Un dispositif de formation pour mieux gérer la perturbation scolaire dans un collège Rep+
Marie-Bénédicte Duprat, professeure d’espagnol et Eric Jourdain, professeur d’EPS sont tous deux formateurs académiques éducation prioritaire. Ils travaillent dans le seul établissement classé REP+ en Corse, le collège Saint-Joseph de Bastia. Ensemble ils ont animé un « café pédagogique » pendant six mois dans leur établissement dans le but d’améliorer la gestion de la perturbation scolaire. Comment gérer les situations de crise dans sa classe mais aussi au sein de l’établissement ? Le travail conduit est collectif, inter-métier et interdisciplinaire.
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Présentation du dispositif. Contexte, mise en place, objectifs | 00:00 |
Interroger les pratiques professionnelles : quelle méthodologie adopter ? | 05:23 |
Neopass@ction pour apprendre à analyser les pratiques | 08:56 |
De la réflexion à l’élaboration collective d’outils de remédiation | 13:26 |
Phase d’expérimentation du dispositif | 26:18 |
Quelques points de vigilance | 27:47 |
Comment les élèves perçoivent-ils la perturbation scolaire ? | 30:43 |
Propos conclusifs | 48:28 |
1. Présentation du dispositif. Contexte, mise en place, objectifs
Suite à une recrudescence des épisodes de perturbations et de sanctions, constatée dans l’établissement, un travail collectif est impulsé par les deux formateurs éducation prioritaire. Appelé « Café pédagogique », le dispositif prend la forme d’une formation hybride impliquant tous les professionnels volontaires. À l'échelle de l'établissement, l’objectif est d'améliorer la gestion de la perturbation scolaire mais aussi d’impulser une culture commune dans le traitement des situations critiques. Pour cela, les formateurs proposent de travailler à partir de l’analyse de pratiques enseignantes, puis d'accompagner le collectif dans la conception d'outils partagés.
2. Interroger les pratiques professionnelles : quelle méthodologie adopter ?
Donner à voir sa pratique à ses collègues ne va pas de soi. Les formateurs proposent donc des vidéos de séances de classe extraites de la plateforme Neopass@action et une grille d’analyse qui permet d'objectiver au mieux les situations observées et d'émettre collectivement des propositions de pratiques alternatives.
3. Neopass@ction pour apprendre à analyser les pratiques
Le point de départ du « Café pédagogique » est le visionnement de deux vidéos de la plateforme Neopass@ction de la rubrique « Faire face aux incidents » présentant des enseignants en situation problématique dans leur classe. A l’aide de la grille d’analyse, les enseignants décrivent ce qu’ils ont vu et interprètent les situations. Ils questionnent la notion d’autorité, réfléchissent à des moyens de réguler l'activité des élèves, font des liens entre régulation du cours et contenus didactiques et pédagogiques. Cela leur permet de construire collectivement des outils qui leur semblent utiles et qu'ils vont éprouver en situation.
4. De la réflexion à l’élaboration collective d’outils de remédiation
Les outils produits par le collectif sont les suivants :
- le Protocole commun de régulation et de médiation de l’ordre scolaire,
- la Fiche d’exclusion,
- le Contrat de respect mutuel.
Deux pôles sont identifiés dans le Protocole commun pour anticiper et gérer les crises : La gestion des élèves et la gestion des apprentissages:
- Du côté de la gestion des élèves, ce qui est important (et qui émane de l’observation par les enseignants), c’est prévenir, annoncer, occuper l’espace, recadrer, ne pas négocier, etc…
- La gestion des apprentissages renvoie aux dispositifs d’explicitation, à donner du sens, motiver, anticiper, réguler, s’adapter, etc…
Il existe une interaction entre ces deux pôles qui permet de cerner les moments de passages à risque pour les élèves, pour les enseignants ou pour les personnels de vie scolaire : prises de paroles intempestives, conflits entre élèves, chahut général etc… La reconnaissance des passages à risque permet d'anticiper un certain nombre de situations pouvant potentiellement déboucher sur une crise.
Dans le Protocole commun, il n’y a pas de réponse type aux situations de crise, ni de solution miracle. Mais il y a une démarche commune qui passe par :
- la médiation collective : passer d’une gestion individuelle, à une gestion collective de l’incident.
- La médiation au sein de la classe : contrat de respect, sanctions, etc…
- Un SAS d’exclusion. Chaque fois qu’un élève est exclu, il a une fiche d’exclusion. Cette fiche est simple et invite l’élève à réfléchir sur le motif de l’exclusion, les raisons pour lesquelles il perturbe le cours, et sur les règles de respect mutuel et du règlement intérieur qu’il n’a pas respectées.
En lien avec les travaux de Sébastien Pesce sur le geste éducatif Selon Sébastien Pesce, docteur en sciences de l'éducation, université de Tours, le geste éducatif est l’outil professionnel dont une équipe professionnelle dispose pour gérer les situations critiques. Il s’agit d’une action concrète qui résulte d'un processus d'élaboration et qui est portée par l'institution, l'établissement, selon les niveaux 4 et 5 (organisationnel et institutionnel) de la grille d'Ardoino.et ses références à Jacques Ardoino, la gestion de la perturbation scolaire, et en particulier des situations de crise, évolue d'une démarche individuelle vers une démarche collective, reconnue et soutenue par la direction de l'établissement. Le caractère institutionnalisé et durable de la fiche d’exclusion par lui donne une efficacité plus importante que si ce dispositif n’appartenait qu’à un enseignant seul. Des paliers de sanctions sont prévus, l’exclusion de cours d’un élève donnant lieu à la mise en place d’un protocole institutionnalisé.
pour aborder la complexité des situations conflictuelles
5. phase d’expérimentation du dispositif
Cette phase avait un double objectif, éprouver les outils en vue d'une amélioration ou d'une validation collective au café pédagogique suivant d'une part, et d'autre part ramener des situations de perturbation internes à l'établissement pour en faire des objets de travail partagé. Les enseignants ont donc été invités à signaler des situations de perturbations à l’aide d’une fiche intitulée « Rapport de situations liées à la régulation et la médiation de l’ordre scolaire ».
6. Quelques points de vigilance
Deux points de vigilance à signaler :
- Reconnaitre des déterminants de la construction d'une situation de crise à partir d'une vidéo permet de les mettre en mots et de faire culture commune autour de ces passages à risque, mais les reconnaitre pour les anticiper dans le feu de l'action de la classe en est une autre.
- Ce n'est pas si facile pour les enseignants de consacrer du temps à compléter cette fiche après la journée de travail, surtout lorsque celle-ci a été émaillée par la gestion de situations de perturbation.
7. Comment les élèves perçoivent-ils la perturbation scolaire ?
Dans ce chapitre, les deux formateurs expliquent comment ils ont travaillé avec une classe de 6ème pour recueillir leurs représentations des situations de perturbations scolaires. Ils ont proposé le visionnement de deux extraits vidéos issus du site de la chaire UNESCO lors d'une journée d'étude sur les gestes professionnels en 2016 qui présentent deux situations d'enseignement avec les mêmes élèves mais deux enseignants novices différents. L'une des deux situations est problématique. L’objectif est de voir ce que les élèves comprennent et comment la comparaison les amènent à analyser les deux situations.
Pour cela, les élèves ont été invités à compléter trois phrases avant la projection et après la projection des vidéos :
- Selon moi, un élève perturbateur est un élève qui…
- Selon moi, un élève perturbe le cours parce que…
- Pour qu’un élève cesse de perturber le cours, il faut…
Puis,les élèves réagissent aux interactions enseignant-élèves sous la forme d’un débat animé par les formateurs. Les élèves évoquent spontanément les notions de sévérité, de respect, d’autorité, de règles, de sanction
8.Propos conclusifs
Plusieurs conditions semblent nécessaires à la réussite d’un tel dispositif :
- la mise en place d’un pilotage avec un soutien institutionnel fort,
- un temps suffisamment long pour observer des transformations de pratiques,
- l’implication de toute la communauté éducative, tous métier confondus
- un accompagnement qui permet de construire l'observatoire des pratiques, le conservatoire et le laboratoire.
Les formateurs souhaitent faire évoluer le dispositif vers un questionnement de la difficulté scolaire en lien avec la perturbation.
Documents élaborés par le collectif du REP+
Protocole commun de régulation et de médiation de l’ordre scolaire |
Fiche d’exclusion |
Contrat de respect mutuel |