De la compensation à l’accessibilité, un exemple en géométrie : enjeux pour les élèves, le métier d’enseignant et le rôle de la formation
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La question du décrochage scolaire précoce demande quelques précisions. On a coutume d’entendre parler du décrochage comme du processus qui prend corps au collège ou au lycée par lequel certains élèves sont de plus en plus absents, rejettent les apprentissages. Ce processus aboutit, pour un certain nombre d’entre eux, à une déscolarisation sans qualification à 16 ans. Cependant, il nous semble que certains élèves s’engagent dans la voie du décrochage scolaire plus tôt, dès l’école primaire. Les manifestations de ce processus précoce de décrochage sont davantage le retrait, voire le rejet des apprentissages en classe que l’absentéisme. Cela se manifeste soit par la désimplication soit par des comportements qui peuvent perturber l’ensemble des élèves d’une classe ainsi que l’enseignant.
Ce texte tente donc, dans une première partie, de formaliser des éléments sur le décrochage scolaire précoce (en cycle 3 de l’école élémentaire) que nous avons pu observer lors de l’accompagnement formatif d’une enseignante débutant en Education Prioritaire. Dans une deuxième partie, le texte présente la situation de la classe dans laquelle nous sommes co-intervenus. Enfin dans une troisième partie nous développons les convictions éthiques et déontologiques qui nous ont guidés pour élaborer la séquence d’enseignement conjointement avec l’enseignante de la classe. L’accompagnement formatif a été assuré par une formatrice du Centre Académique Michel Delay (CAMD) dans le cadre d’une de ses missions : celle du Centre Académique de Ressources pour l’Education Prioritaire (CAREP) et par le coordonnateur du Réseau de Réussite Scolaire (RRS).
Contexte, constats
Cet accompagnement a eu lieu dans une école de la banlieue lyonnaise en RRS (ex-ZEP), au cœur d’un quartier prioritaire de la Politique de la Ville en ORU (Opération de Renouvellement Urbain) depuis 2006. Concrètement, cela veut dire que cette école accueille non seulement des élèves de familles défavorisées voire en situation de précarité, et en grande majorité issue de l’immigration non-européenne (Maghreb, Turquie). Même si cette Opération de Renouvellement Urbain vise à recréer de la mixité sociale sur le quartier à l’horizon 2016, elle contribue néanmoins depuis 6 ans, du fait des relogements, à renforcer la concentration de la difficulté sociale et la ségrégation ethno-raciale dans le quartier. « Ils sont où, les Français ?» a pu demander un père au directeur en venant inscrire son enfant à l’école… On imagine donc bien la fragilité psychologique de nombreux enfants de l’école, l’ethnicisation des relations entre élèves, voire carrément le rejet, par certains d’entre eux, de l’école et des apprentissages qu’elle propose.
Mais l’école, si elle ne peut agir sur cette dégradation du contexte socio-spatial, renforce elle aussi, par ses (dys)fonctionnements ordinaires, cette situation. Pour des raisons administratives, 3 postes d’enseignants de l’école ne peuvent être pourvus à titre définitif (postes qui correspondent au remplacement des enseignants déchargés pour certaines fonctions : direction de l’école, enseignant supplémentaire RRS, coordonnateur du RRS) et sont donc chaque année pourvus par de jeunes enseignants, souvent débutants, qui ne restent pas sur l’école. Les classes de CM1/CM2 étant les plus difficiles, ce sont celles-ci qui, refusées par les enseignants titulaires, se voient prises en charge par ces jeunes enseignants. Ainsi, les élèves de cette classe de CM2 se sont retrouvés chaque année depuis le CE1 avec un enseignant arrivant sur l’école et peu expérimenté. Ce manque d’expérience se traduit souvent par des difficultés dans la gestion de la classe qui amènent les enseignants à se centrer sur les problèmes de comportements des élèves au détriment d’une réflexion sur l’enseignement, les apprentissages, la professionnalité, la pédagogie et la didactique. Pour se protéger eux-mêmes, parce que l’institution scolaire les place dans une situation difficile sans les y avoir préparés, ces jeunes enseignants externalisent les causes des difficultés : si certains élèves sont en échec, c’est parce qu’ils ne se comportent pas bien, et s’ils ne se comportent pas bien c’est parce que leurs parents ne les éduquent pas correctement. Cette externalisation de l’origine des difficultés constitue un rempart qui préserve le sentiment de compétence des enseignants. Enseignants qui par ailleurs dépensent beaucoup d’énergie pour faire malgré tout leur travail très sérieusement. Mais l’accent porté sur l’externalisation de l’origine des difficultés, les efforts centrés sur un travail de socialisation empêchent les enseignants d’agir sur la nature des difficultés et par conséquent certains élèves échappent ou résistent à ces situations et basculent du côté du décrochage.
Problèmes rencontrés par l’enseignante dans la classe
Dès le début de l’année, Caroline, l’enseignante en charge de la classe, s’est retrouvée face à 5 élèves qui étaient enferrés dans une forme de rejet scolaire : le refus d’apprendre. Ces élèves n’existaient dans la classe que par leur statut de fauteurs de troubles. Ce statut leur conférait une aura et un pouvoir sur les autres élèves, si bien que l’ensemble de la classe se retrouvait régulièrement confronté à des situations extrêmement conflictuelles et peu propices aux apprentissages. Dans ces conditions, le moindre flottement, la moindre erreur dans l’organisation de la classe (erreurs qu’on ne peut guère éviter quand on a peu d’expérience dans le métier) dégénéraient en conflit, voire en bagarres dans la classe.
Caroline a œuvré à garantir pour chaque élève la sécurité physique et affective nécessaire pour entrer dans les apprentissages. Malgré ce travail de chaque instant, elle a rapidement constaté que le climat de la classe n’était pas propice aux apprentissages et elle s’est sentie en difficulté. Pour y remédier elle a refusé de tomber dans l’autoritarisme (piste proposée par certains collègues). Elle a souhaité faire autorité et pour cela elle a exploré des pistes en lien avec ses convictions et sa représentation de l’enseignement. Etant en éducation prioritaire, elle a d’abord exploré des méthodes compensatoires (« donner plus à ceux qui en ont le plus besoin ») :
- Aides personnalisées
- Différentes actions culturelles proposées dans le cadre de l’Education Prioritaire
- Nourrissements culturels qu’elle s’efforce d’apporter
- Pédagogie du détour
- Seuil de tolérance décalé
- Quelques renoncements qu’elle déplore (faire peu écrire les élèves par exemple)
- …
Malgré cela, elle a constaté que ses élèves n’entraient pas de façon satisfaisante et apaisée dans les apprentissages.
Parmi les champs disciplinaires qui posaient problème, la géométrie était un sujet d’achoppements particulièrement récurrent. Certains élèves étaient en rupture avec cette partie du programme et avaient une image tellement dévalorisée d’eux même concernant ce domaine qu’ils adoptaient des attitudes de protection ou d’évitement. Cela se concrétisait de la façon suivante : certains refusaient d’entrer dans les tâches proposées, d’autres adoptaient des comportements perturbateurs qui pouvaient prendre une telle ampleur que la gestion de la situation ne permettait pas de réaliser la séance de géométrie prévue.
Expérimentation d’une séquence réfléchie en termes d’accessibilité pédagogique et didactique
L’Action Formation Recherche proposée par le CAMD (Centre Académique Michel Delay), une opportunité dans l’Académie de Lyon
Lorsque Caroline fait appel à nous, elle est bien consciente de deux choses. Tout d’abord en tant que Professeur des écoles, elle n’est pas didacticienne des mathématiques, or elle a besoin du point de vue d’un spécialiste en géométrie. Enfin, elle a besoin de faire équipe avec quelqu’un pour reprendre en main sa classe et raccrocher, par le biais des apprentissages, quelques élèves qui sont en train de décrocher. Elle constate que faire la classe n’est pas suffisant, il s’agit bien de « faire Ecole » au sens où Philippe Meirieu l’entend. Nous faisons l’hypothèse que si Caroline est en mesure de prendre du recul sur ce qui se passe au quotidien dans sa classe, de faire résonner ses convictions dans sa professionnalité, de porter un regard empathique sur des situations dans lesquelles elle est actrice, c’est sans doute lié à son expérience personnelle et professionnelle antérieure.
Nous avons été en mesure de lui apporter l’aide qu’elle demandait grâce à une équipe de circonscription qui a créé les conditions de cet apport formatif (une vraie qualité du travail d’équipe pluri-catégoriel formateurs / Inspecteur / conseillers pédagogiques / coordonnateur RRS et un climat de confiance avec les directeurs et les enseignants) et en prenant appui sur un projet mené dans le RRS, depuis 3 ans, sur la conscience des apprentissages. Ce projet a pour support disciplinaire, en 2011-2012, l’approche des mathématiques par la résolution de problèmes. Il est mené en partenariat avec les écoles du RRS, les deux collèges du RRS et le Centre Académique de Ressources pour l’Education Prioritaire du CAMD. Il prend la forme d’un contrat qui porte sur 4 années et qu’on nomme une Action Formation Recherche (AFR).
Dans le cadre d’une AFR, des temps d’apports formatifs sont prévus, ainsi que des temps de conception de séquences et de séances à réaliser dans la classe. Des temps de mutualisation et de création de ressources pour le réseau sont également planifiés. Mais surtout, c’est une spécificité des AFR, un accompagnement in situ est proposé aux enseignants qui le souhaitent. C’est dans ce cadre que nous avons accompagné Caroline dans l’élaboration de sa séquence de géométrie et dans sa mise en œuvre dans la classe.
Des représentations douloureuses de la géométrie qui aboutissent à un projet éthico-mathématique
Les représentations des élèves : En géométrie il y a des objets : droites, segments, points, cercles… et on utilise des outils : règles, équerre, compas… L’apprentissage de l’utilisation de ces outils figure dans les programmes. Souvent, pour les élèves, la géométrie consiste à dessiner des objets avec des outils. Il s’agit de bien s’appliquer. Malgré cela les figures ne sont pas toujours propres, pas toujours précises, peu agréables à regarder. Il manque souvent quelque chose (aux yeux de l’enseignant). Un compas mal vissé, des crayons mal taillés, des oublis de matériel, une équerre émoussée… Autant de stratégies d’évitement de la part des élèves (autant d’éléments qui autorisent l’enseignant à se déculpabiliser et à se protéger…)
Noyés par des problèmes d’outillage, de graphisme et de motricité fine, de nombreux élèves ne perçoivent ni les enjeux ni le sens de la géométrie. Bien loin des concepts, ils restent sur le but de la tâche : réussir ce dessin, faire en sorte que cet angle paraisse droit. La dévolution pour les activités géométriques proposées ne se fait pas. L’élève, placé en position de récepteur (d’une tâche à réaliser), doit répondre à une question qu’il ne s’est pas posée, qu’on lui impose, pour laquelle l’enjeu de la tâche n’est pas visible. Centré sur le but de la tâche, insatisfait de ses productions, il décroche, refuse, renonce ou perturbe la classe. Au final, l’activité géométrique cristallise tellement de tensions qu’elle ne laisse aucune place pour une réflexion sur les objets de savoirs. Dès lors le mot « géométrie » lui-même fait peur.
Les représentations des enseignants : En géométrie il y a des tâches compliquées, des outils que les élèves ne maitrisent pas, des difficultés matérielles récurrentes. Il faudrait pratiquer le préceptorat en classe, c'est-à-dire prendre le temps de regarder chaque élève, l’aider à manipuler ses outils… Mais on ne peut pas se démultiplier. La géométrie c’est fatigant, la gestion de classe est éreintante. Les séances sont bruyantes et les résultats sont généralement décevants. Ceux qui savent faire, qui sont à l’aise avec le graphisme, progressent, mais pour les autres, c’est difficile, les progrès sont peu visibles, les productions peu gratifiantes.
Les concepts et des notions de géométrie ont été trop peu abordés en formation initiale et/ou continue. Le Professeur des écoles ne peut pas être expert dans tous les domaines qu’il est amené à enseigner, il faut se faire une raison. Parfois des enseignants confondent géométrie et dessin, assimilent une droite à sa représentation. Souvent ils sont exigeants au niveau de la qualité du graphisme, de la forme de la production (propreté de la figure, traits fins, points marqués par une croix…), du vocabulaire technique utilisé (pointe sèche du compas…). Or ces tâches de dessin sont peu gratifiantes telles qu’elles sont pratiquées, et elles ne permettent pas d’accéder aux concepts mathématiques. Les contraintes motricielles et de graphisme font obstacles aux savoirs.
Dans le cas de Caroline, ces types de tâches étaient incompatibles avec le profil des élèves de sa classe. Elle souhaitait travailler la géométrie, sans laisser d’élèves au bord du chemin, sans renoncer à ses exigences, et avec l’ambition de les faire approcher, tous, le plus prêt possible des concepts.
Notre point de vue de formateurs et la stratégie élaborée collectivement :
« Trop d’élèves apprennent des réponses à des questions qu’ils ne se sont pas posées. Débuter une leçon c’est mettre en posture de questionnement, d’un questionnement que l’élève peut s’approprier sans se résigner à « suivre » des consignes. Le « sens » c’est la direction : s’il n’est pas perçu au départ, les « habitués » du système scolaire joueront de l’opportunisme scolaire acquis (notamment en fonction de leur milieu social et culturel d’origine), les autres chercheront empiriquement, tâtonnant à l’aveugle et, nous le savons, le fossé entre les deux groupes se creusera. » (GUILLOT, 2008, "affectivité et autorité dans l’éducation des enfants", publié dans le revue PATIO n°17 pages 6 et 7).
La géométrie ayant un ancrage très ancien dans l’histoire de l’Homme, on peut l’aborder par l’histoire, par l’épistémologie, par des problèmes à dimension anthropologique, par le biais des arts, de l’architecture… Ces approches répondent au problème du sens soulevé par Gérard Guillot ci-dessus, et elles permettent également d’enrôler les élèves dans les tâches qui sont proposées.
Notre parti-pris a été de travailler dans le plan de la feuille et celui de l’écran de l’ordinateur. C’était le choix de Caroline.
Parmi de nombreux objectifs pédagogiques et didactiques, nous en avons privilégiés cinq qui nous ont semblé prépondérants :
- Enrôler les élèves
- Assurer les conditions de la réussite pour tous dans l’effectuation de la tâche sans leurrer les élèves (réflexion en termes d’étayage et de dés-étayage)
- Rendre cette réussite perceptible et la valoriser (par les encouragements mais aussi à travers la satisfaction personnelle et par la mise en valeur des productions)
- Autoriser les élèves à faire de la géométrie et à en parler
- Utiliser un logiciel de géométrie dynamique (géogébra) pour contourner les difficultés motricielles, et pour accéder aux savoirs.
Nous avons choisi d’aborder la géométrie plane par de « belles figures » présentées sous la forme d’un diaporama, pour créer l’accroche, s’assurer de la dévolution. Nous avons expliqué aux élèves que notre but était de les amener à être en mesure de construire chacune de ces figures, à savoir en parler également. Les élèves savaient dès le départ qu’au cours de cette séquence d’enseignement ils seraient amenés à dessiner certaines figures sur feuilles, d’autres sur l’ordinateur et qu’ils seraient également amenés à travailler sur des programmes de construction de figures géométriques.
Notre réflexion, lors de la préparation, s’est portée sur l’accessibilité pédagogique et didactique des tâches que nous allions proposer. Les tâches motricielles devaient être accessibles et ne pas nécessiter de dextérité en termes de graphisme. De plus les productions réalisées devaient être esthétiquement «belles» pour valoriser les élèves, permettre à tous d’atteindre le but de la tâche et d’en être satisfait, sans occulter l’enjeu de la tâche. Cela signifie par exemple que nous avons été vigilants à ne pas mettre la focale sur la précision des constructions lors des activités papier-crayon.
Des protocoles de construction informatisés qu’on peut faire tourner en boucle, à différentes vitesses, permettaient une bonne compréhension des tâches à réaliser. Les aides entre pairs et entre élèves/enseignants étaient encouragées. Des temps de régulation, en fonction des besoins émergents ont été pris régulièrement. Par exemple pour construire une figure que nous avions nommée « les hexagones imbriqués », il fallait trouver les milieux d’un grand nombre de segments. Une première régulation s’est imposée pour rappeler différents protocoles de construction du milieu d’un segment, et aussi pour signifier collectivement que cette construction, répétée un grand nombre de fois était fastidieuse et laborieuse. Peu de temps après une deuxième régulation s’est imposée pour signaler que ces milieux pouvaient se construire simplement comme intersections respectives d’une droite et d’un segment.
A la fin de chaque séance nous nous sommes efforcés de mutualiser des procédures qui portent sur les objets de savoir et non sur le graphisme ou la motricité et nous avons institutionnalisé dans le même sens.
Enfin, lors de séances sur postes informatiques, le logiciel de géométrie dynamique n’a pas seulement été utilisé comme un outil de géométrie, mais bien à des fins didactiques. En effet, « l’épreuve de vérité », qui arrive à tout moment, à la demande de l’élève ou sur proposition de l’enseignant et acceptation de l’élève ou en auto-vérification, consiste à vérifier que les propriétés caractéristiques d’un objet géométrique ont bien été définies. Par exemple, un élève qui aurait construit deux droites sécantes qui semblent perpendiculaires au lieu de deux droites perpendiculaires verra sa figure se déformer lors de l’épreuve de vérité. L’échange sera alors centré sur les conditions qu’il faut imposer au logiciel pour que la figure ne se déforme pas. La discussion porte bien sur les propriétés caractéristiques des objets géométriques, ou sur les propriétés qui lient des objets. On est donc au cœur des objets de savoirs, bien loin des discussions qui amènent à réfléchir à « l’endroit où je plante la pointe du compas et de combien je l’écarte ».
Conclusion
Au terme de cet accompagnement, on peut dire que tous les élèves se sont investis dans les activités proposées, ont pris du plaisir à travailler et l’ont exprimé. Durant les séances, les élèves ont fait de la Géométrie et ont parlé de Géométrie. De plus Caroline nous a fait part de l’apaisement du climat de la classe qu’elle attribue en partie à ce travail. Quant aux cinq élèves « décrocheurs », nous les avons entendus dire au début d’une des séances qu’ils préféraient se séparer pour mieux travailler !
Ainsi, même si les élèves (de cette classe) qu’on pourrait qualifier de “décrocheurs précoces” ont une fragilité psychologique liée notamment à des problématiques familiales, il nous semble que ce qui les amène à décrocher à l’école est lié à des problèmes de l’école ! Outre les dysfonctionnements institutionnels évoqués, qu’il appartient à l’administration scolaire de résoudre, si l’école doit “faire Ecole” pour tous, il faut se poser la question de ce qui mérite de “faire Ecole” : les savoirs ou le formalisme, les notions géométriques ou les habiletés motricielles liées à l’utilisation des outils ? Si ce sont les savoirs, alors c’est bien sur eux que doit porter la réflexion pédagogique et didactique pour qu’ils soient accessibles. Cette réflexion sur l’accessibilité des savoirs, qui passe par la levée de malentendus - à l’école on ne fait pas pour faire, on fait pour construire des savoirs - est la condition d’une ambition pour tous, d’une école démocratique. C’est dans ce sens que nous avons essayé de concevoir l’accompagnement formatif avec Caroline dans sa classe.
Pour autant il ne faudrait pas oublier que si nous avons pu faire équipe autour de ce problème, quel que soient nos métiers ou nos fonctions, c’est grâce au fonctionnement d’une circonscription du premier degré et d’un RRS, qui vont souvent à contre-courant de beaucoup d’autres. Nous sommes persuadés que le “management” autoritaire et prescriptif qui s’est accru ces dernières années dans l’Education Nationale fait obstacle à la réflexion sur la professionnalité dans l’école et entraine le repli sur soi de nombres d’enseignants. Or, les enseignants sont les acteurs privilégiés du changement et de la transformation de l’Ecole. Lutter contre le décrochage des élèves, c’est aussi lutter contre le décrochage des enseignants en construisant un climat de confiance propice à la réflexion collective et en offrant les conditions de formation nécessaires pour alimenter cette réflexion.