Observatoire d'un dispositif "Devoirs Faits"
Du constat à la mise en oeuvre du dispositif
« Le travail des élèves n’était pas fait ». Cette observation récurrente au conseil de classe a conduit une équipe à s'emparer du dispositif Devoirs faits. À partir du projet d’établissement et du vademecum (cf. encart ci-dessous), cette équipe (principale, principale adjointe, enseignants, coordonnateurs Devoirs faits et services civiques), a organisé le dispositif de manière à favoriser, dans un premier temps, la motivation des élèves à faire leurs devoirs, en fonction de plusieurs préoccupations:
- Inscrire dans l'emploi du temps des élèves une plage déterminée pour faire leur travail.
- Différencier l'espace du dispositif de celui de la classe: choix d’une grande salle, disposition des tables en îlots.
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Extrait du prescrit sur le dispositif Devoirs Faits (Vadémécum "tout sur devoirs faits" p.12)
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Pilotage du dispositif
Une cartographie met en évidence le pilotage par différentes instances de l'établissement et par la formation. Tous les acteurs sont impliqués dans la mise en œuvre du dispositif, à différentes échelles. Les pilotes soulignent que cette organisation est largement portée par les enseignants-coordonnateurs qui ont pris en charge la gestion des emplois du temps des élèves et la communication à l'équipe et aux familles.
Zoom sur 45 minutes du dispositif
Organisation de l'espace
Le dispositif observé concerne dix élèves (E1 à E10) installés autour de cinq tables (T1 à T5), deux services civiques et une enseignante (IA, IB et IC). Les élèves se mettent au travail rapidement et, en quelques minutes, le relevé des absents est réalisé. Le temps et l’espace sont bien identifiés par les élèves.
Les enseignants soulignent que « ce n’est pas qu’une aide aux devoirs, parfois ils (les élèves) viennent pour faire leur travail dans un endroit calme (...). La question de la salle est importante. Au cycle 4, il y a une augmentation des effectifs de 50% ».
Pour l'équipe, un des indicateurs de la qualité de l’efficacité du dispositif est celui du climat scolaire qui semble s’être apaisé. Pour elle, « l’accompagnement sur l’apprentissage des leçons passe par une méthode, par la motivation et l'encouragement des élèves ».
Agrandir la cartographie de la salle
Modalités d'interventions
Trois formats d’intervention ont été discutésModèle de co-intervention proposé par Marc Prouchet, ancien formateur au CAREP de Lyon en 2010. Les pastilles violettes représentent deux services civiques, la pastille jaune une enseignante et les pastilles bleues les élèves. Les intervenants analysent ces trois modalités au regard leur expérience.
Dans la modalité "Abeille", l'intervenant circule de table en table pour aider individuellement les élèves sur des temps courts, car ils n'ont pas connaissance au préalable des tâches sur lesquelles les élèves vont travailler.
Dans la modalité "Cabane", l'intervenant aide un groupe d'élèves qui rencontre une difficulté (modalité utilisée avec les élèves E7 et E8 sur une tâche liée au calcul).
Dans la modalité "Cage-nid", l'intervenant passe un temps plus conséquent auprès d'un élève (modalité utilisée avec l'élève E4 en T5 sur un travail en géométrie).
Ces différentes modalités d'interventions soulèvent plusieurs dilemmes chez les enseignants et les services civiques:
- consacrer du temps à un élève versus consacrer du temps à tous les élèves
- contrôler la mise au travail versus prendre le temps d'aider à faire et à comprendre
- répondre à des demandes individuelles versus regrouper plusieurs élèves autour d'un même devoir, une même discipline.
Agrandir les modalités de co-interventions
Mobiles des intervenants
Le schéma ci-contre donne le pourcentage de temps passé par un intervenant par table et les disciplines travaillées.
Les temps de passage ne sont pas planifiés, les intervenants interviennent en fonction des sollicitations des élèves, de la discipline travaillée ou du niveau de classe.
Pour un enseignant, il s'agit d'aider à comprendre des contenus disciplinaires en « se confrontant aux matières des autres». Pour un autre, « il ne s’agit plus d’enseigner mais de chercher ensemble avec l’idée que l’élève repart du dispositif avec des stratégies pour faire tout seul».
Pour un enseignant-coordonnateur, « il n’y a pas de protocole commun, c’est du sur-mesure, car les grandes lignes du dispositif ont été explicitées. C’est la dimension autonomie, les rendre capables de faire seuls, alors qu’en classe je me déplace vers l’ensemble de mes élèves. Lors de Devoirs faits, je me place auprès d’un groupe et je prends le temps. On ne se sent pas obligés d’aller voir tout le monde ».
Les professionnels évoquent les dilemmes suivants:
- Devoirs faits est-il un dispositif d’accompagnement ou un temps de classe bis ?
- Faut-il aider ou laisser-faire ?
- Faut-il tout corriger ou laisser des erreurs ?
Les traces d'activité des élèves
Le collectif inter-métiers a analysé un devoir donné à deux élèves à partir :
- du cahier de texte
- de la leçon
- d'une production d'élève pendant le temps de Devoirs faits
- d'un extrait de l'échange qui a eu lieu entre l'intervenant et les deux élèves.
Deux questions ont été explorées:
- Quelle est la nature des tâches données aux élèves ?
- Quelle est la nature de l’activité des élèves ? .
L’intervenant lit la consigne. |
La tâche demandée aux deux élèves est de « réviser la leçon de mathématiques ». Pour réaliser cette tâche, les élèves doivent mobiliser plusieurs formats de connaissances et processus d'apprentissages:
- des connaissances spécifiques qui consiste à comprendre un lexique disciplinaire
- une méthode qui consiste à déterminer un ordre de grandeur
- un concept qui consiste à conceptualiser la somme de nombres
La production d'élève est un écrit de mémorisation de la leçon (trace littérale) qui semble indiquer un malentendu sur la tâche "réviser la leçon". En effet, il y a un écart entre la connaissance mobilisée par l'élève (mémorisation de la trace littérale) et les connaissances disciplinaires visées.
Une évaluation du travail personnel de l'élève ?
Lors de la mise en place du dispositif, les coordonnateurs Devoirs faits ont proposé un outil à destination des élèves qui est conservé par les intervenants. Chaque élève indique la date, les tâches réalisées, son ressenti et le nom de l'intervenant présent.
Ce document a une double visée:
- mesurer le ressenti des élèves pour ainsi évaluer leur bien-être au sein du dispositif
- avoir une trace du suivi individuel des "devoirs faits".
Un an après la mise en place du dispositif, l'équipe constate que l’organisation du travail a permis aux élèves de considérer le dispositif comme un lieu sécurisant et agréable pour travailler, mais qu'il ne permet pas d'évaluer finement la nature du travail effectué. Les traces reportées par les élèves renvoient de manière générale à la discipline.
Une piste de travail est envisagée : collecter les devoirs donnés aux élèves dans les cahiers de texte et les analyser en équipe.
«Nous avions l’impression d’avoir avancé et il y a une montagne de travail qui s’ouvre à nous ».
Sitographie
- Rapport IGEN/IGAENR Devoirs faits, juillet 2019
- Séminaire Réussir au collège : Devoirs faits, plan national de formation, juin 2019
- De la question des devoirs à l’apprentissage de l'autonomie dans le travail personnel, pistes et ressources pour la formation, centre Alain-Savary, 2017
- Le travail personnel de l'élève dans et hors la classe, centre Alain-Savary, 2020