Introduction
Genèse et actualité du projet porté par le Centre Alain-Savary
Depuis 2005 le partenariat est au cœur des dispositifs proposés par les PRE (Programmes de Réussite Educative) qui, en associant les professionnels de l’école et hors l’école, accompagnent les enfants et les familles en situation de fragilité.
C’est dans ce contexte qu’en 2007-2008 des acteurs aux profils, statuts et fonctions différents se sont rapprochés afin de produire une analyse de leurs pratiques dans la mise en œuvre des PRE sur leurs territoires respectifs. Ce travail a débouché sur une recherche-action, un séminaire et un rapport intitulé « les projets de réussite éducative, analyses latérales » ; rapport rédigé par Gilles Herreros, professeur des universités à Lyon 2.
En 2009, les mêmes acteurs ont choisi de poursuivre leur réflexion commune en abordant des thèmes vifs et sensibles au niveau de leurs pratiques professionnelles :
- La parentalité, d’une logique d’aide à une logique de partenariat
- La réussite scolaire et la réussite éducative, évolution des politiques publiques
- Les notions d’ethnicité et de diversité dans les pratiques professionnelles
- La violence à l’école et la difficulté scolaire
- La grande difficulté scolaire et l’accompagnement des jeunes
- La socialisation langagière adolescente, formes et fonctions
Ces thèmes interpellent de manière récurrente les pratiques des enseignants et celles des professionnels de l’action éducative au quotidien. Ils ont été abordés dans le cadre d’un nouveau séminaire de travail intitulé « questions vives du partenariat et réussite éducative ».
Enjeux et méthodologie
Ce séminaire ouvre un nouvel espace d’échanges professionnels, un temps de pause réflexive, où chacun peut porter un regard distancié sur son propre domaine d’activités. Loin d’un groupe d’analyse des pratiques, il contribue à développer des points de vue théoriques communs et à produire une expertise partagée sur les thèmes de travail choisis.
Sans rien figer au niveau des attendus en terme de partenariat, le séminaire propose un lieu ouvert aux apports de la recherche et au regard des praticiens.
De manière isomorphique, il est conçu en collaboration avec diverses structures éducatives dans le cadre d’un comité de pilotage et en partenariat avec l’Acsé (Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances).
Comité de pilotage :
- Centre de Ressources pour le Développement Social Urbain (CRDSU)
- Centre Ressources Enfance Famille 01/69 et 38 (CREFE)
- Collège Coopératif Rhône-Alpes (CCRA)
- Réseau de Réussite Scolaire Colette de Saint-Priest
- Inspection Académique de l’Isère
- Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports et de la la Cohésion Sociale
- Défenseur des Droits
- Institut Français d’Education de l’ENS (ex INRP)
Projet et réseau
Dans son rapport « les projets de réussite éducative, analyses latérales », Gilles Herreros écrit :
« La définition de la notion de réseau la plus communément admise par les sociologues de l’innovation renvoie à l’idée selon laquelle celui-ci est un ensemble d’entités attachées les unes aux autres, mises en lien, en convergence par un projet qui se définit au fur et à mesure de la constitution du dit-réseau. Ainsi réseau et projet forment un couple dont les termes s’entre-définissent tout au long de leur formation-déformation. Ainsi, le projet autour duquel se forme un réseau ne préexiste pas à celui-ci ; c’est au contraire dans la formation progressive du réseau, c’est-à-dire dans l’attachement continu d’entités nouvelles les unes aux autres, que se définit le contenu du projet qu’il porte ».
Nous pouvons faire l’hypothèse que ce séminaire consacré au partenariat et à la réussite éducative a fait naître un réseau d’acteurs de l’école et hors l’école « attachés » à contribuer à la réduction des inégalités scolaires et éducatives. Un réseau où des « entités nouvelles » ont rejoint un noyau initial de participants autour d’un projet de co-formation non prévu en l’état initialement. Un réseau susceptible de s’épauler voire parfois de s’entraider dans une recherche presque inlassable de ressources, rencontres et actions en direction des familles, parents et enfants en situation de fragilité.
Le partenariat… « complexe » mais « indispensable »
On ne compte plus les notes, rapports et ouvrages qui traitent du partenariat entre l’Education Nationale et les professionnels de l’action éducative. « Complexes » mais « indispensables », tels sont les 2 adjectifs qui qualifient le plus souvent les rapports entre les partenaires œuvrant dans le cadre de l’accompagnement scolaire et éducatif.
Après avoir interrogé la notion de partenariat à travers le regard de certains chercheurs, voici une synthèse des apports et des échanges produits par les participants. Il laisse ainsi une trace de ce partenariat qui a élaboré sa propre formation tout en se forgeant un regard dialectique sur les tensions, dilemmes et spécificités du travail et du métier de chacun.
Le partenariat : à la recherche d’une définition scientifique…
Comme le rappelle Corinne Mérini (2006), le mot partenariat lui-même est très contemporain (il a été introduit en 1987 dans le Petit Larousse). Issu de l’économie de marché, il apparaît en même temps "qu’actionnariat "et "entreprenariat", entre autres, avec qui il a en commun le suffixe " iat " qui marque l’appartenance au champ de l’action. L’auteur ajoute encore que le partenaire prend deux significations radicalement différentes entre son origine latine (part, partitio, partitionnis) qui signifie partager, diviser un butin, et sa forme actuelle qui apparaît au 18ème siècle et qui veut dire " propriétaire indivis d’un bien ". Cette ambiguïté se retrouve dans le verbe « partager », utilisé tantôt pour marquer la division et la répartition comme dans le partage d’une tâche, ou au contraire l’association quand il s’agit de partager une responsabilité.
Guy Pelletier (1998), concourt à la même idée lorsqu’il explique que le sens étymologique du terme partenariat renvoie aux notions de partage, de séparation mais aussi d’association et d’invitation des acteurs sociaux à jouer des rôles plus actifs dans l’accomplissement d’une même mission.
Par ailleurs, Marjolaine Saint-Pierre (2004) ajoute que le partenariat est « une convergence d’intérêts qui se manifeste par une action collective pour atteindre des objectifs communs, basée sur le partage des informations et des compétences. Il faut comprendre que le partenariat n’est pas une réalité statique mais davantage un lieu de consensus et d’évolution organisationnelle » (p.132).
Comme on peut le remarquer, il est loin d'être évident de pouvoir proposer une définition précise, univoque du terme partenariat. A peine existe-t-il un consensus où se réunissent divers acteurs déterminés à aller vers un objectif commun. Nous ne nous risquerons donc pas à en proposer une définition stricte et définitive. En revanche, nous pouvons esquisser, sous ce terme, l’ensemble des relations impliquant des acteurs externes et internes débouchant sur une « action ». Ainsi, comme le définit Corinne Mérini (1998), le partenariat se présente comme une action de co-élaboration, visant à résoudre un problème reconnu par tous comme commun, et ceci à partir des différences de chacun dans la recherche de complémentarités.
Les ambiguïtés du partenariat
Le partenariat regroupant des acteurs multidisciplinaires aurait une tendance naturelle à « décentrer » la culture traditionnelle du monde scolaire tout en permettant aux participants de mieux s’approprier leur identité professionnelle et d’y retrouver les principaux éléments structurants. L’échange avec un partenaire peut se révéler un moment propice d’explicitation de ses conceptions, de sous-entendus, de non-dits que l’on partage communément dans une culture professionnelle donnée mais qui ne sont pas toujours très évidents (Pelletier, 1998).
Guy Pelletier signale encore que ces explicitations sont aussi une source d’appropriation, de libération des modèles inculqués et de ce fait, une invitation au changement et à l’innovation. Ainsi, l’ouverture créée par un partenariat peut permettre de modifier le regard sur soi, d’enrichir sa pratique et de contribuer à reconstruire son identité. Néanmoins, une telle action n’est pas forcément perçue comme facile à réaliser parce qu'elle questionne les représentations, les routines et les manières de faire de chacun. D’autre part, le partenariat nécessite des compétences particulières qui ont une légitimité digne d'intérêt mais qui pâtissent injustement, parfois, d’un manque de reconnaissance.
Dans son concept de stratégie identitaire, Mokhtar Kaddouri (1997) met en évidence :
- Le rapport entre les projets personnel, institutionnel et partenarial (ces projets pouvant être complémentaires ou incompatibles) ;
- L'écart entre la position qu‘un acteur souhaite tenir, au nom de son organisation, au sein du système partenarial et la position qui lui est proposée voire imposée (la façon dont l’acteur concerné se positionne ainsi que le sentiment qu’il a du positionnement qui lui est accordé peuvent être source de tensions).
- La gestion des différentes identités qui entraînent une certaine incohérence entre l’identité assignée et l'identité que l’acteur envisage pour lui-même. On retrouvera également des problèmes de double appartenance (légitimité de l’acteur au sein de son organisation et du partenariat qui peuvent avoir des liens difficiles), des différences de cultures professionnelles et enfin de positionnement de l’acteur sur le marché (logique de fonctionnement et systèmes d’attentes différentes).
Dans tout partenariat en formation, il convient donc de s’interroger sur la nature des interrelations que les différents protagonistes construisent entre eux, de définir qui joue avec qui (ou contre qui), quelles sont les règles qui réfèrent ces pratiques.
Par conséquent, loin de négliger ces barrières invisibles, empêchant le développement en commun des compétences partenariales, il est indispensable de lutter contre un renfermement sur soi, explicite ou non, ce qui priverait les uns des capacités des autres à réaliser des projets en commun.
Pour aller plus loin
Kaddouri M. (1997). Partenariat et stratégies identitaires : une tentative de typologisation, Education Permanente, n°131/1997-2. pp109-126.
Merini C. (1998), Le partenariat en formation – De la modélisation à une application, Ed L’Harmattan.
Pelletier G. (1998). Le partenariat : du discours à l’action. In : Revue des échanges de AFIDES. Volume n°14 numéro 3.
Saint-Pierre M. (2004). La décentralisation scolaire en action. Le processus de prise de décision en partenariat. De la décentralisation au partenariat Administration scolaire. Sous la direction. ST-Pierre M. et Brune L. Québec : Presses de l’université du Québec.
Herreros G. (2009). Les projets de réussite éducative. Analyses latérales. INRP.
En ligne
Site de l'Association des Directeurs de Bibliothèques Départementales de Prêt : Nature et limites des partenariats éducatifs. Mérini C.
Site du Centre Alain Savary : Un regard latéral sur les projets de Réussite Educative, Synthèse du rapport du séminaire 2007-2009, Gilles Herreros