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Accompagner : de la prescription à l'activité

Par lbuguet — publié 17/05/2016 11:15, Dernière modification 21/06/2018 11:48
L'accompagnement fait aujourd'hui partie des dimensions du métier de formateur, mais aussi d'autres métiers qui interagissent avec les enseignants. Le prescrit de « l'accompagnement » envahit la « formation » sans que l'on sache ce que recouvre précisément l'un et l'autre terme. Tentative de clarification...

La prescription "d'accompagnement" peut être interrogée, car en partie impensée. Quelles sont les visées de l'accompagnement ? Quelles activités recouvrent l'accompagnement lorsqu'on est formateur, pilote, directeur, coordonnateur ? Comment passe-t-on d'un accompagnement individuel à l'accompagnement d'un collectif ? 

« Accompagner » dans les textes

Du point de vue du prescrit

De nombreux textes citent explicitement l'accompagnement comme une dimension du travail des pilotes et des formateurs. Les extraits ci-dessous sont issus de textes officiels récents : référentiel de métier, référentiel de l'éducation prioritaire, circulaires concernant le dispositif « Plus-de-maitres-que-de-classes » et la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Les termes « accompagner » ou « accompagnement » utilisés au fil de ces textes se rattachent à des logiques diverses : former, aider, tutorer, conseiller, suivre, étayer, évaluer et même piloter.

Référentiel de l'éducation prioritaire

Priorité 5 : Accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels

Accompagnement

  • Un accompagnement extérieur par un formateur ou un chercheur est mis en œuvre pour au moins un projet du réseau.
  • Les corps d’inspection développent les visites conseil.
  • Les enseignants rencontrant des difficultés, au regard des spécificités du réseau, font l’objet d’un suivi personnalisé

Scolarisation des enfants de moins de trois ans

circulaire n° 2012-202 du 18-12-2012

Annexe : Principes de référence pour la mise en place de dispositifs d'accueil et de scolarisation des enfants de moins de trois ans

10. Les formateurs, et notamment les conseillers pédagogiques des circonscriptions concernées par ces dispositifs, suivront une formation adaptée au niveau départemental ou académique pour faciliter l'accompagnement des équipes dans la définition et la mise en œuvre de leur projet.

Dispositifs « plus de maitres que de classes »

Missions, organisation du service et accompagnement des maitres

circulaire n° 2012-201 du 18-12-2012

4. Accompagnement pédagogique

Dans tous les secteurs concernés, les équipes de circonscription et les maîtres formateurs sont mobilisés pour aider les équipes enseignantes ainsi constituées à concevoir les projets et les accompagner dans la durée grâce à un dispositif de formation continue associant la circonscription, le département et l'académie. Cette formation comportera un volet sur l'évaluation, pour aider à mieux observer les élèves au travail et mieux définir leurs besoins. Elle comportera également un volet sur le développement de l'enfant et les processus d'apprentissage pour aider à l'analyse des observations faites et à la définition d'aides appropriées.

Les directeurs académiques des services de l'éducation nationale, en étroite collaboration avec les conseillers académiques en recherche-développement, innovation et expérimentation (Cardie), veilleront à faciliter l'analyse des expériences dans une perspective de régulation garantissant les intérêts des élèves ainsi que la mutualisation des pratiques ; l'ouverture à des équipes universitaires sera favorisée autant que possible. Ils aideront les équipes à concevoir et à mettre en œuvre une évaluation des effets du dispositif sur les résultats scolaires des élèves, à partir de quelques indicateurs choisis pour leur robustesse et leur simplicité.

Référentiel de compétences professionnelles du formateur de personnels enseignants et éducatifs

Accompagner l’individu et le collectif

  • Accompagner les individus et les équipes dans la durée pour développer la confiance et le pouvoir d’agir, en facilitant les échanges en présence et à distance.
  • Donner aux individus et aux équipes des outils pour agir ; étayer leur analyse par des rétroactions fondées sur des traces prélevées dans leur activité.
  • Suivre avec attention les expérimentations et les innovations mises en œuvre en s’attachant aux modifications qu’elles induisent.
  • Aider chacun à s’engager dans un projet d’enseignement, de formation, de recherche-action ; soutenir et valoriser le développement des compétences dans une démarche de formation tout au long de la vie.

A la lecture des textes, force est de donc constater que ce prescrit peut concerner divers métiers : les pilotes (principal, inspecteur), les formateurs mais aussi parfois les directeurs et les coordonnateurs. Pour autant la manière dont les différents professionnels interviennent n'est, elle, pas définie. On dit ce qu'il faut faire, mais pas forcément comment le faire...

Dans le texte ci-dessous nous utiliserons indifféremment le terme formateur ou accompagnateur pour désigner celui qui accompagne, et ce quel que soit son statut.

Des tentatives de définition

Une analyse sémantique de l'accompagnement a été élaborée par M. Paul Paul M. , « Accompagnement », Recherche et formation, 62 | 2009, 91-108. ( 2009) et éclaire les évolutions à l’œuvre dans l'accompagnement individuel. Elle pointe la parenté entre accompagnement et compagnonnage, deux concepts fondés sur une base relationnelle forte, et sur la fonction de faciliter l'apprentissage, le passage. Il s'agit d'être avec et d'aller vers.

  • « Être avec » suppose un dialogue, une parole partagée.
  • « Aller vers » induit un cheminement avec un temps d'élaboration et des étapes. Cela annonce aussi une orientation.

Aujourd'hui, l’accompagnement d'un professionnel interviendrait à la fois en fonction des exigences du milieu (dispositif, réforme...) et des besoins individuels. Il est de ce fait, contextualisé, circonstanciel et temporaire. Pour M. Paul, l'accompagnement donne la primauté à la logique de la coopération réflexive dans le but d'aider les sujets acteurs à construire le sens de leurs actions. Il répond ainsi à une visée de professionnalisation : « développement de compétences et acquisition d'attitudes cognitives telles que la réflexivité et la problématisation ». L'accompagnement est un processus orienté vers un « mieux », basé sur une conception du temps conçu comme une maturation.

Un extrait du rapport des IGEN sur le dispositif « Plus-de-maitres-que-de-classes » Le dispositif « plus de maîtres que de classes » : projet et mise en œuvre pédagogique, juin 2014, p.33 (2014) propose une définition qui met en exergue la posture du formateur et la place du réel de l'activité enseignante dans l'accompagnement.

« Il peut paraître artificiel de distinguer formation et accompagnement car l’accompagnement conduit à des effets formatifs. La séparation se justifie essentiellement par la différence des modalités d’action et des cadres institutionnels : dans l’accompagnement, l’accompagnateur rejoint ceux qu’il accompagne sur « leur » terrain et le travail conjoint se réalise en contexte. »

Ces deux approches ont en commun, un déplacement du formateur vers l'activité ordinaire du professionnel avec qui il travaille. Les « problèmes » de travail sont au centre de l'activité qu'ils partagent. Il reste à définir plus précisément les modalités d'action dans l'accompagnement qu'il soit individuel ou collectif.

L'accompagnement individuel : des usages institués et des dilemmes identifiés

L'entrée dans le métier est depuis longtemps largement accompagnée selon différentes modalités. Dans le 1er degré cet accompagnement est assuré par des enseignants chevronnés disposant d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou de professeur des écoles maître formateur (CAFIPEMF) ; dans le 2d degré par des enseignants professionnels expérimentés Les nouvelles modalités du certificat d'aptitude aux fonctions de formateur académique, le CAFFA, visent à diplômer l'ensemble des formateurs des 1er et 2d degrés (circulaire n° 2015-110 du 21 juillet 2015).

Les formes de l'accompagnement à l'entrée dans le métier

L'accompagnement en formation initiale fait partie des missions des formateurs. Il existe des formes d'accompagnement instituées.

Stages de pratique accompagnée des M1 et M2

La circulaire du 20 août 2009 précise l'organisation de stages pour les étudiants en master se destinant aux métiers de l'enseignement « 1 - Des stages d'observation et de pratique accompagnée. Les étudiants seront présents par binôme dans la classe d'un enseignant titulaire du second degré, d'un maître d'accueil temporaire ou d'un maître formateur du premier degré ou seront placés auprès d'un documentaliste ou d'un conseiller principal d'éducation (C.P.E.) titulaires. La proportion entre observation et pratique accompagnée résultera du projet de formation concerté entre l'académie, l'université et l'étudiant concerné. ». Ces stages de pratique accompagnée s'organisent autour de trois activités principales successives décrites par M. Durand Durand M. , « Développement personnel et accès à une culture professionnelle en formation initiale des professeurs », in Gohier C. et Alin C. (dir), Enseignant-formateur : la construction de l'identité professionnelle. Recherche en formation, Paris, L'harmattan, 2001 (2001) : l'observation, la conduite de la classe par le novice et l'entretien portant sur la prestation de ce dernier. J-C. Mouton Mouton JC, « Analyse de l’activité de conseil du maître formateur en stage de pratique accompagnée », Recherche et formation, 62 | 2009, 65-76. (2009) a étudié l'activité de conseil du formateur en stage de pratique accompagnée et montre combien cette forme très instituée soulève entre les formateurs des conflits de normes et des dilemmes. Quelle liberté est laissée au novice au moment de la préparation des séances ? Quelle importance est donnée à la fiche de préparation ? Quel conseil est donné au regard de la pratique enseignante du formateur ? Etc.

« Débuter comme formateur, tuteur, conseiller pédagogique »Accompagner-Neopass(thème8)

Sous cette thématique (thème 8), la plateforme neopass@action propose des ressources (thème 8) qui ont pour objectif de contribuer à la formation des formateurs débutants en les faisant travailler sur les difficultés et les tensions propres à l'activité de conseil.

Les ressources sont organisées autour de quatre activités :

  • Conseiller à partir de ce que l'on a fait soi-même
  • Prescrire une solution ou la co-construire
  • Transmettre le métier ou faire réfléchir au métier
  • Conseiller face à l'urgence de la situation

Tutorat des enseignants stagiaires

Les professeurs stagiaires (titulaires d'un Master 1 et lauréats du concours) sont à mi-temps en classe et à mi-temps en formation à l'ESPE. Chaque stagiaire dispose d'un tuteur qui l'accompagne dans sa prise en charge d'une classe. Dans le 1er degré, ce sont les formateurs (conseillers pédagogiques et maitres formateurs) qui assurent cette mission. Dans le 2d degré, c'est un enseignant expérimenté qui est désigné comme tuteur.

Ces tuteursLes missions des maitres formateurs et des professeurs conseillers pédagogiques sont précisées dans le bulletin officiel n° 29 du 22 juillet 2010. conseillent le professeur stagiaire dans sa conduite de la classe, l'aident à préparer son enseignement et à mener une analyse critique de sa pratique. Ils rendent compte du parcours du stagiaire. Ils participent à l'évaluation de son parcours de formation.

La forme de ce tutorat-accompagnement pose au moins deux questions :

  • La première est liée à la mise en situation réelle des stagiaires sans étape préalable. Le milieu de travail aurait-il des vertus naturelles d'apprentissage ? Le tutorat supposerait au contraire des configurations évolutives à mesure que « l'apprenti » monte en compétence (Kunégel, 2012) Kunégel P. Analyse des pratiques des maitres d'apprentissage en situation de travail. Biennale internationale de l'éducation, de la formation et des pratiques professionnelles, Jul 2012, Paris, passant progressivement d'une organisation en tandem à une autonomie relative de l'apprenti. Dans le cas des enseignants, on peut légitimement se demander si les modalités d'accompagnement permettent aujourd'hui une entrée progressive dans la pratique professionnelle.
  • La deuxième question est liée à l'alternance et aux différents lieux dans lesquels évoluent le stagiaire : ESPE et terrain. Qui l'accompagne pour créer des liens entre ces différents espaces  ?Comment la circulation des savoirs est-elle assurée entre la formation théorique et le terrain ? Le tuteur a sans nul doute son rôle à jouer dans cette continuité mais à quelles conditions peut-il en être un agent efficace ?  Le thème 9 de la plateforme neopass@ction donne à voir les impensés de l'alternance et du rôle du tuteur avec les élèves : Enseigner en lycée professionnel, avec l'exemple de l'activité : Du lycée au monde professionnel, expliciter le référentiel. 

Quatre conditions pour que le conseil pédagogique contribue à du développement professionnel des débutants...

La thèse d'Alain Becue intitulée : "L'accompagnement des enseignants débutants du primaire : une situation potentielle de développement professionnel ?" met en évidence quatre conditions nécessaires pour qu'il y ait changement et que celui-ci relève du développement professionnel :

  • la présentation et la reconnaissance d'un problème issu de la réalité observée ou vécue par les deux interlocuteurs ;
  • la formulation d'une solution explicite et résonnante dans la globalité de la pratique ;
  • l'accompagnement du changement dans la temporalité ;
  • une dynamique relationnelle qui permet, a minima, à chacun d'exprimer son point de vue.

La difficulté résiderait donc en la capacité du tuteur à comprendre et traduire les différentes normes qui interviennent dans cette alternance (celle du prescrit (référentiel de compétences), celle du métier, celle de la recherche, celle de l'organisme de formation...).

Un accompagnement interindividuel : les dispositifs d'analyse de pratiques professionnelles

Pour tenter de travailler ces questions, des dispositifs fondés sur une analyse des pratiques professionnelles se sont mis en place dans les centres de formation (IUFM puis Espé) et leurs formes peuvent être multiples. On peut citer la définition donnée par C . Blanchard-Laville et D. Fablet (1996) Blanchard-Laville C., Fablet D. L’analyse des pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1996. qui fait référence à des dispositifs qui organisent un travail groupal de questionnement, réflexion, analyse collective, élaboration d’hypothèses et co-construction du sens de leurs pratiques, par les acteurs eux-mêmes, à partir de situations professionnelles réelles, présentées sous forme de récits.

Ce type de dispositifs ou groupes pose la question de ce qui s'y discute et des références théoriques que manipulent les formateurs. L'analyse se situe-t-elle dans une dimension opératoire du métier du point de vue de la didactique des disciplines, de la didactique professionnelle (centrée sur le travail de l'enseignant), ou dans une dimension clinique privilégiant les dimensions individuelles et relationnelles en jeu ?

Quelle que soit l'approche choisie, la fonction du formateur y est à la fois d'animer ces groupes mais aussi de les réguler. En effet, toute la difficulté est de définir et de tenir les conditions de la sécurité des personnes du groupe. Pour cela, de plus en plus d'approches de recherche proposent de de se centrer sur l'activité au travail, et ne pas dériver sur des problématiques psychologiques. C'est loin d'aller de soi.

L'accompagnement d'enseignants expérimentés

Au-delà des stagiaires, formateurs ou pilotes sont parfois aussi amenés à accompagner des enseignants expérimentés. Ce peut être des enseignants en cours de qualification complémentaires, dans le cadre de formations en alternance (CAFIPEMF, CAPASH (certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap)...). L'objectif de l'accompagnement est alors d'aider le professionnel à prendre de la distance sur son expérience personnelle pour l'aider à entrer dans une posture professionnelle.

Par ailleurs, des mesures institutionnelles peuvent être décidées pour « accompagner », les enseignants dits en difficulté. Il existe peu d'études pour dire à quelles conditions ce type de suivi peut aider les personnes en difficulté à reprendre pied et retrouver un sentiment d'efficacité professionnelle.

Le plus souvent, dans ces deux cas, les formateurs utilisent le panel de formes d'accompagnement cité plus haut (observation d'autres classes, visites conseil, entretien...).

Les dilemmes du formateur-accompagnateur

Le formateur est invariablement soumis à des dilemmes quand il accompagne des stagiaires (Chaliès et al., 2009).Chaliès S., Cartaut S., Escalié G. Durand M., « L’utilité du tutorat pour de jeunes enseignants : la preuve par 20 ans d’expérience », Recherche et formation, 61, 2009, 85-129

  • Faut-il être « l'ami critique» pratiquant le soutien émotionnel en se gardant d'être trop directif, ou au contraire assumer davantage de participer au processus d'évaluation institutionnelle qui peut amener à ne pas valider la titularisation du débutant ?
  • Faut-il montrer les « bonnes pratiques », dans une démarche relativement prescriptive, « prête à l'emploi », ou inviter le débutant à développer sa propre réflexivité, à inventer ses outils et ses manières de faire ?
  • Faut-il transmettre les gestes les plus ordinaires du métier ou questionner les pratiques dominantes au nom de la pertinence didactique ?

Toutes ces questions sont en tension dans la pratique ordinaire du tuteur/formateur, d'autant plus que selon sa propre expérience, sa propre compétence dans le domaine d'enseignement ou dans le niveau de classe, le formateur aura tendance à privilégier soit les conseils de « préparation », de conception didactique, soit les questions plus « pédagogiques », centrées autour de la mise en œuvre dans la classe Mémoire de master d'E. Sonzogni : Une analyse de l’activité de conseil pédagogique au service de la formation des formateurs au sein du master de formation de formateurs de l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand..

La notion d'accompagnement souligne des tensions auxquelles le formateur est invariablement confronté :

  • Comment l'injonction à devoir « être accompagné » peut-elle se faire en permettant l'instauration d'une relation librement consentie ?
  • Comment la primauté accordée à la production de résultats définis (orientation des pratiques) ne l'est pas au détriment de l'élaboration des choix par la personne concernée ?
  • Comment rendre compatible le temps d'élaboration nécessaire aux professionnels avec le temps institutionnel ?

L'accompagnement d'un collectif

Le développement du travail collectif induit une nouvelle forme d'accompagnement, celui d'équipes pédagogiques ou de collectifs de travail. La recherche s'intéresse à la construction du collectif et à la manière dont l'accompagnement peut nourrir le collectif. Pour F. Lantheaume Vidéo de F. Lantheaume d'octobre 2014 : Coordination, régulation, coopération : quels défis pour les métiers en Éducation prioritaire ? Sur le site du centre Alain-Savary., transformer une équipe en collectif de travail suppose de différentier quatre formes du travail collectif :

  • la coopération qui nécessite trois conditions : la volonté de coopérer, des moyens pour communiquer, le partage d'un objectif commun ;
  • la régulation qui permet la création d’un langage opératif ;
  • la coordination qui est le niveau le plus explicite et qui permet la planification, l’agencement des actions de façon cohérente et efficace ;
  • la concertation qui est l’instrument de la coopération et de la collaboration.

Dans ce cadre, l’accompagnement d'un collectif apparait comme un changement de paradigme en formation. Il ne se réduit pas à un accompagnement de professionnels "au pluriel", mais met en chantier collectivement les manières de penser le travail avec des formateurs. Cette démarche est éclairée par différentes approches de l'analyse du travail, dont la clinique de l'activité (Clot & Faïta, 2000) Clot, Y., & Faïta, D. (2000). Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes. Travailler, n° 6, p. 7-42. qui ambitionne d'instituer un espace-temps où les acteurs, aidés par des méthodes adaptées, vont avoir la possibilité de nourrir leur « pouvoir d'agir » en mettant en discussion leur propre activité (à partir d'observations, de vidéos ou de traces du travail ordinaire). 

L'évaluation, l'accompagnement d'école par les équipes de circonscription

La circulaire sur les missions des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs de l'éducation nationale prévoit que « S'inscrivant dans le contexte del'école ou de l'établissement, l'inspection est réalisée en référence à un travail d'équipe. Croisée avec les évaluations des enseignements ou des unités d'enseignement, elle permet d'évaluer et de valoriser les compétences, de proposer des réponses adéquates en matière de formation, notamment dans le cadre du plan académique de formation. »

Accompagner-ApprenanceLe projet "Apprenance" du département de la Drôme est un exemple de ce qui peut être fait dans cette perspective. L'équipe de circonscription a travaillé avec des écoles afin de mieux répondre aux difficultés des élèves en prenant appui sur le travail dans la classe. Pour cela, l'inspecteur est entré dans les classes et a filmé des séances d'apprentissage. Lors d'une formation sur Piloter en éducation prioritaire, l'équipe a présenté le projet et a témoigné de ce que cela a demandé à chacun des acteurs (voir notamment 1:00:00 à 1:08:30). La question du contrat éthique passé avec les enseignants est un élément primordial d'une démarche qui a permis la mise en place de formations au plus près des réalités des enseignants. Par ailleurs, chacun des acteurs entrent dans une communauté de partage où chacun apprend des autres.

L'exemple de l'accompagnement du dispositif « Plus-de-maitres-que-de-classes» : quelle place du formateur dans/avec l'équipe ?

La circulaire du 18 décembre 2012, cadre du dispositif, fait le choix du mot accompagnement en précisant ses composantes : par ce biais, il s’agit d’« aider les équipes à mieux observer les élèves..., aider à mieux définir leurs besoins [ceux des enseignants] ».

Que nécessite ce parti pris d'un accompagnement qui sert à soutenir une équipe ?

    Une posture prudentielle Nous reprenons ici le terme de F. Champy qui, dans son ouvrage La sociologie des professions (2012) définit des professions à pratique prudentielle (comme les architectes, médecins, juges, avocats, enseignants...) Les délibérations sur les fins de l'action sont à la base de la définition de la prudence chez Aristote. Or, ces délibérations sont une composante essentielle du travail collectif, les professionnels devant être capables de hiérarchiser les objectifs de leurs actions avec discernement.

    Cela peut amener à réinterroger les relations entre les différents métiers engagés dans le dispositif et son accompagnement (enseignants, PMQC, directeur, conseiller pédagogique, inspecteur de l'éducation nationale (IEN), EN, coordonnateur...). Au-delà de la traditionnelle division du travail entre les un.e.s et les autres, il faut, collectivement, observer, organiser, agir, faire les bilans de l’action… L’équipe de circonscription ne peut se contenter de « prescrire ce qu’il faut faire », étant donné les transformations que le PMQC engendre dans le travail de l’enseignant (Picard, 2016)Picard P., Plus de maitres que de classes : un dispositif qui fait changer l’École ?, CIDREE, 2016, à paraitre. Les "formateurs" « se rapprochent » de l’école, des classes, co-observent, co-évaluent, dans une posture modeste et participative.

    Le rôle du coordonnateur REP

    A Saint PriesQuel rôle pour le coordo, l'exemple de Saint Priestt, le coordonnateur du réseau a été amené à entrer dans les classes et travailler avec les équipes d'enseignants pour accompagner le dispositif PMQC.

    Hossein Iken témoigne à la fois de son rôle, du travail avec l'équipe de circonscription et des conditions qui ont permis ce "compagnonnage" avec les enseignants (voir notamment 13:00 à 20:12).

    Une relation d'aide et d'étayage sur des temps en équipe

    Les temps collectifs organisés dans l’école ou dans la circonscription sont un moyen pour faire avancer toute l’École et renforcer la cohérence entre les actions des uns et des autres. Le centre Alain-Savary a étudié la mise en place du dispositif sur le département du Rhône. Les espaces de travail observés permettent la prise de recul mais surtout des discussions nourries par les formateurs sur la nature des difficultés rencontrées par les élèves et leurs traitements pédagogiques (2015) Plus de maîtres que de classes : la mise en place dans le département du Rhône, centre Alain-Savary, évaluation réalisée pour la DEPP, novembre 2015.

      Une focalisation sur des questions pédagogiques ordinaires

      Pour P. Picard, le PMQC (re)questionne la forme de l'accompagnement mais aussi l'orientation du travail sur des questions pédagogiques « ordinaires » Op. cit.. Il illustre : « Face à un groupe d’élèves qui ont du mal à entrer dans la lecture, faut-il renforcer le travail phonologique ? La lecture à voix haute pour développer la fluence ? La production d’écrit pour favoriser par le travail d’encodage la conscience phonologique et orthographique ? Un enseignement du lexique pour développer le vocabulaire ? Des situations riches de projets et de nourrissage culturel pour favoriser l’usage d’un langage plus élaboré ? On le voit avec ce bref inventaire, jamais sûr de faire le bon dosage. Et faut-il centrer l’action sur un « public » spécifique identifié « en difficulté », ou faut-il développer avec toute la classe des activités dont bénéficieront aussi les plus loin de la norme scolaire ? »

      La difficulté pour l'accompagnateur est donc à la fois de posséder des compétences qui vont à la fois lui permettre de nourrir des échanges sur les difficultés d'apprentissage (approches didactiques) et sur les difficultés d'enseignement, qui ne se confondent pas (approches ergonomiques, didactique professionnelle...)

      Des formes de formalisation renouvelées et transparentes :

      Les observations en classe, les temps de travail collectifs nécessitent une formalisation pour les actions à suivre, mais aussi pour garder la mémoire de ce travail collectif, ressource pour le travail lui-même.

      Mais les formes en sont encore impensées et imposent de les négocier avec l'équipe enseignante. Quelle collaboration se structure entre l'école et la circonscription pour définir le rôle des différents acteurs et les temps de travail collectif ? L'annexe 8, Critères d’efficacité et transférabilité du dispositif « Plus de maîtres que de classes » du Rapport du comité national de suivi de septembre 2015, donne un exemple d'une méthodologie utilisée pour évaluer le dispositif au sein d'équipes d'école en Loire-Atlantique. Qui rédige les traces, les écrits ? Le directeur, le formateur, le maître PMQC ? Quelle forme lui donne-t-on ? Quelles valeurs leur donne-t-on ? Outils d'élaboration, de suivi, de bilan ? Quelle en sont les règles de communication, de diffusion ? Comment passer d'écrits à usage individuel (compte-rendu d'observation/discussion d'une séance) à un usage collectif (analyse collective de difficultés d'élèves, choix de priorités d'action, modalités d'actions...) ? Autant de "détails du travail" qui doivent être abordés pour créer les conditions de la qualité.

      L'accompagnement formatif d'équipes d'école

      Les formateurs sont parfois aussi amenés à accompagner des équipes d'école, à leur demande, suite à une difficulté rencontrée, à une évaluation d'école ou à un projet qui appelle des changements.

      • Des dispositifs hybrides

      Couverture Concevoir une formationCet accompagnement peut passer par des dispositifs hybrides pouvant alternés travail à distance et en présentiel. Pour le centre Alain-Savary, un des enjeux de la formation continue est d'accompagner dans la durée. « Quelle que soit la formation, il ne suffit pas d’expliquer pour transformer. Il faut donc penser des modalités de formation hybrides, au sens propre, qui alternent des temps différents : recueillir des données, apporter des informations, faire des expériences et des essais, revenir sur ce qu’on a fait… Ces différents temps sont nécessaires pour gagner la confiance entre formés et formateurs, faire culture commune, discuter les manières de faire... Évidemment, les technologies permettent l'utilisation de plateformes ressources, comme Neopass@ction que nous avons réalisée pour cela, mais la médiation par des situations collectives de travail est indispensable. »Concevoir des formations pour aider les enseignants à faire réussir tous les élèves, centre Alain-Savary, novembre 2015, p. 6.

      couv-parcours-gerer-eleves-perturbateurs

      Un exemple de ce type est disponible sur le site du centre Alain-Savary. Il a été élaboré à partir d'un accompagnement réel d'une équipe d'enseignants d'une école élémentaire. En partant d'une difficulté des enseignants : « gérer les élèves perturbateurs », un parcours de formation a été imaginé afin de créer un espace collectif de travail où la difficulté professionnelle pouvait se partager. Le collectif d'enseignants accompagnés avait pour but de construire des réponses plus satisfaisantes dans la durée. Pour ce faire, le formateur a conçu un modèle en quatre temps. Après une journée d'observation dans les classes et d’échanges avec les enseignants, il a organisé une animation pédagogique consacrée aux difficultés rencontrées par les acteurs à partir d'une vidéo neopass@ction. Ensuite les enseignants ont été amenés à observer leurs propres élèves perturbateurs pour dans une deuxième animation pédagogique analyser collectivement les situations recueillies, outiller l'équipe d'un point de vue théorique et définir les objets de travail à venir.

      • Accompagnement de l'innovation par des chercheurs

      Autre exemple, l'accompagnement d'écoles dans le cadre de mises en place d'une innovation (dans le cadre de l'article 34 de la loi de 2005 La Loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école indique à l’article 34 du BO n° 18 du 5 mai 2005, que les écoles, dans le cadre de leur projet, peuvent mettre en place des expérimentations.). Cet accompagnement peut créer de la connaissance sur les conditions des évolutions professionnelles en contexte réel, même s'ils ne sont pas suffisant pour définir les conditions d'une "pollennisation" ou d'une "diffusion" des pratiques efficaces.

      Du côté des enseignants.

      Un groupe de chercheurs Bonasio R., Fondeville B. et Veyrunes P., « Accompagnement d'une équipe enseignante de l'école primaire : l'analyse de l'activité comme aide à l'appropriation d'une culture commune », Éducation et socialisation, 38 | 2015. a accompagné une école primaire qui souhaitait engager une réflexion sur le « plan de travail » Pratique pédagogique basée sur une individualisation du parcours des élèves et mettant en avant leur autonomisation., pratique déjà mise en œuvre par des enseignants de l'école afin de faire culture commune avec les nouveaux enseignants et de réfléchir à l'efficacité de cette forme d'apprentissage. Cet accompagnement a été pensé dans le cadres de l'analyse de l'activité et du "cours d'action". L'article qui relate cette expérience met en perspective la place respective des enseignants, selon qu'ils soient novices ou « anciens » dans l'école, dans les débats organisés autour de vidéos de pratiques de classique. Il interroge aussi les liens entre l'analyse du travail et la transformation de l’activité. Ainsi, il montre que la recherche d’une efficacité accrue du plan de travail pour les élèves (objectif de départ de l’équipe enseignante) entre en tension avec la recherche de viabilité du plan de travail pour les enseignants centrés sur le développement de l'autonomie des élèves. Problèmes d'apprentissage et problèmes d'enseignement se mêlent à nouveau.

      Du côté des « accompagnateurs ».

      Dans un article consacré à des expériences d'accompagnement au sein d'écoles, sur des sujets variés. Janner-Raimond M. et Tavignot P., « Posture d’accompagnement au changement-innovation avec des équipes d’école volontaires : l’implication réfléchissante », Éducation et socialisation, 38 | 2015.L’accompagnateur est amené à s’interroger sur l’objet de changement voulu par l’équipe : « S’agit-il bien de celui qui semble annoncé d’emblée ? La problématique de l’équipe n’est-elle pas ailleurs dans un non-encore-dit ? Comment savoir si l’analyse de l’accompagnateur est bien celle dont a besoin l’équipe ? Comment nourrir la réflexivité des uns et des autres, comment échanger pour se comprendre sans se compromettre ? »Op. cit. Les auteurs définissent comme objectif de l'accompagnement la promotion d'un processus de « co-construction » de sens, voire une « co-formation ». Pour cela, ils préconisent une « implication réfléchissante » des chercheurs-accompagnateurs. Le chercheur se fait « révélateur » des enjeux par une écoute réflexive sous forme de reformulation - clarification et de reformulation-synthèse ainsi qu’une mise en retrait de son propre savoir. Mais le chercheur/accompagnateur est attentif à autrui, afin de favoriser le sentiment de confiance et de compétence en sa propre pensée.

      Quelques enjeux de l'accompagnement collectif

      Les caractéristiques de l’accompagnement d’équipe s'apparentent à celles de l’accompagnement individuel, et les dilemmes auxquels les formateurs sont confrontés peuvent être repris à l'identique. Cependant, trois éléments émergent de manière plus prégnante et apparaissent comme des passages obligés.

      Une clarification des modalités de l'accompagnement

      L’accompagnement d'un collectif de travail impose une forme de contrat explicite qui porte à la fois sur la forme, la durée, sur le rôle de chacun mais aussi sur le ou les objets de l'accompagnement. Ceci est d'autant plus important que les positions hiérarchiques sont en jeu. La position asymétrique de celui qui accompagne doit être définie.

      La place de l'évaluation dans l'accompagnement - que ce soit d'un dispositif ou d'une innovation - doit être également clarifiée, négociée dans sa temporalité, son contenu, mais aussi quant aux rôles respectifs des différents membres du collectif et des accompagnateurs.

      Une clarification des visées de l'accompagnement collectif

      Le travail collectif et son accompagnement, notamment au sein d'une équipe pédagogique dans le cadre de l'analyse de l'activité réelle des acteurs, interroge l'accompagnateur sur sa visée. Les discussions en équipe peuvent développer une culture commune sur l'objet de l'accompagnement (élèves perturbateurs, plan de travail...) ou sur les objets qu'éclairent le dispositif accompagné (apprendre à lire les travaux d'élèves ou les situations de classes pour mieux repérer les obstacles à l'apprentissage...). Mais au final, quelle en est la visée ? S'agit-il pour chaque membre de l'équipe de s'approprier des normes ? Ou s'agit-il de viser un élargissement des univers de référence, un échange et une circulation entre les significations associées aux pratiques de classe ?

      S'agit-il de modéliser des bonnes pratiques, ou bien de favoriser le développement de compétences professionnelles individuelles et collectives, en aidant les maîtres à mieux conceptualiser leurs propres pratiques ? A quelles conditions permettre aux enseignants de mieux comprendre la nature des difficultés d'apprentissage des élèves ? Avec quel outillage (instruments didactiques notamment) fourni par les accompagnateurs ? R. Goigoux, définit sept objectifs possibles à l'analyse de l'activité des enseignants qui permettent d'interroger les objectifs de l'accompagnement. Goigoux, R. « Un modèle d’analyse de l’activité des enseignants », Éducation et didactique, vol 1 – n°3, Décembre 2007

      Une posture « réfléchissante » et/ou une posture de conseiller ?

      Pour favoriser le travail réflexif du collectif, celui qui accompagne se préoccupe donc de la participation la plus ouverte possible des membres de l’équipe (en tenant compte des différences d'implication des différents membres...), et permet aussi la production de discours tenus et construits par les acteurs eux-mêmes. Il œuvre à une décision commune qui correspond au projet choisi et défini collectivement.

      Pour cela, l'accompagnateur doit-il faire preuve d'une écoute réflexive qui lui permette d'organiser et de « réfléchir » les échanges sous forme de reformulation ? Doit-il se mettre en retrait afin de favoriser la dynamique de réflexion du collectif ? Ou au contraire doit-il apporter des outils, des propositions pédagogiques issus de sa propre expérience professionnelle et de ses connaissances ? Cela suppose que celui qui accompagne ait des compétences sur la question posée. Il faut aussi qu'il ait connaissance d'outils de médiation de l'activité qui permettent aux enseignants d'améliorer leurs pratiques. Pour S. Cèbe Quelles sont les compétences requises pour comprendre un texte écrit et comment les enseigner à l’école primaire ? Conférence de consensus CNESCO, Lecture, 2016, un outil, « même s’il intègre les connaissances scientifiques les plus récentes sur l’acte de lire et sur l’origine des difficultés des élèves, est voué à l’échec s’il s’avère trop éloigné des conceptions didactiques des enseignants, de leurs savoir-faire et de leurs pratiques d’enseignement habituelles ».

      Cela suppose également que l'accompagnateur puisse suivre un travail collectif dans la durée, pour pouvoir ensuite comprendre ce qui a permis la réussite des élèves ou non dans la construction des séances réalisées.

      Conclusion

      La lecture des textes, qu'ils soient institutionnels ou issus des travaux de la recherche, montre combien l'accompagnement en formation n'est pas seulement affaire de posture personnelle, d'éthique ou de bienveillance. Cela nécessite, pour l'accompagnateur, de comprendre les enjeux et les dilemmes de cette dimension de l'activité du formateur dans les différents contextes où elle s'exerce. La formation des formateurs est un levier incontournable pour leur permettre de renforcer leurs connaissances, mais aussi de développer de nouveaux outils et de nouvelles formes de travail avec les équipes. L'organisation d'espace de travail entre les différents métiers susceptibles d'entrer dans l'accompagnement en est sans doute un autre, pour confronter les normes professionnelles, mais aussi les doxas (ce que chacun tient pour vrai sans forcément le mettre à l'épreuve du réel...). L'accompagnement donc pose la question de la place de chacun des métiers (directeur, PMQC, IEN, principal, inspecteur d'académie-IPR, coordonnateur, formateur...) dans l'accompagnement. C'est ce collectif qui est garant de l'effectivité de l'accompagnement, chacun pouvant endosser une des dimensions de cette mission. Et les accompagnateurs doivent sans doute être accompagnés pour cette mue identitaire complexe... Mais par qui ?

      Mai 2016