Accompagnement à la scolarité et parentalité : le rôle de l’ACEPP
Journées d'étude "Questions vives du partenariat et réussite éducative. Quelles collaborations locales et institutionnelles pour améliorer l’accompagnement à la scolarité ?"
Texte rédigé à partir de la prise de notes.
Lors de son intervention, Murielle BAYON, coordinatrice à l'ACEPP du Rhône, a présenté le travail des professionnels de l'ACEPP dans le cadre du troisième pôle, c'est à dire comment ils interviennent dans la relation famille/école pour favoriser la construction d'une alliance éducative, les freins qu'ils rencontrent, les points aveugles qu'il s'agit de révéler...
Pour introduire son propos, Murielle BAYON propose de visionner un reportage produit par le centre Alain Savary et présentant le travail du lieu Passerelle d’une école de Saint-Priest (69) conduit par l'ACEPP du Rhône.
Le rôle des professionnels de l’ACEPP dans la relation famille/école concernant l’accompagnement à la scolarité
La relation entre les familles et l’école est très importante, d’autant plus lorsqu’il s’agit de la construire au moment où les parents scolarisent pour la première fois leur enfant en maternelle.
De nombreux freins à la construction d’une alliance éducative apaisée et égalitaire sont repérés par les professionnels de l’ACEPP et c’est donc là qu’ils ciblent leur action.
Pour de nombreux parents, la scolarisation d’un enfant renvoie à leur propre scolarité et pour nombre d’entre eux, cette scolarité est faite d’expériences douloureuses qui évoquent des sentiments d’échec dont ils souhaitent préserver leurs enfants. L’expérience ordinaire de certaines familles, avec les institutions en général : mairie, CAF, la poste..., relève du rejet ou du décalage systématique. En effet ces familles, en lien avec leur expérience de vie, ne se sentent jamais légitimes dans leurs demandes ou leurs attentes. Elles ont le sentiment qu’on attend toujours d’elles, justement ce qu’elles n’ont pas, quelle que soit l'institution. L’école n’échappe pas à cette désalliance institutionnelle lorsque les familles l’ont intégrée.
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Les missions de l'ACEPP du Rhône |
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Les lieux Accueil-parents |
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Comment les parents accompagnent leurs enfants dans leur travail personnel |
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Les familles qui ne font pas alliance avec l'école |
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Identité professionnelle des animateurs de l'ACEPP |
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L'appréhension des familles lorsque elles scolarisent leur enfant, peut être très forte, et elle est souvent minimisée par les professionnels parce que les parents ne la disent pas ou ne la montrent pas. Elle apparaît sous des formes de protections qui ne sont pas toujours lisibles en tant que telles (distance affichée dans la relation, absence lors des réunions...). Un espace comme le lieu Passerelle de Saint Priest permet aux parents de prendre confiance, dans une temporalité adaptée à leurs besoins, et d’établir une relation avec les enseignants, les ATSEMs et tous les professionnels de l’école, en voyant et en comprenant comment leur travail s’organise et se construit autour des enfants. Le lieu Passerelle permet en effet de transformer les regards des parents sur l’école puisque ceux-ci portent en eux leur regard d’anciens élèves.
Le lieu Passerelle de St Priest
Vidéo réalisée par Cynthia Frenet, Cécile Keloumgian et Marie-Odile Maire-Sandoz - centre Alain-Savary
Ce lieu existe depuis 2008. On peut le regarder pour essayer de comprendre quelles sont les conditions qui permettent de construire une relation apaisée famille/école basée sur des rapports de confiance.
Un exemple de ce qui a pu se pratiquer dans cet espace et des effets que cela produit sur la relation famille/école :
Des repas partagés entre enseignants de l’école et Mamans d’enfants scolarisés, organisés sur le temps de midi, avec alternativement des préparations du repas organisées par les enseignants puis par les Mamans. Ces temps informels qui peuvent sembler centrés sur le plaisir culinaire et gustatif, permettent en réalité une rencontre qui évacue les rapports dissymétriques entre des professionnels détenteurs d’un savoir académique et des « parents d’enfants » en train de découvrir leur rôle de « parents d’élèves ». Ces temps de repas qui permettent de partager des points de vue de parents-éducateurs à égalité de statut, avec toutes les incertitudes liées à la parentalité, avec des maladresses avouées de part et d’autre, qu’on soit parent d’élève de l’école ou parent-professionnel, développent des formes de connivence. Ces temps permettent donc d’apprendre à se connaître vraiment, de déconstruire les préjugés et les représentations stéréotypées des uns et des autres.
Pour Murielle BAYON, la relation de confiance représente une condition nécessaire pour que les parents s’engagent aux côtés des enseignants dans l’accompagnement et le soutien à la scolarité de leur enfant. Notamment lorsque des difficultés apparaissent, parents et enseignants parviennent à en parler ensemble sans que les parents ne se sentent remis en cause dans leur rôle d’éducateur, ni les enseignants dans leurs missions professionnelles lorsque à la condition que la confiance soit établie. De plus, grâce au travail de médiation des animateurs de l’ACEPP, les rencontres sont moins éprouvantes pour les familles qu’elles ne le seraient dans un contexte ordinaire. En effet, sans cette médiation, on observe parfois des stratégies d’évitement de la part des parents qui, par exemple, ne se rendent pas aux rendez-vous fixés par les enseignants.
Dépasser les cadres normatifs de l’école pour se comprendre
Le lieu passerelle permet de dépasser les cadres normatifs de l’école pour se comprendre. En effet, l’école et les professionnels qui y exercent sont pétris de leur culture professionnelle. Les cadres normatifs qui organisent le travail sont intégrés par les professionnels qui, parfois, ne sont plus en mesure de les percevoir. Pour les familles les moins familières de la norme scolaire, les professionnels de l’ACEPP représentent des médiateurs qui, n’ayant pas eux-même intégrés les codes de l’institution Education nationale, les perçoivent lorsqu’ils représentent un frein à la compréhension des situations ou au développement de la relation et ils contribuent à les résoudre.
Détricoter les complexités interinstitutionnelles
Dans une école travaillent ensemble des professionnels de divers horizons, dépendants de différentes institutions, certains avec des statuts stables et d’autres avec des statuts précaires, chacun avec des missions différentes. Les situations scolaires sont peu compréhensibles lorsqu’on n’a pas de lisibilité dans cette complexité ordinaire de l’école. Par exemple, dans une école maternelle, enseignant comme ATSEM sont souvent appelés par leur prénom. Pour un parent, les différences entre les missions de l’enseignant et celles de l’ATSEM ne sont pas visibles et il s’adressera de manière indéterminée à l’un ou à l’autre quelle que soit la nature de sa demande. Les professionnels de l’ACEPP consacrent donc une part non négligeable de leur temps à expliciter les fonctionnements ordinaires d’une école et les missions des professionnels qui y exercent.
Savoir accueillir les parents, une question plus complexe qu’il n’y paraît.
Contrairement aux idées reçues, passer la barrière de la langue pour se comprendre à l’écrit comme à l’oral, n’est pas le frein le plus important pour les parents lorsqu’ils viennent à l’école, même s’il s’agit de ne pas minimiser cette difficulté.
Pour Murielle BAYON, les modes de communications représentent une barrière bien plus importante :
- Comment on accueille ?
- Comment on se sent accueilli ?
La réponse à ces questions n’est pas aussi universelle qu’on pourrait le croire. Elle dépend de chacun et relève du langage verbal et non verbal. La question de l’accueil est tellement fondamentale qu’elle nécessite une réflexion et un engagement professionnel. En effet l’accueil représente une relation duale si bien que le professionnel qui accueille ne doit pas perdre de vue que le parent qui est accueilli est en questionnement lui aussi concernant cet accueil : « Est-ce qu’on se sent accueilli à la condition de faire la bise ? Est-ce qu’on regarde dans les yeux ou au contraire on ne regarde pas dans les yeux pour être respectueux ? », etc.
Un accueil réussi permet au parent d’entrer dans l’école et conditionne le fait qu’il y reviendra régulièrement.
Le cas particulier de la toute petite section (TPS)
« De nombreux parents ne se sentent pas légitimes à passer la porte de l’école, carrément ». Murielle BAYON explique que la question de l’accueil est encore plus centrale pour construire la relation avec les familles d’enfants entrant en TPS, car ils vont devoir laisser leur enfant, parfois pour la première fois, dans un lieu où eux même n’ont pas l’impression d’avoir leur place.
Dans l’espace Passerelle, la rencontre avec les professionnels de l’école a le temps de se construire, parfois en amont de la scolarisation de l’enfant. Pour cela les parents peuvent témoigner entre eux de la qualité de la relation établie avec les professionnels, ce qui favorise la construction de la relation de confiance nécessaire aussi bien pour confier son enfant à un autre adulte que pour accepter de se séparer de son enfant le temps de la classe.
En conclusion, dans les lieux Passerelle, se jouent à travers le rôle des professionnels de l’ACEPP, à travers les échanges entre parents, le dépassement des ressentis, voire des ressentiments. Cela permet que des situations de tensions entre l’école et les familles ne dégénèrent pas. En effet tout l’enjeu de ces lieux est bien d’aller vers des éléments de compréhension des organisations internes de l’école, des rôles des professionnels, de leurs styles professionnels respectifs...
Comment les parents soutiennent-ils le travail personnel de leurs enfants ?
Des parents tellement exigeants
Télécharger le rapport
des journées d'études
(PDF - 62 pages - 8,6 Mo)
En réaction aux éléments cités, et contrairement à des représentations très ancrées dans le milieu enseignant, ces parents sont généralement d’une très grande exigence sur le plan des devoirs à faire hors l’école. A tel point que cela crée parfois des situations de conflits familiaux forts dans lesquels les enfants sont maintenus sous pression de manière très importante.
Dans les espaces parents, tels que l’ACEPP en anime, les échanges entre pairs donnent l’occasion de relativiser et autorisent les familles à pratiquer des réajustements qui permettent de réguler ces situations conflictuelles.
Comment soutenir le travail scolaire de son enfant quand on ne maitrise pas la langue de l’école ?
Dans l’aide et le soutien aux devoirs, les problèmes liés à la maitrise de la langue sont très importants pour les familles qui culpabilisent de ne pas se sentir en capacité d’aider leur enfant. Lorsque certains enfants accèdent à l’écrit, on observe même que certains parents se sentent infériorisés par rapport à eux et se délégitimisent dans leur rôle d’éducateur. Dans ces situations, les échanges, les débats, les discussions qui ont lieu entre pairs dans les espaces parents, permettent à certains de retrouver du pouvoir d’agir et de rétablir les équilibres éducatifs dans la relation avec leur enfant.
D’une manière générale, les animateurs de l’ACEPP constatent que pour soutenir le travail scolaire de leur enfant, les parents font généralement appel à leur réseau : des voisins, les ainés de la fratrie...
Les parents qui ne parviennent pas à faire alliance avec l’école.
Malgré le travail des professionnels de l’école et le travail de médiation des animateurs de l’ACEPP, certains parents ne se sentent jamais légitimes, jamais reconnus par l’école en tant qu’éducateurs à part entière dans l’institution scolaire et ils adoptent des attitudes systématiquement réfractaires vis à vis de l’école, et en particulier auprès de leurs enfants qui, de fait, ne trouvent pas auprès d’eux un soutien dont ils ont besoin pour réussir leur parcours scolaire. Ces situations de dialogue impossible sont difficiles à réguler car ces parents viennent peu ou pas dans les espaces dédiés pour échanger avec leurs pairs ou avec les professionnels de l’ACEPP.
L’identité professionnelle des animateurs ACEPP
Si on essaie de définir l’identité professionnelle des animateurs de l’ACEPP, on peut dire que ce sont des « passeurs » en charge de traduire les intensions, de transcrire des discours normés d’un cadre à un autre, de faire bouger les préjugés des uns et des autres... Sous des dehors d’actions centrées sur la convivialité qui peuvent sembler anodines au premier abord, se jouent en réalité, des légitimations et des reconnaissances beaucoup plus profondes qui n’auraient pas lieu sans ces espaces et qui ont des répercussions dans les fonctionnements ordinaires de l’école mais aussi qui ouvrent sur des chemins de vie, des parcours citoyens, qui permettent aux parents d’investir ou de réinvestir leur pouvoir d’agir dans leur famille, dans diverses institutions et dans la société.