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Un « Espace Parent » au sein d’un établissement de l’enseignement secondaire

Par mmairesa — publié 01/04/2016 14:10, Dernière modification 07/01/2022 11:17
Suite à la présentation du « Lieu échanges parents » du collège Victor Schoelcher, Frédérique Giuliani, sociologue, souligne l'importance du rôle de l'animatrice pour aider à sortir des stéréotypes des uns sur les autres.

Un « Espace Parent » au sein d’un établissement de l’enseignement secondaire : Éléments d’analyse d’une innovation institutionnelle dans le domaine des relations entre l’école et les familles en France

Intervention de Frédérique Giuliani, 4 décembre 2015 IFÉ- Centre Alain Savary  Lyon. Ce texte présente certains extraits de son intervention en référence au reportage en ligne sur ce site : "Un petit échantillon d'un grand échantillon..." 

F-GiulianiLe Lieu Échanges Parent (LEP) présenté par Kheira Chikaoui, l’animatrice, est exemplaire d’une mobilisation collective pour créer un espace de coprésence au sein duquel les différents acteurs éducatifs vont redéfinir une manière d’être ensemble, de partager les problèmes de l’école et les enjeux liés à la scolarisation, qui va radicalement transformer les relations concrètes entre chacun, la manière dont les uns les autres se perçoivent  et du coup les sentiments vécus, éprouvés de manière subjective par chacun.  

Je vais à présent identifier les caractéristiques, les ingrédients qui entrent dans la construction d’un espace commun.

Un lieu situé au coeur de l'établissement 

Dans un premier temps, il importe de souligner l’importance des lieux et du fait que l’espace LEP se situe dans l’école. 

D’une part, cela atteste du fait qu’il est possible d’ouvrir l’école aux parents au nom de la reconnaissance de leur rôle dans l’éducation de leur enfant sans que cette ouverture se traduise par un dévoiement, une perversion du principe d’égalité de traitement (et sans verser dans les dérives du clientélisme).  

D’autre part, le fait que l’espace LEP se situe au sein du collège, autorisant ainsi les parents à aller et venir, tout comme l’enfant, entre le foyer et l’école,  permet de partager, de mettre en commun, le problème des appartenances multiples et de devoir circuler entre des mondes très différents. Cette circulation peut donner le sentiment à l’enfant que les institutions (l’école, la famille) tiennent des discours opposés et formulent des attentes paradoxales à son égard.  De nombreux travaux de sociologie ont montré que de nombreux enfants dont les parents n’ont pas ou peu fréquenté l’école  et occupent des postes de travail situés en bas de la hiérarchie socio-professionnelle, éprouvent un sentiment de trahison à l’égard de leur famille dans le fait d’aller eux, à l’école, et tentent de récupérer un peu de fierté en s’opposant aux systèmes scolaires et par là même à la société qu’il représente. Ainsi, le sentiment de trahir son groupe d’appartenance peut être à la source de certaines conduites oppositionnelles. De ce point de vue, l’expérience du LEP permet  certains apprentissages sociaux, comme celui de devoir gérer des appartenances multiples, sans avoir le sentiment de trahir l’une ou l’autre. Cet apprentissage est souvent informel : dans la routine quotidienne, les enfants  voient comment leurs mères résolvent le problème d’être à la fois une mère de famille et une étudiante / une musulmane et une citoyenne française/ une mère et un parent d’élève.

Enfin, le fait que l’espace LEP se situe dans l’école permet de multiplier les rencontres informelles entre enseignants et parents, et surtout de diversifier les situations dans lesquelles ces rencontres se font, ce qui permet de  faire tomber les stéréotypes de part et d’autre. Pendant longtemps, les enseignants français, bien qu’ils agissent au nom de l’égalité et d’une indifférence aux différences, ont appréhendé les enfants issus de l’immigration et des milieux sociaux défavorisés à travers un stigmate (une différence considérée comme fâcheuse). Ils les reconnaissaient comme étant différents, et comme étant les représentants d’une culture qui leur paraissaient éloignée de la culture reconnue comme légitime par l’école. Ce LEP autorise au contraire le développement de relations d’interconnaissance entre les parents et les profs. Chacun entre désormais en relation avec l’autre, non pas en tant que représentant de cultures différentes, mais au regard de la connaissance réciproque que chacun a pu se faire de l’autre dans le cadre de la fréquentation du lieu. C’est une rencontre entre des personnes singulières et au regard d’un vécu commun et non sur la base de stéréotypes. 

L'importance du rôle de l'animatrice

Dans un second temps, je voudrais souligner l’importance du rôle du parent-relais, animateur du LEP. D’une part, il apparait qu’il ne suffit pas d’appartenir à la communauté concernée (habitant du quartier) pour tenir adéquatement ce rôle de parent-relais. Ce rôle implique une aptitude à se faire l’interface entre deux mondes : cela suppose de bien connaitre les systèmes de représentations et les attentes de chaque partie et en plus, une aptitude à créer (dimension créatrice) un langage, un style communicationnel, favorisant le dialogue entre des personnes venant d’horizons de référence différents. Le parent-relais ne se pose pas comme le représentant d’une partie, mais comme la voix et le garant de l’espace commun entre les deux. Ce rôle implique des compétences relationnelles et diplomatiques essentielles à la réussite de l’entreprise. Dans la façon dont le parent-relais met en scène l’espace commun (dont il le présente, en parle) et la façon dont il invite les gens à s’y inscrire : il y a en jeu la façon dont les participants vont percevoir cet espace et le rôle qu’ils pourraient ou pas  y jouer. Le tact du parent-relais est un gage de réussite de l’affaire : si l ‘espace LEP est présenté comme un endroit où les gens vont se sentir jugés et évalués, c’est l’échec assuré. Il y a bien tout un travail de mise en scène et de formalisation pour rassurer les parents, les mettre en confiance, les amener à penser qu’ils peuvent eux-aussi penser à se former, et que leur engagement dans le LEP sera source de plaisir et d’intérêt pour eux.