Présentation du dossier : mathématiques en éducation prioritaire, des ressources pour la formation
Apprendre les mathématiques en résolvant des problèmes, en éducation prioritaire
Où et quoi
Au commencement du projet, quelques collègues de l’équipe de cycle 2, accompagnés par le maître supplémentaire, se lancent dans une pratique régulière de la résolution de problèmes. Pour cela le maître supplémentaire crée, à la demande des enseignants, les premiers outils à destination des maîtres et des élèves, en s’appuyant conceptuellement sur la catégorisation des problèmes de Vergnaud. Puis, en temps réel, les collègues testent, font des retours, des propositions, de nouvelles demandes, et le M+ améliore ces outils jusqu'à concevoir une progression intra et inter-cycle cohérente. Dans le même temps, petit à petit, ils fédèrent l'équipe enseignante au complet autour de leur démarche.
A la question: "Pourquoi la méthode de Singapour ?"Marie et David expliquent qu'en cycle 3, "avec Fred, on se posait beaucoup de questions en maths et on changeait de méthode tous les ans. On galérait avec nos graphiques qui montraient que les enfants commençaient à avoir des écarts entre eux... assez conséquents. Et donc on s'en sortait plus trop." C'est à cette période que Kevin, M+, leur présente les manuels de la "méthode Singapour". "En fait tu t'aperçois que dans la résolution de problèmes, il nous manquait une partie et que c'est le même procédé et ça s'emboîte. Il nous manquait la partie numération et la partie calculs au quotidien". explique Marie et David complète "C'est à dire que dans les exemples proposés par Singapour, on recrée des exercices en utilisant les schémas de résolution de problèmes". Quant à Marianne, elle dit "J'utilisais Brissiaud avant, qui marchait très bien [...] Les autres le font (d'utiliser la méthode Singapour) et comme ça a bien marché, pour plus de cohérence il fallait que tout le monde s'y mette". Dans ce dossier : Dominique Lahanier-Reuter "Regard d'une didacticienne" |
Chaque résolution de problème donne lieu à un travail systématique d’analyse du texte pour inférer les données mathématiques non explicites et qu’il est nécessaire de comprendre pour résoudre le problème. Puis elle mobilise les élèves sur trois registres au moins pour approcher les notions : calcul écrit, schématisation, et verbalisation/explicitation, manipulation quand c’est utile, dans le but d'automatiser des stratégies efficaces de résolution mais aussi de développer de l'expertise dans ce domaine. En fin de résolution les élèves doivent produire une réponse écrite cohérente, structurée, et sans erreur orthographique. Les outils utilisés en co-intervention sont réinvestis dans les séances de mathématiques menées par les enseignants. Depuis deux ans, l’équipe intègre progressivement de nouveaux outils qu’ils jugent pertinents : le manuel nommé « méthode de Singapour », et des outils issus du travail de Stella Baruk.
Comment ?
Intéressé par cette démarche collective de construction d’outils et de méthodes partagées dans l’école, le centre Alain Savary est allé filmer le travail des enseignants et des élèves dans les classes, au mois de juin 2017. Comme il le fait pour d’autres domaines d’enseignement, il a réuni un groupe de professionnels inter-métier (Ils sont : coordonnateur de REP, Directrice d’école EP, PE enseignant en SEGPA, PCL enseignant en collège REP+, PE enseignant M+, formateur EP, chercheuse en didactique des mathématiques, chargés d’étude, IEN, CPC. Ils ont travaillé à partir de plusieurs grilles de lecture de l’activité qui sont présentées dans les encarts ci-contre.) pour tenter de comprendre les déterminants de l’efficacité de l’action pédagogique dans cette école élémentaire, constituée de dix-sept classes. Il ne s’agit aucunement de proposer des « bonnes pratiques » mais d’observer finement à quelles conditions le travail collectif d’une équipe peut :
- Permettre de mieux comprendre la nature des difficultés rencontrées par les élèves
- Proposer des outils pour aider les enseignants à enseigner, à questionner leurs choix pédagogiques et à faire les compromis les plus opératoires possibles
Pour qui ?
Ce dossier s’adresse donc aux formateurs et aux enseignants qui veulent travailler les questions d’enseignement/apprentissage des mathématiques en éducation prioritaire.
Pour quoi ?
Parce que c’est une des priorités du référentiel. Dans l’axe 1 Garantir l’acquisition du « Lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun, l’item travailler particulièrement les connaissances et les compétences qui donnent lieu à de fortes inégalités
Sous quelle forme ?
- Des vidéos chapitrées de séances de mathématiques dans lesquelles on trouve la structure de la planification de l’enseignant. On y voit aussi des élèves en train de travailler, des interactions maitres-élève(s), de la coopération élève-élève(s)
- Des vidéos chapitrées de l’enseignant revenant sur la séance filmée pour parler de son activité.
- Des entretiens et/ou des points de vue de parents, de la directrice de l’école, du M+, du coordonnateur du REP, de la CPC en charge du suivi du dispositif PDMQC
- Des tableaux, indexés sur les chapitres des vidéos, proposant une analyse de l’activité des enseignants et des élèves à partir de deux outils : les focales de Roland Goigoux et les principes du fonctionnement collectif d’Yves Reuter. Ces tableaux font émerger des questions d’enseignement et des questions d’apprentissages à travailler en formation
- Des tableaux, indexés sur les focales de Roland Goigoux, qui recensent les moments de classe où les enseignants activent des gestes professionnels en lien avec la régulation, la motivation, la différenciation ou l’explicitation
- Des scénarios à destination des formateurs avec différentes entrées : des objets mathématiques (la numération décimale, la multiplication au cycle 2…), des questions d’apprentissages (les rituels en mathématiques, le traitement de l’erreur…), des questions de métier (comment travailler la résolution de problèmes, enseigner de manière explicite les mathématiques…)
- Des explications sur les outils utilisés
- Un point de vue de chercheuse
Les Outils utilisés pour analyser les vidéos
Pour conduire le travail d’analyse des séances de mathématiques de l’école élémentaire JJ Rousseau, le groupe de professionnels inter-métiers s’est appuyé sur deux grilles de lecture :
- Les cinq focales de Roland Goigoux, qui permettent de lire l’activité de l’enseignant dans la classe et de faire des hypothèses sur sa planification didactique en amont de la séance
- Les principes dégagés par l’équipe de chercheurs du laboratoire Théodile dirigée par Yves Reuter, qui permettent d’analyse les principes qui structurent le travail collectif entre les professionnels de l’école ainsi que l’activité enchassée élèves/enseignants
Focales de Roland Goigoux
En formation, cette démarche, ascendante, inductive peut permettre de remonter du "comment faire?" à "pourquoi faire ainsi?". Concrètement, selon cette approche, le formateur pourra construire ses scénarios de formation en cherchant à:
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Le travail d’analyse des séances de mathématiques de l’école élémentaire JJ Rousseau, qui a été conduit lors de plusieurs sessions de travail d'un groupe formé d'enseignants, de conseillers pédagogiques, de formateurs éducation prioritaire, de chercheurs et de chargés d'étude du Centre Alain Savary, s’appuie sur les Cinq focales pour analyser une pratique d’enseignement de Roland Goigoux.
Ces cinq focales (la planification, la régulation, la motivation, l’explicitation et la différenciation) permettent de guider l’analyse du formateur, pour comprendre et décomposer une activité enseignante, de manière à la rendre "plus énonçable, plus explicite" (Roland Goigoux). L’analyse s’appuyant sur l’activité réalisée, l’observation porte sur l’activité des élèves (les questions d’apprentissage), les interactions avec et entre les élèves et les prises de décisions dans l’action. Elles donnent accès à des composantes de l’activité enseignante en contexte, en cherchant à identifier les occasions d’apprendre que l’enseignant donne aux élèves, les activités cognitives et langagières qu’il sollicite, les tâches que les élèves investissent et ce qu’ils apprennent.
Pour travailler sur ces situations typiques différentes, la démarche proposée s’inscrit donc conjointement dans les cadres de la didactique et de la didactique professionnelle : analyser les apprentissages scolaires en jeu et les conditions qui les favorisent, tout en cherchant à comprendre les intentions et les mobiles d'action du professionnel.
Quels savoirs utiles aux formateurs ? Vidéo de présentation des focales par Roland Goigoux
Principes de fonctionnement collectif d'Yves Reuter
Le travail d’analyse des séances de mathématiques de l’école élémentaire JJ Rousseau, dans le cadre du travail conduit lors des séminaires inter métiers, s’appuie sur les principes dégagés par l’équipe de chercheurs du laboratoire Théodile, dirigé à l'époque par Y Reuter, dans le cadre de leur recherche sur un groupe scolaire de Mons en Baroeul.
Ce groupe de chercheurs a suivi une équipe d’enseignants pendant cinq ans dans la mise en œuvre de la pédagogie Freinet dans une école primaire d’un REP de la banlieue lilloise. La recherche a consisté à décrire les modalités pédagogiques mises en place, les effets engendrés, à spécifier les relations entre ces pratiques et leurs effets et à étudier la transférabilité des dispositifs mis en œuvre. Cette dernière dimension de la recherche est intéressante pour étoffer le cadre d’analyse de l’activité dans la classe. En effet, l’équipe de recherche fait l’hypothèse de « principes de fonctionnement » collectifs transférables et bénéfiques au sein d’un établissement. Elle en dénombre douze comme autant d’éléments qui permettent aux formateurs de lire le contexte commun.
Crédits
Réalisation et relecture du dossier
- Rodolphe Alimondo, professeur des écoles SEGPA, académie de Dijon
- Myriam Becqueriaux, CPC, académie de Versailles
- Lydie Buguet, chargée d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Clotilde Daubert, conseillère pédagogique Education Prioritaire, académie de Toulouse
- Kevin Gueguen, PDMQC, Académie de Versailles
- Marie Gybely, chargée d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Virginie Hohl, chargé d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Stéphane Kus, chargé d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Dominique Lahanier-Reuter, chercheure Laboratoire LACES, université de Bordeaux
- Florent Lathuilière, technicien audio-visuel centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Pascal Lefort, IEN, académie de Versailles
- Marie-Odile Maire-Sandoz, chargée d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Thierry Maneval, CPC, académie Grenoble
- Sylvie Martin-Dametto, chargée d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Franck Morisson, enseignant, académie de Dijon
- Elsa Pelestor-Valette, CPC, académie de Clermont
- Patrick Picard, responsable du centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Nicolas Pinel, IEN, académie de Rouen
- Emmanuel Rouault, formateur Education Prioritaire (FEP), académie de Versailles
- Henrique Vilas Boas, chargé d'études centre Alain-Savary, IFé/ENS de Lyon
- Thiphaine Yang, enseignante surnuméraire, académie de Lyon