De situations intenables à des relations constructives entre enseignants et parents d'élève(s)
"Dans une école où tous les enseignants ont obtenu leur mutation, l’équipe a donc été totalement renouvelée. Il n’y a plus de cadre lisible pour les élèves et pour les familles. Tout explose. À ce moment de l'année sur cinq classes, l’école en est à son quinzième remplaçant. En six semaines l'équipe de circonscription est intervenue sept fois." Conseillère pédagogique de circonscription (2012)
Avant tout, un projet de circonscription qui s’inscrit dans la durée avec des points d’ancrage dans les réalités complexes de chaque école et de leurs quartiers.
Contexte
C’est un territoire de quarante-sept écoles primaires, élémentaires et maternelles qui scolarisent six mille élèves dans le secteur public et mille deux cents dans le secteur privé. Trois quartiers sont en Politique de la ville et plusieurs écoles sont en Éducation prioritaire. Le nombre d’enseignants de l’école publique dont la circonscription a la responsabilité de la formation oscille d’une année sur l’autre entre trois cent vingt et trois cent trente.
État des lieux
C’est un territoire peu attractif dans le département de l’Isère. Cette circonscription subit une très forte rotation de jeunes enseignants, plus de la moitié ont moins de 35 ans. Tous les ans, l’équipe de circonscription accueille environ une quarantaine de débutants et voit le renouvellement global jusqu’à un tiers certaines années. Certaines écoles n’ont pas de volontaires en début d’année mais de nouveaux enseignants qui ont beaucoup de difficultés à s’adapter. Une enseignante a pu dire qu’elle ne savait pas que des élèves « comme ça » pouvaient exister.
Ce sont donc souvent des professionnels peu expérimentés dans la relation avec des populations qu’ils ne connaissent que très peu, voire pas du tout. Pour la plupart "ex-bons élèves", ils ont comme modèle leur propre référence familiale. Les premiers contacts avec les familles populaires peuvent être extrêmement brutaux du fait de réalités qui leur sont totalement inconnues. Ils sont très démunis quant à la gestion des élèves en difficulté avec une méconnaissance des enjeux d’une relation école-famille bien positionnée. Pour certains, c’est un enjeu secondaire, quelque chose qui n’entre pas dans leur manière de considérer leur métier. Il y a aussi les enseignants "éponge", ceux qui craquent et se mettent en danger parce qu’ils ne savent pas dire non aux familles. Ils disent oui à tout. « En janvier dernier, une famille s'est plainte en demandant pourquoi cet enfant a droit à quelque chose et pas le sien nous raconte la conseillère pédagogique la famille a raison d'avoir ce ressenti. Ce n'est pas intentionnel de la part de cet enseignant mais c'est vrai. Cet enseignant n'a jamais dit non jusqu'au moment où c'était devenu intenable et malheureusement, ce n’était pas le bon moment. Ces enseignants, non seulement se mettent en danger psychologique mais aussi en danger professionnel car ils vont à la faute ! (CPC)
Les six déterminants qui ont présidé au choix d’imposer un cycle de formation pour toutes les écoles de la circonscription
L’équipe de circonscription a formulé six constats à partir de l’observation du réel in situ mais aussi à partir de données chiffrées : appels téléphoniques, déplacements sur site, etc.
- L’équipe de circonscription est de plus en plus souvent sollicitée pour traiter des difficultés que les enseignants rencontrent dans leurs relations avec les familles dont les enfants sont des élèves en difficulté. Cette sollicitation est de l’ordre de quatre à cinq fois par jour par des écoles différentes qui lancent des SOS.
- Des appels émanant de toutes les écoles. Ceux des écoles des quartiers CUCS sont récurrents pour des situations intenables au sein des équipes enseignantes. Et puis des appels, moins fréquents, qui viennent des autres écoles mais qui demandent une attention soutenue car ces équipes sont dans des situations inédites pour lesquelles elles ne connaissent aucun schéma d’action. Leurs demandes sont aussi pressantes que celles qui sont dans des situations lourdes.
- Les jeunes enseignants sont désarmés par les problématiques qui mettent en jeu la relation école-famille.
- Il y a des partenariats qui sont installés au sein des quartiers avec les centres sociaux, avec les assistantes sociales, avec la Direction de la réussite éducative mais ces partenariats ne sont pas toujours activés au bon moment par manque de connaissance des acteurs.
- Ce que disent certains enseignants et les commentaires qu’ils écrivent dans les cahiers de liaison ou sur les livrets scolaires montrent qu’ils s’attribuent une place erronée dans la coopération entre enseignant et parent(s) : conseils sur la vie à la maison, discours qui évoquent la démission des familles, courriers adressés aux familles au stylo rouge, etc.
- La fluidité des parcours des élèves, maintien-redoublement, est mise à mal de manière très irrégulière selon les écoles mais de manière très constante. Les parcours sont moins fluides sur ce secteur que sur le département entier ce qui montre la difficulté des enseignants à se positionner par rapport aux résultats des élèves.
Prendre des décisions et construire un projet de formation et d’accompagnement
C’est à partir de la formulation de ces constats que l’équipe de circonscription a renoncé à pérenniser les interventions d’urgence pour construire un projet de formation et d’accompagnement à l’échelle du territoire en partenariat avec les professionnels des centres sociaux, des assistants sociaux du Conseil général, des éducateurs de prévention, des éducateurs sportifs et des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Tous partagent la volonté d’associer les familles.
L’équipe de circonscription elle-même a commencé par s’inscrire à une formation de formateurs « Relations École-Familles : parents acteurs de la scolarité de leurs enfants ? » (2012) à l’Institut français de l’éducation (IFÉ) au cours de laquelle leur situation territoriale a été exposée à tous les participants comme étude de cas. Ces derniers ont été force de propositions, ils ont ouverts des pistes de développement dont certaines ont été retenues comme l’élaboration de « Charte relation école-familles » co-construite dans une démarche partenariale locale : parents d’élèves, enseignants, professionnels éducatifs et sociaux.
Démarche de formation et mis en œuvre d’actions à l’échelle de la circonscription
L’objet « Relations école-famille » porte la nécessité de le travailler dans la durée afin que les expérimentations permettent aux protagonistes, professionnels-parents-enfants, d’éprouver des situations d’interactions nouvelles, positives et de manière durable. « La connaissance réciproque que chacun peut se faire de l’autre est une rencontre entre des personnes singulières et au regard d’un vécu commun et non sur la base de stéréotypes » (Giuliani, 2016).
La circonscription s’est fixée comme objectif d’armer les enseignants, de les aider à comprendre ce qui leur arrive, ce qui se passe autour d’eux, qu’ils prennent conscience qu’ils ont un rôle à jouer et des choses à construire avec les parents, avec les partenaires sociaux et éducatifs. Les actions de formation ont alors été menées avec les partenaires territoriaux en tenant compte de l’hétérogénéité du territoire.
La première année un module de douze heures de formation pour l’ensemble des enseignants (obligatoire) et des professionnels sociaux et éducatifs a consisté en :
- apports théoriques pour la compréhension des enjeux et créer une culture commune ;
- des travaux de groupes utilisant les outils vidéo proposés par ATD Quart Monde « Familles, école, grande pauvreté. Quand parents et enseignants s’en mêlent » http://crdp2.ac-rennes.fr/blogs/familles-ecole-grande-pauvrete/?page_id=11 ;
- un travail spécifique pour l'école maternelle ;
- un travail spécifique qui s’intéresse aux élèves qui posent des problèmes de comportement de manière à conduire une réflexion sous l'angle de la relation avec les familles de ces enfants-là : qu'est-ce qu'on dit aux familles, comment on travaille avec les familles ?
- un travail spécifique sur la fluidité des parcours, le redoublement ;
- des espaces de rencontres et d’échanges collectifs à l’échelle du quartier et dans chaque école.
Les chartes école-famille : construire avec les parents
L’idée d’élaboration d’une charte avec les parents (et non pour les parents) est venue des groupes de travail lors de la formation de formateurs à l’IFÉ. Il ne s’agit pas tant de rédiger un document où chacune des parties prenantes appose sa signature mais bien de suivre une démarche dont la visée est une production commune qui fait consensus. La démarche commence donc par (re)nouer le contact et « pour de vrai ! ». Quelles modalités ? Avec quels partenaires ? Où ? Quand ?
Cette charte école-familles, ancrée dans chaque contexte scolaire et territorial, devient un document :
- « prétexte », ce vers quoi tend concrètement le collectif, qui soutient donc la dynamique du processus au cours duquel les relations s’apaisent entre parents et enseignants et se mobilisent sur un objet commun dans l’intérêt des enfants ;
- finalisé, formel, inscrit dans le projet d’école. Il constitue la mémoire de l'école lorsque la majorité voire la totalité des enseignants sont mutés. Pour mémoire, un des constats de départ restitué par la CPC : Dans une école où tous les enseignants ont obtenu leur mutation, l’équipe a donc été totalement renouvelée. Il n’y a plus de cadre lisible pour les élèves et pour les familles. Tout explose.
Concrètement comment cela s’est traduit sur le terrain ? Un cas d’école sur les 47 écoles suivies par la circonscription.
Pour accéder aux détails des étapes et des indicateurs de changements
Une école primaire et ses partenaires impliqués dans la dynamique impulsée par la circo
C’est l’école d’un territoire avec peu de mixité sociale. Elle compte cinq classes et 118 élèves (54 en maternelle et 64 en élémentaire). Située au cœur du quartier, entre barres d’immeubles et autoroute, elle jouxte un terrain de football où squattent les jeunes. Elle se divise en deux bâtiments, maternelle et élémentaire avec un petit passage piétons entre les deux où circulent les habitants plus particulièrement des jeunes. La clôture basse qui sépare la cour de récréation de l’espace commun ne semble pas bien identifiée comme une frontière entre deux territoires aux fonctions distinctes. L’école n’apparait pas comme LE problème mais comme un exutoire, selon les professionnels du territoire. Elle est une cible pour ce qu’elle représente. Un climat délétère persistant a engendré des dégradations des bâtiments et les modalités de communication étaient souvent agressives et à tout venant. Le turn-over des enseignants donnait aux parents d’élèves le sentiment d’être abandonnés par l’institution.
Dans la dynamique de la circonscription de s’attaquer à la récurrence des problèmes parfois aigus que rencontrent les professionnels de l’école dans leurs relations avec les parents d’élèves, cette école est prioritaire. Elle est de celles qui ont un turn-over d’enseignants à 100% certaines années qui ne peut être imputé uniquement à l’instabilité des personnes car de jeunes enseignantes étaient volontaires pour s’engager à moyen voire long terme sur cette école sinistrée. Leur petit nombre de points les acculait à être remplaçantes, soit ponctuellement pour un congé maladie, et il y en a eu de nombreux dans cette école, soit pour une journée de décharge de direction.
L’inspectrice, en cohérence avec les objectifs du projet de circonscription, a pris la décision de créer des postes à profil avec un engagement (oral) sur 3 ans, d’accorder une décharge de direction de deux jours et de nommer un enseignant surnuméraire. Les postes à profil permettent alors de former une équipe solide dans la durée qui se voit proposer diverses formations et un accompagnement de proximité par la conseillère pédagogique non seulement dans le développement du projet local mais aussi en répondant aux appels ponctuels pour aider à gérer des situations inattendues et délicates.
Être accompagnés pour apprendre à se positionner
Il est à préciser que cette école a été préfiguratrice du projet de circonscription « Relations école-famille » ce qui signifie que l’équipe locale a bénéficié d’un accompagnement par l’équipe de circonscription en année N-1. Cette année- là, les enseignantes ont été dispensées des 18 heures de formation obligatoires pour se mobiliser uniquement sur les enjeux d’évolution du climat scolaire de leur école.
Un travail et un positionnement d’équipe
Les tensions entre parents, entre parents et professionnels avaient eu raison des temps et de la qualité des apprentissages des élèves : soit parce que les élèves étaient pris dans un conflit de loyauté entre leur école et leur famille ; soit parce que certains avaient adopté les modalités d’échanges de leurs parents avec les enseignants sur le mode agressif ; soit encore parce que des familles ne s’approchaient pas de l’école ; et puis, aussi et surtout, des enseignantes préoccupées par les tensions se trouvaient empêchées d’exercer au mieux leur cœur de métier : enseigner. En tout état de cause, des conditions d’insécurité pour les adultes comme pour les enfants ne pouvaient que s’avérer préjudiciables aux apprentissages.
Après analyse et réflexion collectives, les premières décisions furent de se recentrer sur l’enseignement en faisant valoir leur expertise, de repousser les conflits du quartier à l’extérieur de l’école et de tenir un discours cohérent tant au niveau de l’école bien sûr qu’au niveau du centre social.
Les billets de rendez-vous
C’était toujours dans les moments informels, le plus souvent au portail, que les conflits éclataient : des parents énervés et des enseignants pris de court. Après observation et réflexion collectives sur ces incidents répétitifs et même parfois violents, l’équipe a décidé d’instaurer des « billets de rendez-vous ». Ce qui a eu pour conséquence une mise à distance des échauffourées qui se sont transformées en temps d’échanges, d’explication sur les désaccords voire de levers de malentendus. Concrètement, les enseignantes s’étaient chacune fixée deux jours par semaine avec des créneaux horaires définis pour recevoir les parents.
Ce n’est pas parce qu’on prend la décision de mettre en place une procédure qu’elle est acquise à l’instant où on la met en œuvre. En attendant donc que la transformation s’opère, les enseignantes ont convenu d’être toujours à deux au portail afin d’anticiper la réaction à un incident où l’une serait prise de court et l’autre pourrait s’interposer et proposer la prise de rendez-vous, une mise à distance.
Un cahier de rencontres
Les enseignantes ont créé un « cahier de rencontres ». Y sont notés les éléments essentiels ou jugés importants en lien avec l’école et discutés lors de l’entretien. Rédigé à l’issue des échanges, le parent le signe. C’est une mémoire dans l’école utile d’une année sur l’autre et aux nouveaux professionnels qui intègrent l’école. Il peut permettre de refuser un rendez-vous quand un parent est déjà venu plusieurs fois et de justifier ce refus. Force a été de constater que des parents ne prenaient jamais rendez-vous. Comment les rencontrer ?
Des réunions collectives et des rencontres individuelles
La réunion collective de début d’année commence par rassembler tous les parents de l’école pour les informer des projets à l’échelle de l’école et rappeler les règles communes. Ensuite, chaque enseignant va dans sa classe accompagnée des parents présents. Entre janvier et mars, qu’il y ait ou non des problèmes avec leur enfant, tous les parents ont un rendez-vous individuel avec l’enseignant. Cela annule les effets de stigmatisation éprouvés auparavant d’une part et d’autre part offre un plaisir partagé lorsque les progrès de l’enfant sont au rendez-vous.
Un travail en partenariat avec le centre social
Depuis longtemps le centre social coordonne les dispositifs d’accompagnement scolaire 1er et 2nd degrés et anime un groupe parentalité intégrant la conseillère pédagogique, les représentants des écoles du quartier, des représentants du centre social et de la garderie, des assistantes sociales, des éducateurs de prévention et des représentants de la mairie. Ces réunions sont le terrain de discussions et de recherche de (re)médiations afin de garantir de meilleures relations entre les familles du quartier et les écoles. Elles permettent l’élaboration de plusieurs projets conjoints : le Café des parents, les accueils petits déjeuners en maternelle, les Ateliers droits et devoirs, etc. Ces projets lient l’école, les divers partenaires du quartier et les parents.
Toutefois tout était à recommencer quand l’équipe de l’école changeait. Sans pouvoir l’expliquer, le coordonnateur du centre social constate que cette école en particulier, cristallisait les rancœurs des jeunes du quartier : « on a eu à chaque rentrée une trentaine d’ados qui revenaient foutre leur bousin dans cette école alors qu’ils étaient passés au collège. Ils passaient au-dessus du grillage et venaient frapper aux carreaux. Il y a même eu des impacts de plomb. Ça se passait en plein jour, il y avait des adultes qui n’intervenaient pas. Il y a même eu un cautionnement de ces phénomènes car les parents étaient dans le même désarroi : l’école n’a pas su faire de leur enfant un collégien ! On a essayé de savoir ce qui se jouait, il n’y avait rien contre les personnes mais l’institution était vraiment visée. Ils s’attaquaient au symbole. C’était des jeunes en échec. Les difficultés qu’ils rencontraient au collège ils les attribuaient à l’école qui ne les avait pas préparés. En l’absence de mixité sociale, il est difficile de créer une nouvelle dynamique d’autant qu’il y a, pour ce le coup, peu de turn-over du côté des parents dû aux fratries nombreuses et à leurs enfants qui, une fois adulte, viennent s’installer dans le quartier. » Mais aujourd’hui une enseignante commente « À ce jour, les collégiens viennent moins et ceux qui reviennent ce sont nos anciens élèves, on les connaît bien, on les appelle par leur prénom et ils nous racontent comment ça se passe au collège. »
Comme à l’accoutumée, le centre social et le groupe parentalité ont été parties prenantes de l’action qui consistait à rédiger une charte entre enseignants et parents et celle du café des parents.
Des actions mises en œuvre, deux exemples : élaboration d’une charte école-famille, le café des parents.
Élaboration d’une charte école-famille
Au commencement, un questionnaire a été adressé en trois langues (arabe, français, turc) aux parents selon divers moyens de diffusion dont le journal Parent’Mag.
Les parents ont eu la possibilité de le rendre dans une urne du Centre social afin de garantir l’anonymat. L’implication de parents a été progressive mais réelle et n’aurait pas été aussi significative sans la formation des enseignants et le travail en partenariat avec les sociaux, réactifs et impliqués, chacun ayant su quelle était sa place et le travail qu’il avait à faire.
Ces questionnaires ont permis l’écriture d’une charte, avec les parents et les élèves, qui est retravaillée et affichée chaque année dans les cahiers de liaison. La charte école-familles est aujourd’hui incluse dans les projets d’école. À posteriori, l’enjeu prépondérant se situe davantage dans le processus d’apprendre à se connaitre, se reconnaitre et se comprendre autant que faire se peut, que dans la finalité du document. Pour autant le texte co-rédigé a une valeur institutionnelle puisqu’il est reconsidéré à chaque rentrée scolaire. Collé dans le cahier de liaison, il fait un point à l’ordre du jour au cours d’une réunion de directeurs de la circonscription.
Des exemples de chartes d’autres écoles.
Le Café des parents
Le café des parents est un dispositif dorénavant bien connu toutefois avec des modalités et des succès fort différents de l’un à l’autre. Ainsi, il existe des cafés de parents qui font le flop avec peu de fréquentation, d’autres qui créent au sein de l’école un entre soi de parents déjà en connivence avec l’institution, d’autres encore s’apparentent au café du commerce et favorisent la circulation de rumeurs et renforcent les effets de stigmatisation de parents d’élèves dit à distance de l’école. En fin de compte, ils produisent des effets contraires aux intentions de départ.
D’où l’importance pour l’équipe de professionnels de définir des objectifs réalistes à atteindre, des stratégies de mise en œuvre, de réajuster les modalités au fil du temps, d’accepter que la déclaration d’un café des parents ne produit pas des effets immédiats et que c’est une démarche pluriannuelle.
La démarche de cette école est en ce sens remarquable. Tout d’abord parce qu’elle s’inscrit dans un projet global qui offre plusieurs modalités d’ « entrée en relation » qui se tricotent les unes avec les autres.
Tous les membres de l’école sont partie prenante. Le centre social est en appui et en relai. Les stratégies se sont élaborées et ont été réajustées à partir du contexte réel et par des postures de décentration « on s’est mis à la place des parents » dit la directrice. Ainsi, au début, une fois par période, deux tables sont posées sur le trottoir à 3 mètres du portail. Des enseignantes offrent le café d’autres surveillent les enfants dans la cour. Les billets de rendez-vous ont déplacé les tensions dans un autre lieu et à un autre temps et les parents qui restaient physiquement et symboliquement à l’écart des conflits ont commencé à se rapprocher de ce nouvel espace de convivialité. Quelques temps après le café a été servi dans la cour puis sous le préau. Les enfants étaient alors accueillis dans leur classe. Au café offert par l’école, thé et petits gâteaux ont abondé du côté des parents. Puis un jour, alors que les enseignantes, présentent à tous de rôle, rejoignaient leurs élèves les parents se sont réunis pour la première fois et pour la premières fois ils ont décidé de prendre en charge une partie de la fête de l’école…
Cinq ans après… les indicateurs de changements
- Les résultats des élèves de CM1 aux évaluations sont passés de 4% au-dessus de la moyenne à 50%.
- Les effectifs ne sont plus en baisse, il n’y a plus de demandes de changement d’école.
- La participation aux élections des délégués de parents d’élèves est passée de 34% à 45%.
- Le nombre de bagarres avec blessures en récréation est passé de deux par semaine à cinq dans l’année.
- Les intervenants extérieurs, musique et piscine, ont fait part de leur satisfaction liée au changement de comportement des élèves et leur implication.
- Ce ne sont plus les mêmes regards, de part et d’autre.
- De nouvelles formes de rencontres avec les familles, des relations sereines installées dans la durée.
- Un climat scolaire apaisé.
Tous nos remerciements
- à l'équipe de circonscription : Dominique Paile (IEN) et Magali Allafort Duverger (Conseillère pédagogique)
- aux enseignantes de l'école Claude Bernard : Maddly Vacher (directrice), Marion Delorme et Lucy Roux
- aux professionnels du centre social : Erik Descombes et Consuela Couturier
pour avoir partagé leur expérience et permis cette ressource à disposition de l'ensemble de la communauté éducative.
Ont collaboré à cette publication Consuela Couturier et Marine Statsas, stagiaires de Master 2 MEEF université de Lyon (2016)
Point de vue du chercheur
Jacques Bernardin, docteur en Sciences de l'Éducation et président du Groupe français de l'éducation nouvelle (GFEN), a participé en tant que chercheur invité, à un séminaire de travail IFÉ-Centre Alain Savary. Suite à la présentation de l'équipe du développement du projet ci-dessus raconté, le chercheur est intervenu pour partager des pistes d’analyse qui lui sont apparues particulièrement remarquables.
Une ré-institutionnalisation de l'École ? Intervention de Jacques Bernardin, 29 juin 2016 IFÉ- Centre Alain Savary Lyon