Cour des Comptes : urgence, coordination
L’éducation constitue l’un des thèmes prioritaires financés par les crédits spécifiques de la politique de la ville. Ainsi, l’Agence pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances (Acsé) a consacré en 2010 126,2 M€ à l’éducation, soit 26 % du budget de ses interventions, dont près des 2/3 ont été affectés au programme de réussite éducative. Le pilotage stratégique du dispositif est partagé entre l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et le ministère de l’éducation
Selon le rapport de la Cour des Comptes, en 2009-2010, 531 programmes de réussite éducative sont menés dans 752 communes et 1554 quartiers et concernent 130 000 enfants, pour une somme de 94,8 M€ en 2010
Hors la réussite éducative, une dizaine d’autres interventions, évaluées globalement à 31,1 M€ en 2010, poursuivent plusieurs objectifs pour prévenir l’échec scolaire et le décrochage, promouvoir des parcours d’excellence afin de favoriser l’égalité des chances et accompagner les familles dans leur rôle éducatif (soutien à la parentalité).
Le programme de réussite éducative "fait l’objet de multiples évaluations, sans qu’il soit réellement possible d’en mesurer la valeur ajoutée". Pour les rapporteurs, les éléments d’appréciation positive ne se fondent toutefois que sur des éléments déclaratifs collectes auprès des structures juridiques porteuses des programmes de réussite éducative ou des bénéficiaires (enfants et parents). Ces études ne suffisent pas à déterminer de maniéré précise la valeur ajoutée du programme de réussite éducative pour les bénéficiaires.
Une meilleure articulation des dispositifs éducatifs financés par des crédits spécifiques et des actions conduites par le ministère de l’éducation nationale est une nécessité, selon le rapport. Elle ne va pourtant pas de soi, alors même que ce ministère assure le co-pilotage avec l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) de plusieurs dispositifs de la politique de la ville en matière éducative. Les risques de redondance entre dispositifs, et de substitution des moyens spécifiques de la politique de la ville aux moyens de droit commun de l’éducation nationale sont, de fait, réels. Certains dispositifs ont la même cible : CLAS/accompagnement éducatif ; école ouverte/Ville Vie Vacances, accompagnement éducatif/réussite éducative…
Cet état de fait devait pourtant être évalué, comme le demandait la circulaire du 5 novembre 2010 demandant aux préfets un état des lieux.
Dans ces conclusions, la Cours des comptes rejoint les avis de nombreux experts ou d’associations : alors que les crédits spécifiques sont censés venir en renfort des crédits de droit commun pour jouer un effet de levier, il apparait dans certains cas, et particulièrement dans les domaines prioritaires de l’emploi et l’éducation, qu’ils se substituent à ces derniers, sans être alors suffisants pour financer des actions qui relèvent normalement des politiques de chaque ministère concerne.
La Cour et les chambres régionales des comptes recommandent notamment de
- poursuivre le rééquilibrage territorial des crédits spécifiques de la politique de la ville au profit des six départements identifies comme rencontrant les plus grandes difficultés (Bouches-du-Rhône, Essonne, Nord, Rhône, Seine-Saint-Denis, Val d’Oise) ;
- mettre en place une évaluation des résultats obtenus par les associations, débouchant sur une remise en cause des conventions inefficaces ;
- développer une contractualisation pluriannuelle des crédits de l’Acse? adaptée aux réalités locales et assortie d’une évaluation de ses effets ;
- renforcer la coordination entre le ministère de l’éducation nationale, l’Acsé et le secrétariat général du comité interministériel des villes.
La réaction du premier ministre n’a pas tardé : il appelle dès la rentrée à une concertation sur le ciblage des territoires prioritaires, sous la houlette du ministre de la Ville, François Lamy, avec « tous les secteurs de l’action publique » (éducation, emploi, santé, sécurité, justice). « Les nombreux zonages existants, définis au niveau national, devront être supprimés pour permettre une intervention à la fois mieux adaptée au contexte local et ciblée sur les quartiers qui en ont le plus besoin. »