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Accompagnement à la scolarité : vision historique, moderne ou post-rythmes ?

Par skus — publié 07/07/2015 17:20, Dernière modification 14/04/2016 12:05
Intervention d'Eddie Marchand, coordonnateur du Périscolaire, Ville de Dijon aux journées d'étude "Quelles collaborations locales et institutionnelles pour améliorer l’accompagnement à la scolarité ?"

Texte intégral de l'intervention.

Petit préambule : mes propos ne sont en aucune manière scientifiques et en aucune manière jugeant. Ils abordent la question de la réussite scolaire du point de vue d'un professionnel de l'éducation par les loisirs.

Entre idées ou conceptions personnelles et théorie ?

Si je vous dis qu'il existe dans la société plusieurs institutions et divers lieux qui contribuent à l'éducation des jeunes, si je vous dis que les diverses institutions éducatives ne peuvent vivre enfermées sur elles-mêmes, une émulation entre elles et une complémentarité sont nécessaires et enfin si je termine par les municipalités, parce qu'elles sont proches des populations qui y habitent, et elles ont un rôle fondamental à jouer pour susciter et réguler le tiers lieu, préciser les objectifs et articuler entre elles les diverses institutions éducatives. Cela vous parle ? Ces idées ne viennent pas de moi, quoique en qualité de militant éducatif intiment convaincu de leur bien-fondée. Non ces idées sont empruntées à Philippe Meirieu et font partie de ce qu'il appelle le tiers-lieu éducatif.

Aujourd'hui, peut-on encore demander à l'école d'être responsable de toute de l'éducation ? Ou est-ce la surcharger inutilement. Hors de leur famille et de leur école, les jeunes ont besoin d'un troisième lieu éducatif. Nous y reviendrons un peu plus loin.

 

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Entre idées personnelles et théories ? 0:00
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Pour conclure : dépasser les clivages et se re-connaître acteurs éducatifs, un levier de la réussite éducative ? 28:16

Revenons à l'accompagnement scolaire. Traditionnellement, ce que je vois de l'accompagnement scolaire c'est une offre pensée comme la nécessité de retravailler les programmes scolaires sous une autre forme certes mais qui reste fondamentalement attachée, orientée ou cadrée par une logique scolaire.

Et si la question de la réussite éducative était de dépasser le cadre de ce que l'on connaît pour imaginer d'autres voies ? Pour certains, j'enfonce des portes ouvertes, pour d'autres, ce peut être utopie, voire foutaises... mais des voies basées sur la co-éducation, favorisant le vivre-ensemble et surtout le mieux vivre à l'école, école ici vu comme un lieu et un temps (de l'arrivée au départ de l'enfant).

« La co-éducation peut être définie comme une forme d’éducation qui privilégie l’apprentissage en autonomie, par l’expérience collective et la collaboration. Elle ne se limite par à l’interaction entre l’enfant et le média censé permettre l’apprentissage, mais s’appuie aussi sur l’émulation du groupe et prend en compte la situation d’apprentissage dans son ensemble. Le principe de co-éducation met l’accent sur le rôle de chacun de ceux qui entourent un enfant dans le processus éducatif (parents, enseignants...). La co-éducation est un processus interactif et collectif qui favorise la socialisation de l’enfant » (extrait du lexique du site universcience.fr).

10 ans d'expériences sur la ville de Dijon

 

Cette introduction étant faite, je vous propose de vous expliquer une pratique, un projet municipal et son évolution. Ses débouchés actuels et ses perspectives.

 

Dans le cadre de son PEL signé en 2001, la ville de Dijon décide d'étendre l'offre périscolaire à toutes les écoles publiques et en 2004, harmonise l'ensemble du territoire dijonnais.

Avant 2004 : 

  • Une offre éparse, non homogène :
    • En élémentaire, une offre périscolaire déclarée auprès du ministère JS, gérée par une association départementale (PEP 21) mais uniquement sur certaines écoles (15 environ) au gré des demandes de parents. 
    • En maternelle, une offre dans toutes les écoles mais non déclarée, juste une garderie du point de vue des obligations réglementaires incombant à un accueil déclaré. 
  • Des disparités réelles (et en lieu avec le tiers lieu sur le rôle des municipalités) :
    • Un accueil partout en mat, mais éclaté en élémentaire, quid des familles avec des enfants dans les deux catégories d'âge.
    • Une tarification et des horaires différents spécifiques aux organisateurs. 
    • Une gestion de la pause méridienne problématique entre maternelle et élémentaire et une responsabilité dévolue aux directeurs d'école. 
    • Une offre qualitative différente

2004/2005, le tournant éducatif : 

  • Harmonisation sur tout le territoire dijonnais :
    • Un accueil partout soit en regroupement, soit séparé. 
    • Une reprise de la collectivité de l'ensemble du service périscolaire (mat & élém) mais conventionnement associatif pour du personnel mixte. 
    • Une tarification au taux d'effort et des horaires homogènes
    • Un temps déclaré Jeunesse et Sports avec professionnalisation forte.

L'organisation humaine sur le territoire

  • Un découpage territorial des 82 écoles (80 aujourd'hui) en 9 pôles d'accueils territoriaux. Le terme exact est une déclaration en marguerite. Nouvelle possibilité proposée par JS, en 2004, notamment suite à demande de la ville. Cette mesure fut expérimentale sur le département et nationale ensuite.
  • Un directeur périscolaire BEATEP (Brevet d’État d’Animateur Technicien de l’Éducation Populaire. Fiches d'Orientation) / BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport) ou plus : DEFA (diplôme d'État relatif aux fonctions d'animation), DUT CS (diplôme universitaire de technologie carrières sociales), à la tête de chaque pôle (diplômes professionnels).
  • Un Adjoint Educatif, interface entre l'école, les familles et le périscolaire. Pivot de la politique éducative, sur site délégué du directeur itinérant avec un BAFD (titulaire ou formé à terme).
  • Un ou plusieurs animateurs pour compléter les équipes. 
  • Tous les animateurs employés sur le secteur périscolaire sont titulaires au minimum du BAFA. 
  • Ces dernières années pour faire face aux différentes évolutions, des postes de DAP ont été créés pour accompagner, aider et dynamiser le temps de la pause méridienne pour des titulaires d'un BPJEPS. 
  • Un coordonnateur pédagogique et technique sur la ville, « defasien » de formation. 
  • Création d'un service périscolaire au sein de la collectivité comprenant un chef de service, un coordonnateur et 2 gestionnaires administratifs.

L'offre pédagogique

PEG DIJONAvec la création du service périscolaire et la professionnalisation, une nouvelle dynamique s'installe à Dijon. Une vraie réflexion autour du sens et des objectifs éducatifs prend forme. Tout en répondant aux objectifs du PEL, la professionnalisation des acteurs a engendré des évolutions et placé ou re-placé l'enfant au cœur des préoccupations. (Voir le PEG de Dijon)

Concrètement, en tant qu'animateur, lorsque je fais un jeu, une animation, celle-ci est proposée dans quel but ? Qu'est-ce que je cherche à voir, à proposer, à développer ? A quel besoin physiologique, cognitif, affectif répond cette offre ? A quel étape de son développement se situe-t-il ? Que puis-je proposer à un enfant de 3 ans, de 6 ans et de 9 ans ?

Cette réflexion s'est organisée autour d'une approche nouvelle pour beaucoup, la dynamique de projet, au sens de HOUSSAYE, c'est à dire vue comme une dialectique permanente entre pratique et théorie éducative.

« Le terme de « projet » renvoie étymologiquement à l’idée de « jeter en avant » et il s’agit donc de se mettre en perspective de réaliser un produit dans le futur. Nous sommes tous des familiers de la logique de projet dans notre vie quotidienne si l’on considère qu’il y a projet dès lors que l’on s’est fixé une finalité, un but à atteindre et qu’on cherche les moyens de l’atteindre.

CROS (Dictionnaire Encyclopédique de l’Éducation et de la Formation. Nathan, 1994, p. 802) définit ainsi la dynamique de projet comme un "paradigme valorisant l’activité concrète et organisée d’un sujet soucieux de se donner un but et les moyens adaptés pour l’atteindre" Dans le champ éducatif, Cros montre que la pédagogie du projet héritée des expérimentations des mouvements d’éducation nouvelle est une proposition pédagogique fréquente depuis les années 70 visant à mettre en œuvre une action finalisée par un but explicite. BRU et NOT (Où va la pédagogie du projet ?, Éditions Universitaires du Sud, 1991, p. 327) considèrent que "le projet concrétise une intention ; il pose un but ; et prévoit un certain nombre de moyens pour l’atteindre ; il se précise sous forme de programme d’activités successives à travers lesquelles ces moyens seront mis en œuvre."

Dans l’espace pédagogique, la dynamique de projet est donc généralement mise en lien avec l’idée d’un enseignement centré sur l’élève dans la continuité et dans la perspective du « Learning by doing », selon la formule consacrée de DEWEY. »

La pédagogie de projet dans les dynamiques d'enseignement-apprentissage, Laurent Lescouarch, Université de Rouen, en ligne sur le site de la FADBEN

Sans révolutionner les pratiques, c'est à dire, sans changer fondamentalement les actions proposées sur le terrain, le basculement s'est effectué dans l'anticipation, dans la compréhension de son territoire (autour de l'école) et de ses possibilités, dans la construction d'étapes et de marches successives pour atteindre les objectifs, avec tout ce que ce que cela a pu engendrer :

  • Un véritable engouement doublé de vraies craintes pour les animateurs : une reconnaissance de mon métier, mais serais-je capable de ?
  • Une ouverture sur l'extérieur, souvent en lien avec le développement de l'enfant (s'ouvrant peu à peu au monde qui l'entoure)
  • une satisfaction des familles : en quelques années, le service est passé, du point de vue des familles, d'une garderie à un véritable lieu éducatif. Les enfants étaient déposés par obligation (aujourd'hui encore, ces accueils constituent un mode de garde pour les parents = il est intéressant de noter que ce terme continue d'égratigner les animateurs d'ailleurs) et on a vu évoluer les pratiques avec des enfants souhaitant venir au gré des projets ou des animations et donc des parents « contraints » de laisser leurs enfants, voire de venir les chercher de plus en plus tard. On peut aussi discuter cette évolution qui est d'ailleurs en débat chez nous : la rançon de la gloire ne se fait-elle pas au détriment du respect des rythmes de l'enfant ?
  • Une rencontre avec les enseignants légèrement tendue, voire carrément tendue, et sur certains secteurs très fermée. Perte pour les directeurs de la « direction du temps de midi », volonté affirmée autour de nouvelles valeurs et autour d'un statut de professionnel de l'éducation parfois un peu trop affirmé, place et surtout la place et le rôle de chacun. L'école est un lieu par définition sacralisé, uniquement axé autour de la notion d'apprentissages, surtout didactiques. En 2004, l'école, en terme de bâti, devient un lieu de co-éducation. Le monde enseignant doit, par obligation, apprendre à vivre avec des animateurs « affranchis » et soucieux de reconnaissance.

Ces premières années ont fait émerger beaucoup de situations difficiles avec souvent deux attitudes : une volonté d'accueillir et de faire du lien entre l'école et le périscolaire ou un rejet, une séparation nette entre les deux secteurs et des positions tranchées parfois source de conflits.

Mais ce qui était encore inacceptable en 2004, qu'en est-il aujourd'hui ? D'année en année, les rencontres et les projets tissent d'autres relations professionnelles. Une place et une participation au conseil d'école, une participation aux réunions de rentrée, des temps de concertation : en réunion éducative (parfois disciplinaire), ou en réflexion autour des inscriptions en accompagnement scolaire ou en gestion des activités USEP, des alertes et signalements en commun (RTIP), des projets conjoints...

Pour conclure : dépasser les clivages et se re-connaître acteurs éducatifs, un levier de la réussite éducative ? 10 ans d'évolution

Eddie MarchandSi je fais un bref retour à mon introduction et aux propos de Philippe Meirieu, l'école ne peut porter seule l'éducation de tous les enfants.

Les options pédagogiques de Freinet ou de Dewey ne se résument pas à l'inscription des enfants dans un programme scolaire, dans un cursus. L'apprentissage des savoirs scolaires s'inscrit dans l'histoire singulière de chaque enfant à travers l'élaboration, la conception de projets et de créations collectives. La classe mais plus largement l'école devient alors un lieu de production où les enfants dépassent le métier d'élève, sans obligation de s'y conformer et deviennent apprentis (chercheurs, journaliste, artistes, sportifs...).

Par son approche résolument tournée sur les capacités et les aptitudes, par son postulat de l'éducabilité de tous, et par ses pratiques d'agir collectif, l'animation mais plus largement l'Education Populaire dont je me revendique, se place à l'interface entre savoirs institués et savoirs informels. Elle propose des espaces de créativité et de reconnaissance des capacités de chacun, mais aussi de réinvestissements des savoirs.

N'y a t-il pas là une opportunité à saisir pour changer notre regard sur des pratiques et à faire se rencontrer des acteurs dans le respect de leur « professionnalité ». Ne serait-ce pas là aussi une forme nouvelle d’accompagnement à la scolarité ?

Hier encore : Des enfants « chahutés » par 2 logiques différentes (2 mondes différents ?), qui s'entrecroisent, voire s'entrechoquent, qui revendiquent et au mieux s'acceptent dans le sens de se tolérer 

Mais... Aujourd'hui : Une (r)évolution qui redéfinit les cartes du monde éducatif ...

  • Un PEDT construit, débattu entre directeurs d'écoles et directeurs d'ACM lors de réunions co-animées Education nationale et « Education Populaire »
  • Un magistère autour du périscolaire 
  • Un LEA avec l'IFé pendant 3 ans
  • Un travail partenarial autour de la question centrale enseignant/animateur : qu'est ce que cela me fait de faire des sciences ?
  • Des projets co-construits école périscolaire (avec restauration municipale, parents et associations)RYTHMES SCOLAIRES DIJON
  • Des créations de clubs pendant le temps des NAP/TAP : sur la base d'un projet annuel, complémentaire, permettant de retravailler les savoirs sous une forme ludique, loisirs.. sciences, nature & environnement, jeux (pour le vivre-ensemble et le respect des règles...)
  • Une intervention autour du groupe départemental maternel (IEN, CPC, directeurs d'écoles d'application et normales, maîtres formateurs, psychologue de l'ESPE) pour découvrir et faire découvrir le métier d'animateur, échanger sur les rythmes et proposer des pistes d'évolution.

Et pour demain : Des logiques d'acteurs au service d'un projet collectif, la réussite des enfants, de tous les enfants.Des logiques qui se comprennent, s'entendent ET se complètent pour construire ensemble pourquoi pas l'école de demain.

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Eddie Marchand