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Le travail collectif intermétier : éléments de problématisation

Par skus — publié 09/05/2016 17:20, Dernière modification 18/11/2016 11:05
Le référentiel de l’éducation prioritaire recommande de développer le travail collectif au sein des réseaux et en relation avec les partenaires. Ce faisant, il invite à travailler explicitement la question de l’articulation des différents métiers tant au sein de l’école que dans ses relations avec son environnement. Ce texte interroge le travail intermétier et les problèmes qu'il pose aux acteurs. Il questionne les conditions pour qu'il devienne une ressource pour le travail ordinaire des professionnels.

Métier/intermétier : Quelles définitions ?

L'expression inter métier demande à être précisée. Et pour cela, il est nécessaire de définir en amont ce qu'est un métier. Le cadre choisi dans ce texte est celui de l'analyse du travail et plus précisément celui de la clinique de l'activité à la suite des travaux de Yves Clot Clot Y., Faïta D., Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes, Travailler, 2000, 4 : 7-42 ; Clot Y., « De l’analyse des pratiques au développement des métiers », Éducation et didactique [En ligne], vol 1 - n°1 | avril 2007, mis en ligne le 01 avril 2009..Un métier ne se confond pas avec une pratique, une activité ou une profession. Pour Yves Clot, un métier est à la fois personnel, interpersonnel, transpersonnel et impersonnel.

  • Personnel et interpersonnel : Chaque situation est singulière et le métier est une activité réelle, située et adressée. L'activité du sujet est personnelle et a des traits particuliers, contingents, uniques et non réitérables, un style.
  • Transpersonnel : Le métier porte une histoire collective construite au fil du temps et évolutive au fil des réponses trouvées et instituées. Les travailleurs se l'approprient et la transforment collectivement en définissant des façons de travailler.  On est du côté du genre professionnel.
  • Impersonnel : Le métier se définit aussi par des tâches prescrites. Ce prescrit codifie le métier, lui donne des « modèles », des fonctions définies qui le tiennent au-delà de toute situation particulière.

Le métier ainsi défini n'est pas sédentaire, il vit, en mouvement, au gré des liaisons et des dé-liaisons entre ces quatre dimensions du métier.
La formule polysémique faire son métier permet de proposer une définition résumée : quand on fait son métier, on agit dans des situations selon un genre professionnel particulier, mais on développe, on métamorphose aussi son métier selon un style singulier en cours d'action.

A partir de cette définition à quoi l'intermétier renvoie-t-il ?
Ce vocable permet :

  • de décrire les activités communes à des sujets qui n'exercent pas le même métier, qu'ils appartiennent à des institutions distinctes ou à une même institution mais aussi
  • de comprendre, au travers de genres (ce qu’on partage entre personnes d’un même métier), style (ma manière personnelle de faire mon métier) , norme (ce qu’on considère comme vrai au sein d’un métier), la manière dont ils voient les objets de travail, de manière concordante ou discordante.

Il permet aussi de définir les activités d'un travailleur à la périphérie ou extérieures à son métier d'origine pour lequel il a été formé. Le travail enseignant ne se résume pas à l’horaire hebdomadaire de service. Pour reprendre une image de F. Lantheaume Lantheaume F., Le soutien au métier, in XYZep, n°36, avril 2010, le métier est de plus en plus « bourgeonnant » d’excroissances, avec un cœur de plus en plus difficile à identifier.

Le travail collectif dans ce cadre apparait à la fois comme une condition des activités inter métier mais aussi comme une conséquence. Pour comprendre son impact sur l'activité de chacun des acteurs, il est nécessaire de préciser ce que recouvre ce terme.
F. Lantheaume définit quatre formes différentes de travail collectif Vidéo de F. Lantheaume : Coordination, régulation, coopération : quels défis pour les métiers en Éducation Prioritaire ? Intervention à la formation « Le travail collectif en REP+ », octobre 2014, Ifé:

  • La coopération : il s'agit d'opérer de manière conjointe, volontairement ou pas, de manière formelle ou informelle. Trois conditions sont nécessaires : la volonté de coopérer ; des moyens pour communiquer entre les personnes et des moyens de coordonner l'activité ; le partage d'un objectif commun qui peut se définir en cours  de la coopération, s'adapter au contexte de travail. Sur cette base peut se définir un référentiel opératif commun.
  • La régulation : c'est la forme de gestion du processus d'interaction, elle permet l'intercompréhension.  Elle nécessite un langage commun, « un langage opératif ».
  • La coordination : c'est le niveau le plus explicite (réunion d'équipe). Elle permet la planification, l’agencement des actions de façon cohérente et efficace. Il s'agit de créer des règles partagées pour l'activité. Plus il y a de coopération, plus il faut de coordination.
  • La concertation : c'est un instrument, un outil de la coopération et de la collaboration pour confronter et ajuster les points de vue ou négocier des perspectives et des choix. Elle se situe en amont de la coopération formelle.


Toutes ces formes de travail demandent des compétences de communication (savoir débattre), de formalisation (car il y a souvent perte de la mémoire de ce travail collectif qui peut être une ressource pour le travail lui-même), ainsi que des compétences prudentielles (travailler à plusieurs nécessite de la modestie, de la compréhension mais aussi de la prudence, proche de la sagesse antique).
Il est nécessaire de réfléchir aux conséquences sur l’activité, sur l’organisation du travail et ce à chaque niveau du travail collectif.
Le travail collectif joue sur le temps : à quel moment ce travail collectif se fait-il (entre deux portes, mails, sms...)? Le risque repose sur une porosité accrue entre temps et lieux professionnels et temps et lieux personnels.
Par ailleurs, les attentes de tout travailleur sont dans l’ordre : l’autonomie, l'utilité, la reconnaissance, le salaire Op cit. Or, pour beaucoup, le travail collectif ne répond pas à ces critères et constitue davantage une contrainte qu’une ressource.
Pourtant, il peut être l'occasion de solidarité, une occasion de confronter des manières de faire ajustées au contexte.

Le travail partenarial à l'épreuve du cloisonnement

Dans les réseaux d'éducation prioritaire, le travail collectif intermétier s'est développé de manière importante autour de dispositifs ou d'actions menées en partenariat. Ces dispositifs interinstitutionnels, CLAS, PRE, PEDT, volet éducatif du contrat de ville, etc.Sur les dispositifs pour lutter contre le décrochage scolaire voir : Thibert R., (2013). Le décrochage scolaire : diversité des approches, diversité des dispositifs. Dossier d'actualité Veille et analyses Ifé, n°84, mai. Lyon : ENS de Lyon, sont apparus pour aider les institutions à résoudre des problèmes qu'elles n'arrivaient pas à traiter seules. Ces politiques éducatives associent sur les territoires urbains sensibles l’Éducation nationale à bien des services des collectivités territoriales, des associations... Une forme d'  « alliance éducative » pour résoudre un problème.

L'axe 3 du référentiel de l 'Education prioritaire « Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire » confirme cette dimension du travail en Education prioritaire. Or, ce travail ne va pas de soi. Les travaux du groupe « Questions vives du partenariat et réussite éducative », auquel le Centre Alain Savary participe, décrivent les processus à l'oeuvre et permettent de comprendre les difficultés qui se posent aux acteurs. Ces dispositifs partenariaux associent plusieurs institutions et impliquent plusieurs niveaux d'action dans chacune d'elle. V. Laforets définit trois niveaux de fonctionnement d'une action partenarialeLaforets V., Institutions et dispositifs in Berthet J-M, Kus S., Questions vives du partenariat et réussite éducative, p.43, Ifé, juin 2014:

  • Fonctionnement du partenariat
    Schéma 1 :
    Fonctionnement du partenariat
    et niveaux d'action
    celui des professionnels de terrain,
  • celui des responsables de service
  • et celui des responsables institutionnels et politiques.


Or, pour qu'un partenariat produise, il faut que les trois niveaux fonctionnent au sein de chaque institution et entre les institutions.

Les problèmes relevés par les professionnels doivent être relayés par leurs hiérarchies respectives pour que l'échelon institutionnel et politique de chaque institution prenne une décision, oriente le travail. En ce qui concerne le pilotage, l'enjeu est de veiller de manière stratégique à un double mouvement entre le niveau politique et le terrain pour élaborer mais aussi réguler les actions dans les institutions et entre les institutions.
Il faut noter que le référentiel charge un certain nombre de personnels intermédiaires de cette coopération : IEN, chef d'établissement, coordonnateur, directeurs d'école, DASEN. Les enseignants ne sont pas nommés.

Quel est le problème ?
Le travail collectif entre acteurs de différentes institutions est complexe quelle que soit l'action partenariale parce qu'il nécessite pour les acteurs de repenser le droit commun. Que l'on prenne l'exemple de la réussite éducative ou l'accompagnement à la scolarité on voit bien que la mise en place de dispositifs particuliers questionne l'égalité de principe et ses angles morts (les inégalités dans le fonctionnement réel).
Ce travail se fait aussi en tension car il met en présence une pluralité de normes éducatives et professionnelles. Chaque groupe professionnel a son histoire, certains sont en voie de constitution. Les conceptions de l’éducation et de l’autonomie du sujet ne sont pas les mêmes selon les groupes. Un parcours de formation conçu par le Centre Alain Savary « Enseignants, animateurs, mieux se comprendre pour travailler ensemble dans l'école » met en exergue les normes, les préoccupations des acteurs « animateurs » et « enseignants » autour de la mise en place des activités périscolaires dans l'école.  Le parcours organise un espace pour en discuter et les surmonter.

Ces dimensions du travail partenarial posent la question des espaces partagés. Il est nécessaire que les acteurs quel que soit le niveau hiérarchique exercé, disposent de temps et de lieux pour définir la place et le rôle de chacun, discuter les objectifs, réguler les actions mises en œuvre.

PartagéesSpécifiques aux animateursSpécifiques aux enseignants

Préoccupations

 

Règles de métiers et contraintes liées au cadre de travail
Ce qu'on n'arrive pas ou qu'on a du mal à faire

Tableau 1 : Proposition d'une grille d'analyse du travail en intermétier

Ce qui pose les questions suivantes :
→ Qui conçoit et organise ces temps de réunion avec les partenaires ?
→ Quel rôle est donné au comité de pilotage du REP+ ? Qui siègent ? Quels sujets y sont traités ?
→ Quels sont les espaces de travail des coordonnateurs des différentes institutions ?
→ Quel espace de concertation existe-t-il entre les professionnels de terrain (dont les enseignants)?

Le travail collectif au sein du REP

Le référentiel donne une place importante au travail collectif de l'équipe éducative. La mise en œuvre du dispositif PMQC, du conseil école collège, des nouveaux programmes par cycle donne à cette exigence prescrite une réalité concrète mais se heurte à des difficultés de travail multiplesCompte-rendu des ateliers de la Journée nationale des REP+ préfigurateurs du 11 mars 2015, Paris. Ces difficultés sont souvent interprétées à l'aune des personnalités et du contexte. Or, souvent elles sont d'abord des effets de structures en mouvement qui redéfinissent les places et les missions de chacun.

a) Il y a plusieurs pilotes dans l'avion...

Le référentiel indique « des rencontres régulières du chef d'établissement, de l'IEN et de l'IA-IPR » auxquelles le coordonnateur est associé de temps en temps.  

Quel est le problème ?
Cette équipe de pilotage instituée est soumise à des tensions proches de celles de l'activité partenariale.
En effet, si l'objectif commun (la réussite de tous les élèves améliorée par la définition d'actions puis leurs mises en œuvre dans le cadre du conseil école-collège et du projet de réseau) cadre ce travail, ce pilotage à trois se heurte au fait que chacun :

  • occupe des fonctions différentes (quelle place occupe le REP dans le travail de chacun ?),
  • est mu par des préoccupations propres (prescrit, climat scolaire dans l'établissement, mise en place d'innovation, développement professionnel des enseignants, évaluations...),
  • a des normes professionnelles spécifiques (issues du premier ou second degré, …).


Voici un exemple de ces tensions à partir de l'exemple d'une réunion d'une équipe de pilotage élargie d'un REP+ :

Equipe de pilotage élargieType d'intervention en réunionPréoccupations exprimées au cours d'une auto-confrontation
IA-IPR EP Ramène l'existant vers le prescrit
IA-IPR référent Partage des expériences d'autres REP Soutenir les équipes et les pilotes CE et IEN
Inspecteur de l'Education nationale (IEN)

Replace le prescrit dans le contexte du REP

Exprime les contraintes des enseignants

Enrôler les enseignants

Partir de l'existant

Chef d'établissement (CE)

Organise le travail

Cherche une cohérence

Mobiliser l'équipe de professeurs

Emmener les enseignants vers l'innovation

Coordonnateur Justifie son travail Organiser le conseil école collège
Conseiller pédagogique Partage l'histoire, le réel Faire du lien entre les différents acteurs du réseau et donner de la cohérence
Directeur Dit le réel, les difficultés des enseignants Mobiliser une équipe et orienter son travail à partir d'un diagnostic partagé

Tableau 2 : Synthèse des interventions des différents personnels/métiers dans une réunion de pilotage REP+

A ces tensions, il faut ajouter la difficulté à trouver un équilibre entre :

  • des injonctions descendantes diffusées par les différents intermédiaires de l'institution qui laissent peu de marge de manœuvre et
  • une incitation à une mise en place priorisée, accompagnée voire créative des réformes à travers le projet de réseau.

Ce qui pose les questions suivantes :
→  Quels sont les espaces pour discuter des normes professionnelles de chacun et des préoccupations ?
→  Quelle est la place du coordonnateur face à ce triumvirat ? Peut-il être un tiers médiateur alors que lui-même est issu d'un degré, n'est pas au même niveau dans la hiérarchie et a ses propres préoccupations ?
→  Quelle est la place des formateurs CAREP dans l'accompagnement du pilotage ?
→  Quelle articulation entre l'équipe de pilotage et les autres personnels intermédiaires que sont les directeurs, les conseillers pédagogiques, l'adjoint du chef d'établissement... ?

b) Créer un collectif de travail interdegrés

Le référentiel précise que les pilotes sont chargés de mettre en place un travail collectif de réseau qui « contribue à la construction, à la mise en œuvre et à l'évaluation collégiale du projet de réseau, au développement professionnel de chacun et [qui] facilite la résolution des difficultés rencontrées ». 

La loi refondation de l’École met en place un cycle 3 CM1, CM2, 6e. Elle marque la volonté de créer une articulation entre l’école primaire et le collège avec la création d’un conseil école collège et la publication de nouveaux programmes de cycle 3. A l’origine de cette réforme, l’institution affiche le “souci de renforcer la continuité pédagogique et la cohérence des apprentissages au service de l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.” Le conseil école collège a pour mission « d'améliorer la continuité pédagogique et éducative entre l'école et le collège » et de définir un programme d'actions.

Quel est le problème ?

Ces nouvelles prescriptions (re)posent aux différents métiers des questions à la fois anciennes (liaison école/collège en EP) et nouvelles (travailler collectivement dans la continuité, programmer un cycle d’enseignement entre premier et second degré).

Ces nouvelles dimensions du travail supposent :

  • du côté des pilotes, de construire dans la durée des cadres de travail qui pourront être investis par les enseignants des premier et second degrés,
  • du côté des enseignants, d'intégrer les nouvelles modalités de travail (dont le travail collectif) dans l’ordinaire du métier et de partager des objets communs de travail dans les disciplines et hors des disciplines. Or, l'ordinaire du métier s'organise dans des temps de travail de nature divers que le tableau suivant déplie A partir de Lantheaume F. et Hélou C. (2008), La souffrance des enseignants. Une sociologie pragmatique du travail enseignant, Paris, PUF..
Travail dans l'établissement/l'école Travail hors établissement/l'école
Travail contrôlé et obligatoire

Travail contraint posté

(heures de cours, le service, réunions obligatoires)

Travail contraint libre

(correction de travaux d'élèves, préparation de cours, de la classe)

Travail non contrôlé et non obligatoire

Travail contraint périphérique

(travail de concertation, travail logistique, travail administratif)

Travail "libre"

(formation professionnelle, lectures, approfondissement du travail contraint libre)

Tableau 3 : Le temps de travail des enseignants (d'après Françoise Lantheaume)

Ces prescriptions se sont accompagnées de la création de postes et de missions réaffirmés (coordonnateur REP+, coordonnateur de niveau...) ou nouveaux (PMQC, formateurs REP+...).
Voici un schéma qui liste les métiers et missions présents au sein des REP+ et leurs agencements :

Agencement des métiers et des missions en REP+
Schéma 2 : Agencement des métiers et des missions dans un REP+

Ce qui pose les questions suivantes :
→ Comment proposer des espaces et des temps, repenser des organisations existantes pour permettre des coopérations développant des relations horizontales, « intermétiers » ? Cette question se pose pour les enseignants des écoles et du collège qui n'ont pas les mêmes rapports au temps de travail (108 heures pour les PE et missions indemnisées pour les PLC) ?
→ A quelles conditions le travail collectif n'apparaît-il pas comme inutile et une surcharge mais au contraire est perçu comme une ressource ? Comment accompagner et outiller ce travail collectif pour le formaliser et le pérenniser ?
→ Comment favoriser l'articulation des temps institutionnels courts, avec les temps de transitions, inscrits dans le temps long, pour permettre d’aller du « travail collectif » au « collectif de travail » en prenant le temps de gagner la confiance ?
→ Comment faire en sorte que, quelle que soit sa place dans la hiérarchie, chacun puisse s’approprier (traduire, co-construire, faire sien…) l’objet commun de travail ?

Autre problème, les formateurs REP+ nouvellement désignés et formés s'ajoutent à l'équipe de formateurs plus ou moins organisée que sont le coordonnateur, le conseiller pédagogique, le formateur CAREP, les formateurs DAFOP... (voir les connections en vert sur le schéma 2). Ils doivent collaborer avec les pilotes suivant des cadres de travail établis. Ils doivent aussi créer des collectifs inter-métiers premier et second degré qui n’existent pas encore partout, en se construisant une légitimité dans les deux degrés. La formation telle qu'elle se met en place dans les REP forme les enseignants mais le référentiel de l'éducation prioritaire préconise aussi de les soutenir, de les accompagner dans leurs activités (dans la classe, dans le travail en équipe).    

Ce qui pose la question suivante :
→ Comment le travail de ces acteurs s'organise-t-il alors qu'ils dépendent de fonctionnements hiérarchiques et d'espaces fonctionnels de travail divers ?
→ Comment clarifier les modalités, les objectifs de l'accompagnement et le rôle de chacun des métiers au cours de celui-ci ?

Les fonctions floues

Les politiques éducatives successives de l'éducation prioritaire se sont accompagnées de la création de nouvelles missions qui travaillent à la marge et dans l’entre-deux : coordonnateurs ZEP puis REP, préfets des études, coordonnateurs de niveaux, PMQC... Tous ces nouveaux intitulés apparus depuis 30 ans ont cette caractéristique commune d’ajouter à un genre professionnel du métier d'origine, des activités qui s'agrègent.  Pour reprendre l’expression de G. Jeannot (2005), on pourrait les qualifier de « flous »Ces nouvelles missions se rapproche de la notion de leadership des enseignants. Voir Reverdy C. & Thibert R. (2015). Le leadership des enseignants au coeur de l’établissement. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 104, octobre. Lyon : ENS de Lyon..
Dans un travail exploratoire concernant les préfets des études, le centre Alain-Savary, avec les éclairages scientifiques d’A. Jorro, a décrit les fonctions qui se cachent sous le vocable :

  • la fonction de réparation, visant à remédier le plus vite possible aux difficultés des élèves perçues ;
  • la fonction de conseil / d’accompagnement, auprès de l’équipe de direction (et des enseignants, lorsqu’ils sont demandeurs) ;
  • la fonction d’ingénierie, qui vise à améliorer, à structurer et à densifier les rouages en place, en partant de l’existant pour l’optimiser ;
  • la fonction intégrative, qui conduit à articuler les actions engagées avec celles des différents personnels de l’établissement, à instaurer un continuum chez l’élève dans la relation au savoir dans et hors-classe, et à créer du lien en favorisant le travail d’équipe.

 
Travaillant à la fois avec les élèves, les professeurs et les pilotes, dans des configurations très différentes selon les établissements (décharge, missions, indemnités), le « préfet des études » (souvent renommé coordonnateur pour prendre de la distance avec l’injonction ministérielle) est confronté à de nombreux dilemmes :

  • construire sa légitimité tout en construisant des relations fructueuses avec ses pairs comme au sein de l’équipe de direction,
  • construire des espaces de discussions professionnelles sans prendre la place des « spécialistes » (des savoirs, de l’orientation, de la difficulté, de la formation…),
  • « innover » tout en accompagnant les projets dans la durée,
  • aider à évaluer les dispositifs, voire à les remettre en cause lorsqu’ils ne remplissent pas leur fonction.

Un travail similaire est en cours de réalisation pour les coordonnateurs.

Quel est le problème ?

Ces fonctionsSi l'on reprend la définition d'Y. Clot, ces fonctions ne sont pas des métiers : il n'existe pas encore de genre professionnel qui leur est attaché. sont floues car la manière dont les sujets travaillent est dictée par différents éléments. Tout d’abord, les objets de l’action sont flous car ils sont composites, à l’articulation de différents domaines, de différentes compétences, de différentes institutions, de différents métiers. Ils restent difficiles à définir. Ils imposent des postures professionnelles particulières qui ne sont pas toujours reconnues par les institutions.

Le positionnement même des fonctions floues dans les organigrammes reste instable, de même que leur dénomination extrêmement variable (coordonnateur, référent de parcours…).
Le caractère flou de ces fonctions constitue certes une grande difficulté mais aussi une ressource pour remplir leurs missions. Cette imprécision permet de donner de la souplesse aux organisations. Pour aider les personnes à assumer ces fonctions, il ne s'agit donc pas de rigidifier leur rôle et leur place mais de les soutenir.

Ces nouvelles fonctions posent plusieurs questions :
→ Comment définir le rôle et la place des personnels nommés sur ces fonctions pour que leur légitimité soit assurée aux yeux de tous ?
→ Quel espace de construction de règles de métier pourrait être mis en place pour ces personnels ? Se parler entre coordonnateurs, entre PMQC, entre formateurs REP+ peut permettre de comprendre les dilemmes propres aux fonctions, les problèmes de travail qui y sont liés et de construire des normes.
→ Quel espace de formation pour ces personnels qui doivent construire des compétences au-delà de leur métier d'origine (PE, PLC) ?
→ Quelle peut être la durée d'exercice dans de telles fonctions ?  Le travail collectif prend du temps.

Mai 2016