le « mauvais » élève ?

Notice :

Professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Bruxelles, Bernard Rey s’intéresse aux spécificités du mode scolaire de transmission. Il s’attache à en explorer les effets sur la conduite des acteurs, sur les activités pratiquées dans les classes, sur la nature des savoirs enseignés et sur l’acquisition des compétences scolaires.

Notes prises lors de l'intervention

On a tendance à croire que l’origine de la difficulté est chez l’élève en raison de représentations qu’il aurait et qui feraient obstacle à l’apprentissage scolaire. Mais en réalité la difficulté vient du rapport entre un niveau premier de compréhension du monde et le niveau second des savoirs scolaires.

Tout élève est invité à faire des activités – et en cela toute pédagogie est active – en classe. Les activités sont conçues par les enseignants pour mener à des savoirs que les élèves n’ont pas encore. Or dans la vie courante une activité a un but évident et immédiat. Les tâches scolaires vont donc à rebours de l’activité ordinaire : leur but n’est pas immédiatement visible. Les rituels scolaires sont impénétrables pour un certains nombres d’élèves qui s’arrêtent à l’aspect visible des tâches demandées. 

Les activités scolaires ont un statut différent d’un travail salarié, mais les élèves ne perçoivent pas que les activités ne sont pas destinées à satisfaire le maître, mais à apprendre quelque chose pour soi. Du coup, ils sont dans l’obéissance immédiate, contrairement au bon élève, qui n’obéit pas mais qui agit pour lui, pour apprendre quelque chose dont il perçoit le sens. Les enseignants attendent de l’élève qu’il n’agisse pas pour obéir, mais pour faire spontanément ce qu’on attend de lui… ce qui n’est pas évident pour beaucoup d’élèves.

Un autre problème renvoie aux 2 types de langage : un type de langage réfère à une situation contextualisée perçu par les interlocuteurs, l’autre est un type de langage textuel qui de réfère pas à une situation immédiate où les énoncés prennent sens dans leur rapport avec d’autres énoncés. A l’école les savoirs scolaires se présentent sous la forme de textes, mais cela ne se voit pas immédiatement, car ils mélangent des énoncés qui peuvent paraître morcelés (écrits du manuel, oral du professeur, écrits des élèves,…) et dont la cohérence ne se dévoile pas au premier abord, d’autant plus qu’ils se mêlent à des énoncés de communication immédiate entre l’enseignant et les élèves.

Il est très difficile pour les enseignants qui sont des experts de ce 2ème type de langage de comprendre que certains élèves ne le comprennent pas et n’y pénètrent pas spontanément.

C’est une forme de domination du « pourtant ça va de soi » qui exclut ces élèves en leur attribuant la responsabilité de leur difficulté : puisque ça va de soi, s’ils ne rentrent pas dans les textes des savoir scolaires, c’est qu’ils n’y mettent pas du leur.

Dans notre société, les détenteurs du pouvoir connaissent le monde à travers des textes et agissent sur le monde à travers des textes. Si l’ont veut une société démocratique, il est donc fondamental que l’école transmette ce langage textuel et le pouvoir qu’il donne sur le monde à tous les élèves. Tout l’enjeu est donc de réfléchir aux modalités qui permettraient dans la classe aux élèves de décoller de l’activité pour tenter d’entrer dans le texte des savoirs qui les sous-tend.

Par-delà la norme, le sens critique ! Anne JORRO, Université de Toulouse 2

L’éducation et la formation sont soumises à de nouvelles exigences normatives depuis une quinzaine d’années. La montée en puissance de l’obligation de résultats, de valorisation de la performance scolaire ou encore d’employabilité des acteurs après un parcours de formation professionnalisant ont une incidence sur les manières de concevoir le rapport à l’acte éducatif ou formatif. Est-il pensable de se situer en contrepoint de la vague normative qui déferle dans les situations professionnelles ? Peut-on aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation  dont les effets sur les institutions éducatives  et les acteurs peuvent être déstabilisants, penser autrement en réinterrogeant la place du sens critique en éducation et formation ?

Présentation :

Anne Jorro est professeur en sciences de l’éducation à l’université de Toulouse 2. Elle participe au REF depuis 1998. Ses travaux de recherche portent sur les liens entre l’évaluation et le développement professionnel des acteurs. Elle a publié plusieurs ouvrages sur cette problématique : Évaluation et développement professionnel (en 2007), La reconnaissance professionnelle en éducation (2009), La professionnalité émergente : quelle reconnaissance (avec Jean-Marie De Ketele en 2011). 

Notes prises lors de l'intervention

Dans la sphère des enseignants, il y a une forme d’incertidude évaluative, liée à une forme de discours prescripteur qui leur dit qu’après une évalution, il n’y a qu’à remédier.

Nous sommes face à une surenchère évaluative qui nous met sous pression et qui colonise notre esprit : l’épreuve, l’examen, le test, devienne une modalité de l’être qui détermine notre manière de voir le monde comme une évaluation sans fin. Nous sommes entrainés dans une pulsion évaluative qui génère une instabilité fondamentale. Cette façon d’agir en enchaînant en permanence les épreuves, nous amène sans cesse à dépassement de soi, à sans cesse vouloir montrer l’excellence et le meilleur de soi. Notre consentement à l’évaluation est la première pierre de notre aliénation.

L’évaluation à l’ère de la gouvernance

L’évaluation devient le mode de régulation de l’action publique : idéologie du Benchmarking

  • L’évaluation s’inscrit dans un dispositif
  • Définition d’une série d’indicateurs mesurant les performances
  • Fixations pour chaque indicateur d’un objectif chiffré
  • Délimitation d’une période de temps
  • Comparaisons entre systèmes, institutions, dispositifs, acteurs,…

Il s’agit de promouvoir les « bonnes pratiques » qui marcheraient de manière universelles en faisant fi des cultures professionnelles.

L’évaluation s’inscrit dans une chaîne de concepteurs – prescripteurs – opérateurs. Le responsable de formation agit en fonction de la Communauté Européenne, le ministère, l’Aères, la direction de l’Université…

Nous avons pris un tournant normatif :

  • renversement entre les moyens et les fins
  • usages normatifs des savoirs scientifiques, centration sur les résultats. Effet de déprofessionnalisation (« teach to the test »). Réification des savoirs scientifiques qui deviennent des objectifs à atteindre.
  • management à distance : on pense l’éducation « du haut » en mettant en place des indicateurs de l’action qui n’ont pas de sens dans une action éducative.
  • mutations symboliques : productivisme évaluatif qui construit peu à peu une sémiotique insignifiante qui nous dépossède de notre activité éducative.

L’action utile ?

  • Régulation technocratique vs régulation professionnelle qui n’ont pas les mêmes critères de l’activité.
  • Une activité professionnelle devrait être constructive et productive dans des processus de subjectivation et engendre de l’engagement professionnel

4 paradigmes inégalement mobilisés

  • Le paradigme des valeurs qui permet de se poser la question de l’équité en éducation est peu mobilisé par les institutions
  • Le paradigme de la mesure est fortement mobilisé
  • Le paradigme de la gestion (outil logiciel SIECLE pour les chefs d’établissements) où disparaissent les dynamiques d’apprentissage, d’enseignement, de travail collectif
  • Le paradigme de la reconnaissance qui émerge et où réside un espoir pour restaurer des sujets qui ont connus des épreuves douloureuses dans leur parcours scolaire et/ou formatif : questionnement ouvert sur les processus de transformation des sujets et sur l’équité d’accomplissement par une posture de reconnaissance de la part de l’enseignant, du formateur, de l’accompagnateur..., en ne se satisfaisant pas de normes surplombantes pour caractériser les personnes, les équipes, les établissements, les systèmes.

La fonction critique est-elle émancipatrice ?

  • Pratiques de conformisation à l’injonction auto-évaluative qui entraîne un « consentement à l’évaluation ».
  • Figure du coryphée dans la tragédie grec qui rappelle la norme et le cadre pour nous pousser à les interroger, à prendre notre responsabilité à penser autrement.

Quelles pratiques « autres » :

Du référentiel organisationnel au référentiel de l’activité constructive et productive : confronter l’effet et l’intérêt, distinguer une logique fonctionnelle à une logique signifiante.

Voies et voix du sens critique

L’écart et l’entre :

- l’écart marque une distance

- l’entre, l’entre-deux, l’à-travers : par où passe l’activité réelle des enseignants, des formateurs, des animateurs, des éducateurs

Il faut donner du relief à la singularité de l’activité des élèves et des professionnels en donnant de l’épaisseur à ce qui fait la singularité de nos pratiques, en rendant lisible les processus qui font le métier.

L’art de la parrhèsia (Foucault) : regarder à la fois depuis la norme, l’organisation et de depuis le jugement de beauté qui regarde la singularité du geste, de l’activité

Il faut défendre le pluralisme de l’agir évaluatif en rééquilibrant les paradigmes et en les mobilisant tous pour viser une régulation professionnelle qui permette le développement des acteurs.

Atelier 1 : Savoirs et pouvoirs des éduqués. Qui contrôle ce qui s’apprend par l’enseignement et la formation ?

  • Coordinateur : Christophe Ronveaux (Université de Genève)
  • Intervenants : Suzanne Chartrand (Université Laval, Québec), Paul Olry (Institut National Supérieur des Sciences Agronomiques, Dijon), Elisabeth Bautier (Paris 8 Escol-Circeft), Etienne Bourgeois (université de Genève)

Cet atelier s’intéressera aux éduqués et aux diverses formes de pouvoir ou de domination que produisent les savoirs scolaires et de formation sur les bénéficiaires (pouvoir d’agir, pouvoir de conceptualisation, pouvoir de reproduction, etc.). L’on doit à Bernstein d’avoir montré de manière magistrale quel contrôle et quel pouvoir symbolique exerce la pédagogie sur la sélection des éduqués et des formés, y compris dans la définition et la répartition de savoirs officiels. Dans les divers contextes de l’école et de la formation, l’autonomisation des savoirs ou leur contextualisation fait débat. Quels éléments de savoir garantissent la pertinence, l’autonomie ou l’humanité d’une formation pour l’opérateur ou l’écolier de demain ? Mais aussi comment préserver l’efficacité d’un savoir-faire lors de sa mobilisation dans les curriculums et les dispositifs pédagogiques ?

Les débats propres à cet atelier se déclineront en deux volets :

  • Premier volet : les fondamentaux et la hiérarchisation des savoirs. La massification de l’enseignement et l’encouragement de la formation professionnelle ont ouvert considérablement les accès aux savoirs. La mise en discours des savoirs et des savoir-faire dans les curriculums, en fonction de ces nouveaux publics, renvoie au choix difficile des éléments de formation et d’enseignement et de leur ordonnancement. Inutiles ou efficaces, décontextualisés ou en prise sur l’action, fondamentaux et disciplinaires ou adaptables et traversant, les savoirs et les savoir-faires n’ont jamais autant été discutés. Quels fondamentaux de l’activité, des préconstruits sociaux-culturels, des disciplines scolaires privilégier ? Dans quel ordre ?Pour quels formés ? Pour quels élèves ?
  • Deuxième volet : les processus de différenciation et de sélection. L’observation fine des dispositifs didactiques et pédagogiques montre la part d’influence que prennent ces derniers dans la différenciation et la sélection des éduqués et des formés. Un peu partout dans les divers contextes de formation et d’enseignement, les modalités de transmission sont contestées ou encouragées en fonction d’un contrôle symbolique et d’un pouvoir déterminé par diverses institutions, de manière consensuelle ou conflictuelle. Par exemple, dans le champ scolaire, la disparité entre élèves et le caractère souvent implicite des situations d’apprentissage contribuent à créer – selon l’expression de Bautier et Rochex – des « malentendus », sources d’inégalités. Dans le champ de la formation professionnelle également, les logiques multiples et hétérogènes propres aux dispositifs d’alternance conduisent à des tensions sur le plan identitaire et épistémique. Dans cette perspective, la question se pose de comprendre comment les dispositifs d’enseignement et de formation exercent un pouvoir contrôlant sur les sujets impliqués : faut-il décontextualiser les savoirs au nom de leur transférabilité ? Faut-il au contraire les rapporter à des situations singulières et à des profils spécifiques de bénéficiaires ?

Premier Volet : Les fondamentaux et la hiérarchisation des savoirs

 

Savoirs, pouvoir(s), qui contrôle ce qui s’apprend et qui s’enseigne ? Suzanne Chartrand (Université Laval, Québec) didacticienne du français

Notes prises lors de l'intervention :

Plan de l'intervention :

  1. qui décide des contenus et des dispositifs de formation à l’école obligatoire ?
  2. Rôle des didactiens et autres experts en sciences de l’éducation dans le processus de décision
  3. Une expérience personnellle d’élaboration de prescriptions : la pointe de l’iceberg
  4. Que faire ? L’enjeu de la démocratie réelle

Préambule : Qui contrôle ?

  • ni les élèves
  • ni vraiment les enseignants ou formateurs
  • un processus d’une immense complexité

Le pouvoir des élèves… apprendre et se transformer… ou pas

Ce n’est pas vraiment un choix  d’apprendre ou de refuser

« Il ne suffit pas que l’élève écoute, il faut qu’il comprenne ; comprendre quelque chose, c’est le constituer soi-même, s’expliquer à soi-même ce qu’on écoute » (JB Mauduit : le territoire de l’enseignant. Esquisse d’une critique de la raison enseignante)

Le pouvoir des enseignants : la porte fermée, seul maître à bord dans sa classe

  • Pouvoir d’interpréter et de reconfigurer les manuels, les prescriptions
  • Planifier leur enseignement
  • Organiser des dispositifs d’enseignement et réguler les apprentissages
  • Participer aux associations professionnelles et syndicales pour faire valoir leur point de vue et influencer la prescription
  • Participer aux instances de l’Etat sur demande…

En dernière instance, ils décident ce qu’ils enseignent à partir de :

  • pratiques historiquement constitués (discipline scolaire)
  • des contrôles administratifs (inspections…)et des évaluations certificatives des élèves (Brevet, bac…)
  • des discours sociaux auxquels ils participent comme enseignants, comme parents, etc…

1. Qui décide des contenus et des dispositifs de formation de l’école obligatoire ?

  • a. l’idéal démocratique et la partisannerie politique : pertinence scientifique et sociale des prescriptions et des changements (nombreux) de prescription ?
  • b. les décideurs : une nébuleuse
  • c. le processus chaotique d’élaboration des prescriptions où entrent en jeu les intérêts, les idéologies et les ambitions des groupes concernés, où se cristallisent les tensions et les luttes entre les classes sociales

2. Rôle des didactiens et autres experts en sciences de l’éducation dans le processus de décision

  • a. Un rôle croissant : institutionnalisation des spécialistes des sciences de l’éducation depuis 30 ans
  • b. Un rôle ambigu : scientifique ? militant ? fonctionnaire ?
  • c. Un rôle périlleux : entre l’arbre et l’écorce. Entre attentes du terrain et attentes de l’appareil étatique

3. Une expérience personnellle d’élaboration de prescriptions : la pointe de l’iceberg

  • a. Critique publique des programme et des examens de certification du ministère
  • b. Conception de nouveaux programmes avec une progression spiralaire 

Une liberté sous conditions :

  • respecter les programmes en vigueur
  • s’insrire dans le prolongement de la progression du primaire
  • s’inscrire dans un format des progressions des autres disciplines

Un travail en tension permanente entre les exigences du milieu ou du ministère (intégrer tous les contenus, innover, évaluer, compartimenter) et nos convictions (cibler les contenus, maintenir un équilibre entre métier et innovation, enseigner ne nécessite pas forcément d’évaluer…)

Bilan : une prescription mal comprise faute d’accompagnement formatif

4. Que faire ? L’enjeu de la démocratie réelle dans les sociétés contemporaines

  • Renforcer l’analyse des fonctionnements étatiques malsains
  • Convaincre les syndicats et les associations professionnelles
  • Cesser d’imposer des nouvelles prescriptions non-validées au corps enseignants
  • Multiplier les initiatives citoyennes pour débattre de l’école

Fondamentaux, activité et pouvoirs en formation professionnelle. Paul Olry, Agrosup Dijon

Notes prises lors de l'intervention :

2 appuis :

  • une étude sur la mobilisation des savoirs généraux par les apprentis en situation de travail
  • une formation centrée sur le monde l’entreprise

Savoir : c’est un ensemble, un patrimoine transmis qui s’actualise dans une activité

Une ambiguïté : les savoirs généraux comprennent-ils les savoirs professionnels ? Ou n’est-ce que les savoirs transmis par les enseignants des disciplines dites « générales » ?

Ces savoirs font l’objet de discours et de textes qui ne lèvent pas l’incertitude quant’à leur définition. Ce n’est pas clair, mais c’est ce qui permet au système de fonctionner en répondant à des enjeux de valeurs des savoirs.

  • Pour les entreprises, les fondamentaux, c’est ce que ne fait pas bien l’école : communiquer, se comporter, utiliser le savoir en situation de travail.
  • Pour les métiers dévalorisés, avoir les fondamentaux est une forme de reconnaissance

Les apprentis ont tendance à tenir le discours des entreprises sur les savoirs généraux : ça ne sert à rien dans le travail. Mais quand on questionne les professionnels sur leur travail, on se rend compte qu’ils mobilisent dans leur activité matérielle une réflexion conjointe sur la finalité de leur action.

Faut-il donc séparer dans les référentiels les savoirs généraux et les savoirs d’action ? Les gens dans leur activité professionnelle font toujours plus que ce qu’il y a à faire, y compris dans les tâches les plus matérielles, selon les référentiels.

Que nous raconte l’activité des professionnels qui interprètent ce qu’on leur demande de faire objectivement pour lui donner un sens subjectif qui légitime à leurs yeux leur action et qui parfois va chercher dans les savoirs scolaires la résolution de contradictions dans les prescriptions auxquels ils sont soumis ?

Courant de la didactique professionnelle qui s’interroge sur ce que sont réellement les métiers

Incommensurabilité de l’expérience humaine qui donne lieu à des savoirs non-écrit qui gagneraient à être regarder de plus près.

Les prescriptions du travail sont peu connues par l’enseignement, et le milieu de la formation professionnelle s’est abîmé dans l’enseignement par objectifs. 

La formation professionnelle a baissé de 50% en 30 ans.

Il faut sortir cette formation du giron des chefs d’entreprise et des managers, surtout quand l’intensification et la précarisation du travail actuelle empêche les travailleurs de construire l’intelligibilité de leur action.

Volet 2 : Les processus de différenciation et de sélection

 

Littératie scolaire, supports d’activité : Domination symbolique et cognitive. Elisabeth Bautier Paris 8 Escol-Crirceft 

Notes prises lors de l'intervention :

Il y a souvent pour les enseignants et les formateurs opacité de ce qui fait des différenciations entre les élèves.

L’invisibilisation des processus de différenciation produit de l’exclusion et de la domination symbolique dans une école qui ne fait plus que du tri social.

Des termes comme innovation, autonomie, individualisation, participation, s’impose comme des valeurs acceptées par les enseignants alors que ces mots importés du monde de l’entreprise bouleverse cadre scolaire.

« La relation pédagogique est un relais déguisé pour des modèles de domination qui lui sont extérieurs. C’est bien là ce qui est relayé, mais quid du support qui rend ce « relayage » possible ? Tout se passe comme si ce support était en quelque sorte invisible et sans saveur, aussi neutre que l’air » (Bernstein, 1992)

Les supports d’évaluation (PISA) contemporain évacuent les savoirs au profit du traitement de données : c’est aux élèves d’écrire le texte du savoir à partir de recueil d’écrits hétérogènes. Ce qui demande un trait haut degré d’expertise de la littéracie scolaire. Pour une partie de la population, il s’agit bien d’acculturer à un nouveau rapport, « second », au monde. Or l’école ne se préoccupe pas de cette acculturation parce que cela relève pour l’enseignant comme pour l’éditeur de manuel d’une « évidence ».

Il s’agit toujours de construire un savoir générique et conceptuel, mais alors que le texte de ce savoir était déjà écrit dans les manuels des années 60, il n’y est plus aujourd’hui, il est à reconstruire chaque fois par l’élève.

Les élèves « de ZEP », contrairement au élèves des milieux favorisés n’arrivent pas à construire une interprétation globale et à construire des savoirs génériques à partir de ce type de manuel, ou ils n’arrivent pas à différencier ce qui relève de l’illustration, de l’exploration, de ce qui relève d’un élément du texte du savoir où il faut puiser pour construire les réponses aux questions posées.

Tandis que les autres élèves élaborent des significations universalistes, détachées des contextes, s’autorisant à aller au delà des documents et des situations proposées et à s’intéresser aux phénomènes, aux processus issus de ces relations, autre forme de personnalisation, celle-ci permettant les apprentissages.

Ces supports de travail scolaire produisent de la différenciation scolaire et de la domination sociale. D’autant plus qu’ils permettent de différencier les niveaux de réponses et de sollicitations des élèves - de « s’adapter » à leurs supposées capacités. Ce faisant on leurre les élèves es milieux populaires qui ont l’impression de répondre aux sollicitations des enseignants sans comprendre et percevoir ce qu’ils « ratent » en terme d’apprentissage réel.

Apprendre au travail. Etienne Bourgeois, université de Genève

Notes prises lors de l'intervention :

Il y a une explosion de la demande de formations en situation de travail. Mais des ambiguïté : s’agit-il de renier les formations dites « formelles » ? S’agit-il d’abolir la frontière entre formation et travail ? Pour être au plus près des situations de travail, ou au plus près du regard hiérarchique sur le lieu de travail ?

Le contenu et les visées de ces démarches formatives sont marqués par une sur-mobilisation du « sujet » : souci d’un alignement des valeurs et des identités des personnes au travail, en plus de sa compétence, de ses relations avec les autres et de sa motivation.

Engouement pour le thème de la professionnalisation : il s’agit d’inclure, en plus des compétences au travail, la maîtrise des codes culturels et des valeurs de l’entreprise.

Evolution de la transmission des savoirs professionnels : les gestes de métiers et les savoirs associés de manière quasi-immuable ne sont plus stables, et du coup les processus de transmission sont passés de l’imitation, de la reproduction, à l’innovation.

On valorise de plus en plus une autonomie « hors-sol » de l’individu qui pourrait s’affranchir des contraintes matérielles et des cadres sociaux pour se construire.

Plusieurs pistes de recherche :

  • A quelles conditions peut-on faire évoluer sa pratique professionnelle ?
  • Y a t-il une place pour le doute, l’erreur, la reconnaissance de ses propres limites dans l’espace de formation au travail ? Question de la sécurité posée par le cadre de formation
  • Quel est le rapport du maître, du formateur, au savoir qu’il enseigne ? Ce rapport permet-il au formé de passer d’une identification au maître à une identification au savoir ?
  • L’apprenant est-il confronté à une diversité de modèle qui lui permettent de construire sa propre autonomie ?
  • Le sentiment d’efficacité personnelle et la confiance en soi sont-ils pris en compte dans la situation de formation ?
Présentation du centre

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