La compréhension des énoncés : une entrée en formation pour l'enseignement de la résolution de problème
Faire apprendre à comprendre les énoncés de problèmes en REP+
Pourquoi cette formation ?
« Nous avons mené un entretien avec notre IEN Gaëlle Pavon qui a réexplicité les enjeux de la commande : " Ça faisait deux ans que je me disais : je voudrais faire une formation sur la résolution de problèmes mais pas les mêmes que celles qui tournent et qui portent surtout sur la typologie des problèmes. Je voudrais vraiment aller sur l'énoncé, le torturer dans tous les sens pour comprendre comment il fonctionne et comprendre ce qu'on cherche finalement. J'ai fait le lien avec l'enseignement de la lecture-compréhension (sur lequel nous formons les enseignants en parallèle la même année) et du coup, il y avait quand même cette idée d'un travail sur la sémantique [...] on se base vraiment sur l'aspect compréhension. Pour moi, c'était l'enjeu de cette formation : pour l'élève, comprendre ce qu'il y a à comprendre dans un énoncé ; en somme ce qui y est dit et ce qui ne l'est pas mais qui peut être trouvé et pour les enseignants, conduire un travail langagier avec leurs élèves avant même de passer par des activités de manipulation, de modélisation, de calcul ou de communication du résultat. ”».
Comment avez-vous "traduit" la commande ?
« Les résultats aux évaluations nationales montrent de façon récurrente des difficultés importantes des élèves en Résolution De Problèmes. Pourtant les enseignants travaillent la RDP sous forme de problèmes ritualisés, ont des problèmes de référence harmonisés pour certains au sein des écoles. Cela amène à questionner non pas la fréquence mais la nature même de l’enseignement de la RDP. En effet, la difficulté majeure ne réside pas seulement dans le calcul, mais dans la compréhension fine des énoncés. Or, comprendre un problème, c’est avant tout être capable de passer d’un énoncé écrit à une représentation mentale claire et mathématique de la situation. Cela renvoie à la dimension sémiotique : les mots, les tournures de phrases, les implicites et les indices linguistiques peuvent freiner la compréhension et la mise en équation du problème. Travailler la sémiotique des énoncés de problèmes pourrait outiller les enseignants pour identifier les obstacles liés au langage, aider les élèves à décoder le vocabulaire spécifique et les structures de phrase, mettre en place des démarches explicites de reformulation, de modélisation. En allant chercher du côté de la sémiotique, cette formation ambitionne de mieux articuler compréhension de l’énoncé et RDP, afin de lever un verrou didactique sous-estimé mais décisif pour la réussite des élèves.»
Notre analyse
Prendre "la compréhension des énoncés de problèmes" comme objet de formation implique de s'interroger sur les dimensions langagières des problèmes posés aux élèvesCentre alain-Savary (2017). Catégoriser des problèmes en mathématiques, un enjeu langagier majeur. Article de problématisation..Effectivement, la difficulté pour les élèves réside dans l'identification de la structure du problème et les opérations à mobiliser qui sont intriquées à la compréhension fine des énoncés verbaux. Cette compréhension est un apprentissage exigeant qui nécessite d'outiller les enseignants. Comprendre un problème à énoncé verbal, c’est la capacité pour l'élève de passer d’un énoncé écrit à une représentation qui mobilise plusieurs registres de représentations sémiotiquesCentre Alain Savary (2024). Cadres et registres de représentation sémiotique (d'après R.Douady et R.Duval). Article sur le site., notion développée par le didacticien Raymond Duval. Ce chercheur précise que pour comprendre un énoncé il faut passer par une activité souvent invisibilisée et pourtant fondamentale en sciences : la description qui passe par l'usage de registres de représentation sémiotique. En particulier, cette activité de description convoque plusieurs aspects du registre verbal écrit : Le lexique, la syntaxe, la sémantique, et aussi la logique. S'intéresser en formation à ces aspects vise à outiller conceptuellement et méthodologiquement les enseignants à aider les élèves à débusquer les implicites propres à la nature très spécifique des énoncés de problème mathématique. Comme le souligne le didacticien Joël Briand :
« Un problème à énoncé textuel, tel qu'on l'imagine classiquement à l'école élémentaire a été fabriqué pour de l'enseignement.[...] L'énoncé, c'est déjà un objet didactique [...] un type de texte très particulier pour lequel la compétence en lecture de textes narratifs ou informatifs ne se transfère pas aisément. La prise de sens par les élèves demande une double compétence, compréhension de la situation proposée et de l'enjeu mathématique pour faire un choix de stratégie et d'outils adaptés. La lecture d'énoncé de problème est une activité spécifique qui nécessite un travail didactique particulier. Le travail de lecture, le tri d'informations, la réorganisation de données ne peut être engagé que s'il est guidé par une idée de stratégie de résolution. Le traitement numérique à proprement parler peut être différé. Mais la mise au point d'une stratégie marche de manière dialectique avec la construction du sens»
Joël Briand, didacticien des mathématiques (NéopassForm@tion, 2025).
Les enjeux à faire de la compréhension d'énoncé un objet d'apprentissage
Ce que l'on comprend des enjeux de votre formation
Travailler la compréhension des énoncés verbaux via une activité de description permet d'outiller les enseignants à :
- Faire "l'analyse à priori" des énoncés proposés ;
- Identifier les obstacles liés au langage ;
- Évaluer la nature de la difficulté soulevée par tel ou tel énoncé ;
- Faire décoder aux élèves le lexique spécifique, les implicites et les structures langagières ;
- Faire comprendre aux élèves la spécificité des énoncés verbaux en mathématiques : une description complète et des descriptions minimales ;
- Faire varier les types de problèmes proposés ;
- Proposer des reformulations de modélisation d'un problème.
De la conception à la mise en oeuvre de la formation
Le témoignage est organisé en quatre parties interdépendantes :
- Les références théoriques mobilisées pour instruire les enjeux de formation, à partir des travaux du didacticien R.Duval et de notions issues de la linguistique de F.de Saussure ;
- L'ingénierie de formation pour concevoir des situations d'enseignement visant à faire apprendre à comprendre les énoncés de problèmes ;
- Une mise en oeuvre dans une classe, avec une description de tâches proposées, des interactions avec les élèves et des productions.
- Vers un conservatoire de métier, une recension des difficultés, dilemmes, points de vigilance, limites et d'intérêts lorsque les enseignants font d'un énoncé de problème un objet d'apprentissage.